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Full text of "Monuments antiques de Chypre, de Syrie et d'Égypte"

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MONUMENTS 

ANTIQUES 

DE CHYPRE 



DE SYRIE ET D'EGYPTE 



GEORGES COLONNA-CECCALDI 







PARIS 

DIDIER ET C", LIBRAIRES-ÉDITKURS 

35, QUAI l)KS GHANDS-AUGUSTINS, 35. 









A UNE CHERE 
ET NOBLE MÉMOIRE 



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N 



AVERTISSEMENT 



Ce volume est le recueil posthume de mémoires et 
de travaux d'archéologie dont Fauteur, enlevé préma- 
turément, a laissé dans cette science un nom déjà 
connu. 

En présentant aujourd'hui ce livre au public, il a 
paru naturel de le faire précéder de quelques pages 
empruntés à la Revue archéologique^ où l'on a essayé 
de retracer succinctement la vie et les travaux du jeune 
et regretté savant, à la mémoire duquel sa famille et 
ses amis ont voulu rendre ce pieux et dernier hom- 
mage. 

GEORGES COLONNA-CECCALDI 

(Extrait de la Revue archéologique ^ décembre 1879) 

C'est avec un vif sentiment de regret que nous faisons part aux 
lecteurs de la Revue archéologique de la mort d*un jeune savant 
dont ils ont été à même d'apprécier maintes fois les remarquables 
travaux. M. Georges Colonna-Ceccaldi a succombé le 3 septembre 
dernier ^ à une longue et cruelle maladie, sur Tissue fatale de la- 

I. 1879. 



4 AVERTISSEMENT 

quelle ses parents et ses amis ne pouvaient plus, depuis des années, 
conserver d'illusion. 

M. Georges Colonna-Ceccaldî n'était âgé que de trente-neuf ans. 
Il avait longtemps résidé en Orient. Les fatigues supportées sous un 
climat déprimant, dans des recherches qui le passionnaient, n'ont 
pas été sans influence sur l'origine et le développement du mal 
qui l'a emporté, et contre lequel il a lutté jusqu'au dernier jour 
avec le courage d'une nature d'élite. Il avait la souffrance concen- 
trée et discrète, autant par une rare énergie de volonté que par 
affection pour les siens. Il se rendait cependant un compte exact 
de la gravité de son état. Il savait depuis longtemps que ses jours 
étaient comptés, et il ne craignait pas de mesurer d'un œil stoïque 
l'étendue de la tâche qu'il s'était imposée au court espace de temps 
qui lui restait à vivre. Cette tâche, il n'a pu l'accomplir entière- 
ment; mais s'il ne lui a pas été donné de rendre à la science ar- 
chéologique tous les services qu'elle était en droit d'attendre d'un 
esprit aussi bien doué^ il lui en a néanmoins rendu assez pour 
que son nom reste définitivement attaché à l'histoire des antiquités 
chypriotes et syriennes. 

M. Georges Colonna-Ceccaldi a été le premier à faire coimaître 
en France les belles trouvailles faites à Chypre par le général P. di 
Cesnola et par M. Lang. Grâce à la position qu'il occupait au con- 
sulat général de France à Beyrouth, grâce aussi à la présence de 
son frire, le comte T. Colonna-Ceccaldi », consul de France à Chy- 
pre (de 1866 à 1869), il avait pu sui^re de très près les excavations et 
recueillir sur les lieux mêmes une foule de renseignements et d'ob- 
servations qui ont aujourd'hui un grand prix. Les articles de la Re- 
vue archéologique où il a consigné une partie de ses recherches et 
de ses découvertes sur ce terrain si intéressant et si neuf sont des 
documents que les archéologues consulteront toujours avec fruit. Ils 
y trouveront, à côté de vues pénétrantes et justes, alliées à une cer- 
taine hardiesse d'interprétation, la plus scrupuleuse précision dans 

I. A qui Ton doit aussi quelques communications intéressantes sur les fouilles 
de Chypre, Revue archéologique, XVIII» p. 367 ; XIX, p. 267, pi. V et VI ; XX, 
p. 208, plé XVI. 



AVERTISSEMENT 5 

la description des monuments, et des reproductions d'une exactitude 
toujours rigoureuse. Et cependant c'est d'une main demi-paralysée, 
mais commandée par une volonté sans défaillance, qu'ont été relevés 
beaucoup de ces dessins si nets, si consciencieux. 

M. Georges Colonna-Ceccaldî était né à Paris le 7 janvier 1840. 
Il avait fait ses études au collège Rollin. Son premier séjour en 
Orient date de 1860, époque à laquelle il se rendit à Alexandrie, où 
il résida plus de deux ans, de mars 1860 à mai 1862. C'est en Egypte 
qu'il prit le goût de l'archéologie et des langues orientales. Il s'occupa 
activement d'organiser la bibliothèque et le petit musée de l'Institut 
égyptien. Entre autres recherches, il essaya de retrouver les traces du 
canal d'Alexandrie, qui faisait communiquer dans l'antiquité cette 
ville avec le Nil. Il ne perdit jamais de vue, depuis lors, cette diffi- 
cile question de topographie, sur laquelle il avait rassemblé une 
foule de données et de matériaux dont la mort l'empêcha de faire 
usage. C'est l'Egypte qui lui fournit la matière de son premief mé- 
moire archéologique (sur l'inscription du camp de César à Nicopo- 
lis). La copie qu'il prit de ce texte important est citée avec raison 
comme autorité par les éditeurs du Corpus inscriptionum latina- 
rum ». Un peu plus tard, il tira de ses notes et croquis, recueillis 
alors, la matière d'un intéressant mémoire sur le temple de Vénus 
Arsînoé au cap Zéphyrium 2. 

Revenu à Paris en 1862, M. Georges Colonna-Ceccaldi suivit les 
cours de l'école des Jeunes de langue et se livra avec ardeur à Pétude 
des langues orientales, arabe, turc et persan, sous la direction d'un 
maître émincnt, M. A. Pavet de Courteille. En 1866, après avoir 
passé les examens de cette école, il entra dans le service consulaire 
en qualité d'attaché au consulat général de France à Beyrouth. Il 
résida à Beyrouth de septembre 1866 à octobre 1871, date à laquelle 
l'état de sa santé le contraignit à rentrer définitivement en France. 
Pendant ce séjour de cinq années, interrompu seulement par un 
congé de quelques mois, il fit plusieurs excursions en Syrie et de 
nombreux voyages à l'île de Chypre, où il passa souvent jusqu'à 

1. Vol. III, n» 14, p. 7. 

2. Voir, au présent volume, Troisième partie, H. 



6 AVERTISSEMENT 

quatre et cinq semaines consécutives. Sa première visite à Chypre 
remonte au mois d'octobre 1866. Il y retourna deux fois en 1867, 
une fois en 1868, une fois en 1869, et à plusieurs reprises pendant le 
cours des années 1 869-1 871. Cest Chypre qui lui fournit sa plus 
abondante moisson archéologique. 

Le terrain, moins riche, mais non moins intéressant de la Syrie 
lui offrit cependant aussi plus d'un sujet de recherches. M. G. Co- 
lonna-Ceccaldi, qui possédait une rare expérience numismatique, y 
recueillit nombre de médailles curieuses et inédites. Il examina avec 
un soin particulier les inscriptions gravées sur les rochers escarpés 
du fleuve du Chien (l'ancien Lykus), et eut la bonne fortune d'en 
signaler d'inconnues. Il réussit même, non sans peine, et parfois 
non sans danger», à prendre des estampages de plusieurs d'entre 
elles 2. Il faut citer encore son étude approfondie sur le monument 
de Sarba et le site de Palaebyblos, ainsi que sa notice sur l'emplace- 
ment de Léontopolis de Syrie. 

Les dissertations de M. G. Colonna-Ceccaldi sur les antiquités 
de Chypre sont trop nombreuses et trop étendues pour pouvoir être 
analysées ici. Nous croyons rendre à la mémoire de ce jeune savant 
prématurément enlevé le meilleur et le plus sérieux des hommages, 
en même temps qu'un service à la science, en dressant la liste détail- 
lée et précise de ses travaux, publiés pour la plupart dans la Revue 
archéologique, 

1 . — 1864. Inscription du camp de César à Nicopolis (Egypte). {Revue 
archéologique^ volume X, page 211, planche XVIIl.) 

2. — 1869. Sépulture des environs de Beyrouth. {Rev, arch,^ XIX, 

p. 225.) 

3. — 1869. Le temple de Vénus Arsinoé au cap Zéphyrium (envi- 
rons d'Alexandrie d'Egypte). {Rev, arch., XIX, pp. 268-272, pi. VII.) 

4. — 1870-71. Découvertes de Chypre. (Rev. arch,^ XXI, pp. 23-36.) 

1. Un jour, exposé sans abri, au sommet d'un échafaudage, à toutes les ardeurs 
de ce soleil si redoutable de Syrie, il achevait d'exécuter un de ces estampages, 
quand il sentit tout à coup Pinsolation le prendre. (1 n^eut que le temps de se 
précipiter en bas et de se plonger tout habillé dans le fleuve. 

2. Ces estampages doivent se trouver entre les mains de M. Waddington. 



AVERTISSEMENT 7 

5. — 1870-71. Découvertes en Chypre. {Rev. arch.^ XXII, pp. 361-372, 
9 figures et pi. XXIII et XXIV.) 

6. — 1872. Léontopolis de Syrie. {ReVé arch.^ XXIII, pp. 169-172.) 

7. — 1872. Stèle inédite de Beyrouth. (Rev,arch,, XXIII, pp. 253-256. 

8. — 1872. Découvertes en Chypre (suite). (/îev. arch,^ XXIV, pp. 221- 
228, pi. XXI.) 

9. — 1872. La patère d'Idalie. (Rev. arch,^ XXIV, pp. 304- 3 16, 2 fig. 
dans le texte, et pi. XXIV.) 

10. — 1873. La patère d'Idalie (suite et fin). {Rev, arch,^ XXV, pp. 18- 
3o, I fig. dans le texte.) 

11. — 1873. Découvertes en Chypre (note additionnelle). (Rev. arch., 
XXV, p. 3i, pi. I.) 

12. — 1873. Bas- relief votif à Apollon. {Rev. arch,^ XXV, pp. 159- 
165} I fig. dans le texte.) 

i3. — 1874. Nouvelles inscriptions grecques de Chypre; Larnaca, 
Dali, val de Lympia. {Rey. arch.^ XXVII, pp. 69-95, pi. III, 3 fig. 
dans le texte.) 

14. — 1874. Inscriptions grecques du Lykus, près Beyrouth. {Rev. 
orcA., XXVII, p. 273.) 

i5. — 1875. Un sarcophage d'Athiénau (Chypre). {Rev. arch.^ XXIX, 
pp. 22-29, I fig. et pi. II.) 

16. — 1875. Nouvelles inscriptions grecques de Chypre. (Rev, arch,^ 
XXIX, pp. 95-101, pLII.) 

17. — 1876. Patère et rondache trouvées dans un tombeau de la nécro- 
pole d'Amathonte. {Rev. arch.^ XXXI, pp. 25-36, pi. I et II.) 

18. -* 1876. Sur le déchiffrement des inscriptions prétendues anarien- 
nesde nie de Chypre, par M. L. Rodet (compte rendu). {Rev, arch.^ 

XXXII, p. 280.) 

19. — 1877. Découvertes en Chypre: les fouilles de Curium. {Rev.arch,^ 

XXXIII, pp. i-ii, pl.I et 2 fig.) 

20. — 1877. Découvertes en Chypre (suite et fin) : une patère de Cu- 
rium. {Rev, arch.y XXXIII, pp. 177-189.) 

21. — 1878. Le monument de Sarba (Djouni de Phénicie) et le site de 
Palaebyblos. (Rev, arch,^ XXXV, pp. 1-22, pi. II, et 12 fig. dans le 
texte.) 

22. — 1878, Le Bulletin de l'Institut égyptien et le temple de Vénus 
Arsinoé. {Rev. arch., XXXVI, pp. 390-391.) 






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« AVERTISSEMENT 

23. — 1879. Notice sur la sigyne et le vcrutum des anciens et sur deux 
armes provenant d'Idalie. {Rev. arch,, XXXVII, pp. 363-375, fig. 
dans le texte.) 

24. — i87(). CjyruSy ils history^ etc., par M. Hamilton Lang, et Cy- 
prus^ Us ancient dites, etc., par le général L. Palma di Cesnola 
(compte rendu). (Rev.arch., XXXVIII, pp. 324-326.) 

25. — Découvertes de Chypre: Une partie de campagne à Idalie dans 
Tantiquité. {Magasin pittoresque^ 'S76, juillet, pp. 228-229, avec gra- 
vures.) 

Dissertations et notes relatives : 

A rÉgypte, n<»» 1, 3, 22 ; 

A la Syrie, n®* 2, 6, 7, 14, 21 ; 

A Chypre, n^* 4, 5, 8-1 3, i5-2o, 23-2 5. 

A cette liste il faut ajouter deux articles de fond très remarqués 
que M. G. Colon na-Ceccaldi publia dans le Temps (23 mai 1873 
et 3i août 1878) sur la question de la réforme monétaire, où il mon- 
tra, avec une grande originalité, quelle lumière et quelles indications 
pratiques Ton peut souvent tirer de l'antiquité même, pour la solu- 
tion des plus graves problèmes économiques de notre époque. 

M. Georges Colonna-Ceccaldi a donné en outre, à r Intermédiaire^ 
sous différents pseudonymes, de nombreuses notes sur divers pro- 
blèmes d'histoire et de littérature, et publié une curieuse étude sur 
Tévasion du Temple du dauphin Louis XVII '. 

Une grande partie des mémoires archéologiques et des planches 
qui les accompagnent ont été tirés à part, mais à un fort petit nombre 
d'exemplaires, distribués à quelques amis. II serait bien désirable de 
voir ces pages éparses réunies en un volume, qui ne saurait man- 
quer d'être accueilli avec faveur par tous ceux qui s'occupent des 
antiquités orifotalcs. 

Entre autres travaux inachevés, M. G. Colonna-Ceccaldi laisse 
un Corpus des inscriptions chypriotes, auquel il mettait la dernière 
main lorsque la mort l'a frappé. Ce recueil, qui avait pour base une 
reproduction scrupuleuse et rationnelle des textes, faite directement 

!. La brochure est signée Horace Edmèe. 




lo AVERTISSEMENT 

valeur. Néanmoins Ton a cru devoir faire connaître tels 
quels ceux d'entre eux qui étaient en état de voir le 
jour. Les savants trouveront là plus d'un document in- 
téressant. L'on signalera notamment le plan des fouilles 
entreprises à Dali par M. Lang, qui a été reproduit 
sur une planche à part '. 

Sauf de rares et très légères retouches nécessitées 
par certains raccords, quelques corrections de fautes 
typographiques, des renvois et des références rendus 
indispensables par l'agencement forcément un peu 
artificiel du volume, et çà et là, en note, quelques 
brèves remarques sur le fond même du sujet, l'on a 
scrupuleusement respecté le texte des mémoires repro- 
duits. Ces menues additions sont d'ailleurs précédées 
d'un astérisque. 

En outre. Ton a cru devoir intercaler çà et là quel- 
ques notes plus ou moins étendues, retrouvées dans les 
papiers de Tauteur et contenant d'intéressants rensei- 
gnements complémentaires. 

Ces passages sont mis entre crochets. 

L'auteur aurait peut-être, sur certains points de 
détail, modifié lui-même un peu, ou complété sa 
façon de voir et de dire, s'il lui avait été donné de 
réunir de ses propres mains, en les revisant, ces arti- 
cles écrits à des dates successives, dans un espace de 
quinze années; mais nul, parmi ceux mêmes qui l'ont 
le plus approché et qui étaient au courant de ses re- 

I. Planche I.' 



1^ CHYPRE 

Le choléra (i865) fit oublier, puis abandonner les fouilles^ 
et ce n'est qu'au milieu de Tannée 1866 que Ton se remit à 
travailler au même endroit. Le nombre et la valeur artis- 
tique des figurines qu'on en tira encouragèrent les amateurs 
dans leurs recherches; mais bientôt lamine parut s'épuiser, 
et, au milieu de Tannée 1867, Tattention commença à se 
porter d'un autre côté. 

Des paysans apportèrent un jour de Dali des figures de 
terre cuite d'un type particulier, de demi-grandeur naturelle, 
et qu'ils cédèrent avantageusement. Des objets identiques et 
d'innombrables poteries arrivèrent plus tard de la même 
localité, et les prix de plus en plus élevés qu'on en ofFrit 
encouragèrent les Daliotes à donner aux fouilles une impul- 
sion et une activité qu'elles conservent encore. 

L'exemple gagna les autres parties de Tîle, et on se mit 
à travailler dans les lieux circonvoisins de Larnaca et de Dali, 
puis à Limassol, BafFo, au Carpas, et dans l'intérieur, à Hagi 
Héracliti, Athiénau, Chytri, etc. 

Avant de classer et d'énumérer tous les monuments mis à 
jour depuis trois ans, je décrirai sommairement les localités où 
curent lieu les principales découvertes et où les travaux con- 
tinuent. Leurs situations respectives pourront être facilement 
déterminées sur des cartes détaillées, telles que celles de 
MM, A. Gaudry et de Mas-Latrie pour Tintérieur de Tîle, et 
du capitaine Graves, R. N., pour les côtes. L'on se rendra 
compte ainsi des accidents naturels et, jusqu'à un certain point, 
des paysages. 

g I. — LARNACA (Aapva^). 

La ville actuelle se divise en marine et ville proprement 
dite. Sept minutes de chemin séparent les deux Larnaca. A 



f% CHYPRE 

près du couvent^ , des morceaux de statuettes de marbre blanc, etc. 
— Sur un de^ chemins les plus fréquentes et les plus directs qui 
vont de la marine à la ville, on rencontre, sur remplacement 
probable de la cite grcco-romaine, des restes de substructions en 
briques et des traces de mosaïques. 

Dans les rue-», Ion voit souvent des chapiteaux brisés servant 
de bornes, des tronçons de colonnes, etc. 

(2cttc plaine, qui va de Larnaca aux salines, est une carrière 
continuellement exploitée, où, à une profondeur qui varie de 
I à 3 mètres, on extrait de larges dalles carrées de gypse lamel- 
leux blanc,* des tuiles de grande dimension et d'excellente fabri- 
cation, de gros blocs tout taillés et de grand appareil. Ces trous, 
qui rendent la plaine dangereuse à traverser dans Tobscurité, 
se succèdent presque sans interruption jusqu'aux rives de la 
grande lagune. 

Les salines s'étendent vers le sud parallèlement à la mer et 
au port de Larnaca. Elles sont au même niveau qu'un vaste ter- 
rain placé entre elles et la côte. Ce terrain, très fertile, entre- 
coupé de cloaques d'eau saumàtre, est séparé de la mer par une 
levée de galets fort basse, et des salines par une chaîne de colli- 
nes dont la base forme de ce côté un plateau qui surplombe le 
sol d'une hauteur d'environ i o à 1 5 pieds. Évidemment taillé 
de main d'homme en quelques endroits, ce plateau formait en 
quelque sorte le quai de cet ancien port de Citium. 

La pente des collines est assez douce de ce côté. Au bas de 
cette pente et sur une grande partie de la longueur du plateau 
dont je viens de parler, on a découvert des tombeaux où con- 
duisaient des escaliers pratiqués dans la terre sèche elle-même. 
Ces tombeaux contenaient de grands sarcophages rectangulaires 
en pierre calcaire, couverts d'une seule dalle, et des stèles 
rondes, ornées de moulures et portant des inscriptions termi- 
nées par la rubrique bien connue : XPHCTE XAIPE^ 

* I. Voir plus loin, Première partie, chapitre vi. 




DÉCOUVERTES 19 

Du côté des salines, le versant de ces mêmes collines est 
assez raide. A sa base, à quelques mètres de distance du marais, 
on a mis à jour des restes de maçonnerie et quantité de figu- 
rines en terre cuite appartenant à Tépoque gréco-romaine, 
quelques verreries et quelques fragments de marbre et de pierre 
calcaire. Les eaux du marais venaient peut-être jadis baigner 
le pied de Tédifice qu'il y avait là : des murs de refend par- 
taient du mur principal adossé à la colline, et formaient des 
compartiments carrés, dallés de gypse, et dont je comptai 
jusqu'à quatre. Parmi les décombres, je trouvai des frag- 
ments de fresque; sujets ou simples ornements, je ne pus 
rien déterminer. Quelques pierres portaient la trace du feu. 

C'est à cet endroit même qu'eurent lieu les premières décou- 
vertes dites des salines. 

Si de cet endroit on suit le rivage vers le sud, on dépasse 
les meules de sel, la maison du garde, et on arrive, par une 
levée assez étroite et évidemment artificielle (et qui sert aussi 
de chemin pour gagner le Tekieh de la Sultane), à un monti- 
cule élevé d'une quinzaine de mètres, isolé au milieu de la 
lagune et la dominant. 

Au sommet, rien n'indiquait qu'il eût existé sur ce petit 
plateau un édifice quelconque. Le consul d'Amérique voulut 
bien, sur mes indications, y faire travailler ses fouilleurs. Ils 
mirent à découvert des restes de maçonnerie, substructions en 
petits moellons enfouies peu profondément, et récoltèrent, 
éparpillés en divers endroits, un assez grand nombre de frag- 
ments de marbre portant tous sur leur bord, gravées en carac- 
tères lapidaires assez nets, des inscriptions phéniciennes. 

Un tertre de même genre existe sur la rive opposée du 
marais, à un mille environ du Tekieh de la Sultane, sur une 
langue de terre qui s'avance assez loin dans l'eau. Des travaux 
suivis amèneraient peut-être en cet endroit des découvertes 
d'antiquités également phéniciennes. 



20 CHYPRE 

Pour en revenir à Larnaca, nous ajouterons que c'est dans 
un terrain situé non loin de la ville, à la limite nord de l'ancien 
port supposé de Citium, que Ton a trouvé la stèle de caractère 
assyrien du musée de Berlin. 

Quelques tombeaux de caractère monumental se trouvent à 
Larnaca ville ou aux environs. Je ne les décrirai point ici. Je 
me réserve d'en parler dans une étude géographique plus 
détaillée sur l'ancienne Citium. Quelques autres sépultures, 
assez semblables à celles de Dali (une chambre en cul-de-four 
fermée d'une dalle), ont fourni des poteries de genres divers et 
entre autres des jarres portant des inscriptions phéniciennes, 
tracées à l'encre, et dont nous reparlerons en détail au titre de 
la Céramique de Chypre '. 



g 2. — PYLA (lluXa), ALASSO ('AXa<j<Jo), 
OROMIDIA ('OpojJLYi^ia). 

Si, partant de Larnaca, on se dirige le long de la côte vers le 
nord-est, on marche dans cette vaste plaine, en grande partie 
carrossable, qui sépare Larnaca de Pyla et qui semble, vu l'ab- 
sence des débris antiques, avoir été récemment abandonnée 
par les eaux. Au bout d'une demi-heure ou trois quarts d'heure, 
on passe devant Livadia, Aiêà^ia, où quelques trouvailles ont 
été faites, devant Voroclini, Bopox>.ivYi, et, après avoir franchi un 
massif de roches calcaires fort basses, on atteint Pyla. 

Pyla est un village placé comme en sentinelle au pied des colli- 
nes qui séparent en cet endroit la plaine de laMessaorée de celle 
de Larnaca. On ne peut entrer dans laMessaorée qu'en passant 
par Pyla, point stratégique où une tour carrée vénitienne se 
voit encore. Une inscription (latine ou grecque?) sur pierre 

!• Appendice, f^ 



\ 



22 CHYPRE 

(AnOAAON MAFEIPIOS), cuiseur ou maturateur des fruits. Il 
paraît avoir été circulaire. 

Dans Tenceinte du temple, la confusion entre les statues 
chypriotes et grecques avait été soigneusement évitée, et les 
statues chypriotes se trouvaient en rang, placées vis-à-vis des 
statues à inscriptions grecques, également en rang.] 

Si Ton gravit le sentier de la colline marno-calcaire qui 
domine Pyla, et sous laquelle passait un aqueduc récemment 
découvert, on entre dans la Messaorée, et, en se dirigeant au 
nord vers Arsous, ^'Afco;, on atteint, après trois quarts d'heure 
de marche environ, un mamelon couvert de débris. On y a 
trouvé en grande quantité des fragments de statues. Tous ceux 
que j'ai vus étaient de caractère romain. Une tête colossale 
d*untype particulier (juif ou assyrien?), et dont la coiffure est 
assez originale, a été trouvée au même endroit. Elle avait servi 
d'applique ou de bas-relief à un monument quelconque. 

Je n'ai point visité le lieu nommé dans le pays Alasso. Quand 
on va de Pyla à Famagouste, il faut se détourner de sa route 
et aller à gauche pour voir Alasso. 

A Oromidia, village situé non loin de la côte, à deux heures 
de marche environ de Pyla, à l'est, on a trouvé des poteries et 
des vases peints, dont quelques-uns de caractère très archaïque. 



g 3. — DALI ('l^a>.iov), ATHIÉNAU (AÔtévou), CORNO 

(Kopvo;), ETC. 

Deux routes conduisent de Larnaca à Dali. La plus courte 
et la plus fréquentée pénètre, à une lieue de la ville, dans une 
chaîne de collines peu élevées et de calcaire blanc (en grande 
partie de calcaire statuaii^e). Elle les traverse en longeant des 
ravins et le lit d'un torrent à sec pendant l'été, passe par Coschi, 



24 CHYPRE 

qu'on suppose avoir été l'ancienne Golgos. D'importantes 
découvertes, consistant surtout en statues de pierre calcaire de 
l'époque grecque et d'un âge plus ancien, ont été faites dans le 
bourg même et aux environs. 

La plaine d'Athiénau est bornée au nord-ouest par des collines 
ou plutôt des ondulations de terrain qui, une fois franchies, 
permettent d'apercevoir une vallée verdoyante, large d'environ 
une lieue et demie, et arrosée l'été par un ruisseau. L'hiver, un 
torrent assez considérable la traverse. 

Ce torrent, qui sort du massif du Mâchera, est un affluent de 
l'Aoûs. Il arrose le petit village de Nysso, près du tchiftik 
Mattei, et, faisant un coude vers le nord, atteint la petite ville de 
Dali, qu'il laisse au sud, enfouie dans la verdure et les jardins. 
Au sortir de Dali, ce torrent, se dirigeant toujours vers Test, 
longe une chaîne de collines, atteint Potamia, ïloTajjiia, et entre 
dans la Messaorée. 

Qu'on vienne de Larnaca par Coschi ou par Athiénau, on 
remarque dans les plaines des élévations complètement isolées 
qu'on serait tenté de prime abord de prendre pour des tumulus 
artificiels ou des amas de décombres. Ils se trouvent surtout 
dans l'est et le sud, à peu de distance des collines. Quelques- 
unes de ces élévations sont très hautes. Aucune n'a été fouillée, 
que je sache. 

Le Dali actuel occupe-t-il l'emplacement de l'ancienne cité 
d'Idalium? C'est ce que je ne saurais préciser. J'ai vu dans la 
ville de nombreuses traces de l'antiquité, telles que chapi- 
teaux corinthiens, tronçons de colonnes, et, dans deux maisons 
de paysans, des statues mutilées ; mais point de ruines d'édi- 
fices. 

La ville de Dali ' est limitée au sud par un ruisseau qui n'est 



* I. Cf. le plan partiel, à plus grande échelle, donné au chapitre m, l'Appen- 
dice et la planche I. 



V 



DÉCOUVERTES 25 

presque jamais à sec. Entre ce ruisseau et la chaîne de collines 
qui, partant du Mâchera, ''Opo; ty;; Ma)(^aipa^oç, court de Touest à 
Test, s'étendent des champs ensemences de céréales, de vignes 
et de chanvres, et présentant, des collines au ruisseau, une décli- 
vité peu prononcée. Ce sol, où les eaux ne séjournent pas, est 
léger et sec, et renferme une nécropole dont on n'a pas encore 
déterminé les limites. 

Une autre chaîne de collines, située au nord de Dali, court 
parallèlement à la chaîne du sud, presque en ligne droite. Elle 
prend naissance à quelque distance de TAoûs, à Péra, Il^pa 
Xwpfov, et se termine brusquement, presque à pic, à la hauteur 
du village de Potamia, à Test de Dali. 

C'est dans ces collines, m'a-t-on dit, à environ deux milles de 
la ville, que l'on fit, en janvier 1868, les premières découvertes 
de tombes creusées dans le roc même. La forme de ces tombes 
est celle d'un cul-de-four d'environ i"*,5o de haut sur i",8o à 
2™,5o de diamètre. Un trou, percé dans la paroi et à égale dis- 
tance du plancher et de la voûte, qui est hémisphérique, donne 
accès à l'intérieur, ne laissant passer que juste le corps d'un 
homme. Cette entrée se trouve fermée par une pierre plate de 
o"',6o à i",2o. Généralement un étroit et court couloir conduit 
à la porte. On ne trouve dans ces tombeaux aucune trace de 
maçonnerie. 

Les objets qu'on y a découverts sont : des poteries à raies 
noires et rouges, entrecroisées et formant des espèces de ha- 
chures ; des vases vernis ou non, brunâtres ou noirs et sans 
peintures; des lampes dites romaines, à sujets, et des lampions 
grossiers en forme de godets, pareils à ceux dont on se sert 
encore dans l'île ; des animaux et des oiseaux de terre cuite, 
creux et ayant servi de vases ; des lances de bronze; quelques 
coupes de bronze, hémisphériques et unies; enfin une très 
grande quantité d'ossements. 

A 200 mètres de là, au pied d'un mamelon, sont disséminées 



26 CHYPRE 

des pierres de taille de grand appareil et qui semblent indiquer 
l'existence d'une ancienne ville, ou village, dont dépendait la 
nécropole. 

Des sépultures identiques furent découvertes au pied des col- 
lines du sud, en février 1868, dans des champs que traverse un 
chemin qui part de Dali, côtoie un petit tertre, et conduit dans 
les vallées voisines de Lympia et d'Alambra, après avoir tra- 
versé la chaîne de hauteurs par une coupure où le dominent, en 
cet endroit, les deux collines d'Ambelliri. 

C'est après les récoltes que les fouilles se font ordinairement. 
Elles ont commencé à droite du sentier en quittant Dali, dans 
un champ de vigne et de blé, parsemé de gros cailloux roulés et 
de rognons de pierre dure et noirâtre. 

Les tombeaux, en cet endroit, sont presque tous les mêmes : 
un couloir d'environ 4 mètres de long conduit à une ouverture 
fermée d'une dalle de 2 à 3 pieds carrés, et donnant accès dans 
une grotte en cul-de-four d'environ 7 à 8 pieds de long sur 6 à 
7 de large et autant de haut. Les corps sont, soit couchés avec 
soin le long des parois, soit ramassés pêle-mêle dans un coin et 
les ossements confondus. A terre sont épars des vases de toutes 
sortes, dont les ornements caractéristiques consistent en cercles 
concentriques ou en des lignes rouges et noires entrecroisées, 
ou en des figures en relief (très rares); peu de vases avec vernis; 
quelques lampes et lampions. 

Je visitai, dans le même terrain, un tombeau trouvé à 2",5o 
environ sous terre et d'une remarquable construction : un esca- 
lier de vingt marches, de très belles pierres de taille, pratiqué 
dans un couloir de même appareil, donnait accès à l'intérieur 
d'une chambre sépulcrale, construite en pierres soigneusement 
équarries et toutes de même dimension. La voûte, effondrée, 
était angulaire, ainsi que le montrent les arrachements, visibles 
sur la paroi du fond. Au centre, je vis un sarcophage violé et 
brisé. Tout l'intérieur de ce caveau était noirci, et la pierre cal- 




DÉCOUVERTES 27 

cinée en plusieurs endroits, comme si un violent incendie y eût 
été allumé. 

On trouva près du sarcophage deux anses de bronze affectant 
la forme d'étriers et pourvues, à la partie supérieure de la 
courbe, d'une sorte de fleur de lis, quelques débris de vases 
de bronze et une lampe à trois anneaux et à deux becs de même 
métal. 

Dans la partie de ce même terrain qui touche la route, vers 
Dali, quelques tombes renfermaient des verreries et des bijoux ; 
Ton m'a assuré que les curieux vases à personnages (que je 
décrirai dans la Céramique de Chypre) proviennent tous, sauf 
un seul, de ces mêmes sépultures. 

Au pied de la colline Est d'Ambelliri, est une chapelle grecque 
fort délabrée. De ce point au chemin et au ruisseau de Dali, 
s'étendent des champs où l'on a ouvert des tombeaux, toujours 
de même genre que les précédents, peut-être un peu plus grands, 
et qui ont fourni des poteries unies, des verreries plus ou 
moins irisées, selon la nature plus ou moins calcaire et sèche 
du terrain, des lampes dites romaines à sujets et à inscriptions, 
des lampions et des poteries grossières qui ne semblent pas 
avoir été travaillées au tour. Presque toujours les ossements 
sont entassés par couches séparées entre elles par de la terre. 

L'exploration de ces nécropoles a fait constater ce fait impor- 
tant que, toutes les fois qu'on rencontre dans une sépulture des 
poteries communes, les verres et les bijoux manquent, et les 
ossements de plusieurs cadavres sont entassés dans un coin. 
Ces tombes, dont l'arrangement intérieur dénote de la négli- 
gence et de la précipitation, sont vraisemblablement celles des 
pauvres. Quant à celles des riches, elles sont, bien entendu, en 
moins grand nombre et caractérisées par des vases peints ou 
ornés, des verreries et des bijoux, soit funéraires (c'est-à-dire 
fabriqués exprès et économiquement), soit usuels. 

A l'inspection des premiers objets qu'ils tirent des tombes, les 



28 CHYPRE 

Dâliotes savent à quoi s'en tenir sur leur contenu et s'ils doivent 
continuer à les fouiller. Ils ne se trompent jamais. 

Si Ton se dirige vers la chapelle grecque dont j'ai parlé, au 
pied de la colline Est d'Ambelliri,on se trouve, en faisant quel- 
ques pas vers le sud, au bas d'une rampe évidemment factice, 
d'une pente uniforme, assez raide, et qui permet d'atteindre le 
double mamelon qui forme le sommet de ladite colline. Cette 
rampe était-elle primitivement un escalier? C'est ce que la 
présence de quelques fragments de maçonnerie m'a fait sup- 
poser. 

Sur le mamelon de droite se trouvent les restes d'un édifice 
qui a dû être important. Construit en belles pierres de taille 
et en moellons, il n'en reste plus que quelques tronçons de 
mur et une sorte de grande citerne carrée, de bel appareil, 
au fond de laquelle je remarquai des ouvertures rondes qui me 
parurent être des orifices de tuyaux. Quelques débris de statues 
de pierre calcaire jonchent le sol en cet endroit. 

Une dépression de terrain ensemencé sépare cet édifice de 
l'autre mamelon, celui de gauche, distant de 5o mètres en- 
viron. 

Là se voient également des restes de maçonnerie, dépen- 
dances sans doute de l'édifice principal. Le sol est profondément 
bouleversé et l'on y trouve une immense quantité de figures de 
pierre cassées, et de débris de statues de terre cuite, le tout 
appartenant à différentes époques. La grande statue, mainte- 
nant au Louvre, publiée par mon frère dans le numéro d'avril 
1869 de la Revue archéologique ', provient de là. On y a trouvé 
aussi des pieds chaussés de brodequins richement ornés et 
brodés, des mains chargées de bracelets et d'ornements, des 
têtes de type chypriote (yeux très grands, nez gros, droit et un 
peu arrondi du bout, bouche petite et sensuelle, petit menton), 

* I. Voir à TAppendice. V, et pi. XVIII. 




DÉCOUVERTES 2g 

portant de curieuses coiffures, le tout en terre cuite, de gran- 
deur presque nature, d'un travail très soigné et ayant appar- 
tenu à des statues entières dont on ne saurait trop regretter la 
perte. 

L'autre colline d'Ambelliri, située en face, de l'autre côté du 
chemin, est plus élevée que sa voisine. De son sommet on 
domine le chemin, la plaine de Dali, le grand carrefour formé 
par la rencontre des deux vallées de Lympia et d'AIambra- On 
gravit la colline par le côté nord, car au sud elle se termine en 
falaise à pic. Un peu avant d'arriver au piton, on se trouve sur 
un terrain aplani de main d'homme peut-être, et où le consul de 
France fit fouiller il y a près d'un an. On n'y trouva que deux 
ou trois grandes pierres de taille, un trou circulaire peu pro- 
fond, quelques fragments de bronze et quelques décombres. 
C'est là que la plaque dite de Dali, la massue, les coupes du 
cabinet de Luynes et des armes de bronze auraient été décou- 
vertes. 

Au pied même des collines d'Ambelliri, entre les deux et à 
l'entrée des vallées voisines de Lympia et d'Alambra, se trouve 
un petit tertre que longe le chemin. Au pied de ce tertre et au 
bord du chemin on a découvert, en mars 1869, un amas consi- 
dérable de statues de pierre de tous genres, de toutes dimensions 
et toutes de caractère hiératique. Presque toutes étaient brisées. 
Les têtes de plusieurs étaient entassées dans une vasque ronde 
en pierre. Un petit chapiteau en pierre, ayant appartenu à une 
colonnette ionique, gisait à côté. Un buste colossal, fragment 
d'une statue entière brisée à mi-corps, fut tiré de là. Il est d'un 
beau travail et d'une conservation hors ligne. Il semble appar- 
tenir à l'âge de transition du v* siècle avant J.-C, âge carac- 
térisé par la symétrie et les détails du costume, la régularité des 
boucles de la barbe, de la coiffure, par les yeux encore taillés 
en amande et un peu relevés, le nez droit, le menton moins 
pointu que dans les figures d'art archaïque, la bouche plus hori- 



3o CHYPRE 

zontale, c'est-à-dire moins relevée par le rictus des figures plus 
anciennes. 

Encouragé par ces belles trouvailles, M. Lang donna une 
impulsion vigoureuse aux fouilles, et son intelligente persévé- 
rance vient d'être récompensée, il y a deiix mois, par la décou- 
verte de substructions importantes, de deux autres vasques de 
pierre, d'un grand nombre de statues, de débris de colonnes et 
de neuf inscriptions sur marbre, dont six phéniciennes, une 
grecque, une chypriote de huit lettres et qui paraît complète, et 
une bilingue, phénicienne et chypriote. Le texte phénicien se 
compose de cinquante lettres en trois lignes, et est très mutilé. 
Le texte chypriote, presque entier et en très beaux caractères, 
se compose de cent lettres en quatre lignes. Quelques pierres 
calcaires, rongées par le temps, portaient aussi des inscriptions 
presque exclusivement chypriotes et reconnaissables seulement 
à quelques caractères encore visibles çà et là. 

Les inscriptions sur marbre sont fort rares à Ch3^pre. Cette 
matière manque dans Tile, et les Chypriotes semblent ne Tavoir 
connue que fort tard et par les Phéniciens, 

M. Lang trouva aussi des bronzes qui sont pour la plupart 
des statuettes de caractère égyptien, sauf une, de travail grec et 
représentant un athlète nu; des ornements d'émail bleu ou 
blanc, paraissant avoir appartenu à des colliers, de petites figures 
grotesques de même matière, des verreries presque toutes 
brisées, des débris de vases grecs à peintures noires, genre de 
Vulci ». 



[2 On a trouvé à Dali, à la chapelle d'Ambelliri, des os d'ani- 
maux, des dents de chameau, des os de mouton, des parcelles 

* I L'on a reproduit, planche I, le plan de ces fouilles tel qu'on Ta retrouvé 
dans les papiers de lauieiir. 

• 2. Fragment inédit retrouvé dans les papiers de Tauteur. 



DÉCOUVERTES 3i 

de charbon et même, m'a affirmé M. Lang, des os de nou- 
veau-nés. 

Les belles têtes de terre cuite viennent presque toutes de la 
chapelle de la colline occidentale d'Ambelliri. On y a trouvé 
encore des pieds de terre cuite d'un beau travail et remarqua- 
blement chaussés, ainsi qu'un grand nombre de statues de 
toutes époques, grecques, chypriotes, même romaines. 

Le temple d'Ambelliri était dédié à Apollon Amycléen. Il était 
entouré de tombeaux, et proche de la colline (orientale) où Ton 
a trouvé la plaque de la collection de Luynes, les armes et les 
coupes. Ce lieu, qui, contrairement à l'opinion reçue, n'était pas 
un champ de bataille, était un endroit consacré, et il y avait peut- 
être là un temple.] 



§4. — LYMPIA ('oWjJWÇta), AL AMBRA ( 'AXàfATupa). 

Le chemin qui, de Dali, va vers le sud, passe entre les deux 
collines d'Ambelliri et se bifurque dans une sorte de carrefour 
où aboutissent deux vallées. Celle qu'on a devant soi conduit à 
Lympia, celle de droite, à Alambra. Dans la première, à 600 
mètres environ d'Ambelliri, àgauche, sur la déclivité que forme 
la base d'un contrefort, on mit à jour une nécropole. Même 
genre de tombeaux que dans la plaine de Dali. On en a tiré des 
pots et des verreries. Mon frère y fit fouiller et ne trouva rien 
qu'un massif de pierres de taille et un fût de colonne cannelée, 
brisée par le milieu. 

Sur la déclivité de la base des collines opposées, à droite, est 
une autre nécropole plus importante. Elle est située à 800 mètres 
environ de la première. Même genre de tombes, d'où Ton a 
tiré : des poteries à cercles concentriques, à traits croisés, des 
lampions, des verres, des poteries grossières et d'un caractère 
primitif, des lampes gréco-romaines, des bijoux et plusieurs 



32 CHYPRE 

Stèles rondes, en forme de petits fûts de colonnes, ornées de 
moulures et portant des inscriptions qui finissent toutes par la 
rubrique XPHCTf XAIPE. 

Une de ces tombes présentait une particularité remarquable. 
Elle était dallée. Sous les dalles, on rencontra un autre tombeau 
dont rentrée s'ouvrait juste au-dessous de celle de l'autre. On 
trouva dans ces deux réduits des ossements et douze pièces de 
verre épais, d'un blanc verdàtre, travaillé à la meule et portant, 
fondues avec lui, des lentilles de verre bleu tirant sur le violet, 
placées symétriquement sur la paroi des vases qu'elles ornaient. 
Ces vases consistent en coupes coniques ou cornets sans pied, 
tasses hémisphériques, assiettes, etc. Ces pièces sont les seules 
de ce genre découvertes jusqu'à présent, et on ne les a trouvées 
que là. 

On n'a point fouillé dans la vallée voisine d'Alambra, 
mais les terrains en pente qui se trouvent au pied des collines et 
quelques tumulus isolés donneraient, je pense, avec des travaux 
bien conduits, d'intéressants résultats. 

Les tombeaux de la plaine de Dali appartenaient à la cité et 
aux villages voisins. Ceux de la vallée de Lympia dépendaient 
vraisemblablement d'une autre ville. Où était cette ville? je ne 
saurais le préciser. Toutefois, en partant, avec mon frère, de la 
nécropole où Ton a trouvé les stèles et nous dirigeant vers 
Lambra, sans suivre les sentiers tracés, nous gravîmes une col- 
line qui se trouve au point d'intersection des deux vallées et 
forme un musoir qui les domine toutes deux. Le sommet et le 
liane de cette hauteur étaient couverts d'une grande quantité de 
grosses pierres qui sentaient d'une lieue leurs décombres d'édi- 
fices antiques. Ce qui me confirme dans cette opinion, c'est 
que rien n^indique que la présence de ces pierres soit due à 

un cboulcment venu d*un lieu plus élevé ou à un accident géo- 
logique. 



^ 



DECOUVERTES 33 



g 5. — AUTRES LIEUX DE DÉCOUVERTES. 

A Hagi Héracliti, "Ayio; 'H^fxxktiTnç (rancienne Témessus), à 
rentrée d'une vallée dont la Mâchera forme le fond et où Ton 
recueille de la terre verte, existaient de riches mines de cuivre. 
On y voit encore des ruines importantes et très étendues. Je 
ne les ai point visitées. Près de là sont des nécropoles qui ont 
donné des verreries et, m'a-t-ondit, beaucoup de médailles. 

A Péra, nepa, village situé au nord-est de Témessus, à l'entrée 
de la plaine de Dali, on a découvert aussi des tombes, et, il y a 
quelques années, une grande statue de bronze. Les habitants la 
cassèrent, s'en partagèrent les morceaux et les vendirent à 
Nicosie 2 piastres et demie Toque. 

A Salamine, on trouve des médailles. A Tricomo, dans le 
Carpas, on a trouvé des statues. Sur la côte nord de l'île, au 
Carpas, vers le cap Saint-André, au lieu nommé 'Axttiv 'Apyîwv, 
la présence de nombreux débris, tombeaux, statues, colonnes, 
promet une riche moisson aux fouilleurs. 

A Cérinia, Morphou, Chrysocou, sur la côte, à Tembria et 
Nicosie, dans l'Intérieur, aucun coup de pioche ne serait donné 
en vain, 

Chypre est une terre pour ainsi dire vierge, qui réserve à 
l'archéologue les découvertes les plus intéressantes et les plus 
inattendues. Centre d'un admirable culte, toutes les nations 
du continent voisin s'y sont donné rendez-vous et y ont laissé 
leurs traces. Au milieu de tant de débris divers, les monuments 
de style chypriote se reconnaissent à leur originalité typique, 
et font désirer de connaître davantage une île si peu ex- 
plorée. 

Il est extrêmement difficile, sinon impossible, d'arriver à 
savoir au juste à quel endroit tel morceau a été trouvé. La mé- 
fiance des Chypriotes est si grande, leurs réponses sont si 

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CHAPITRE DEUXIÈME 



GOLGOS 



I 



LES SANCTUAIRES CHYPRIOTES- 

§ I. — REMARQUES GÉNÉRALES. 

Avant d'énumérer et de décrire les monuments des huit 
classes mentionnées précédemment, je compléterai mes études 
préliminaires par des notices spéciales sur les temples de 
Golgos, Dali, Pyla et les tombeaux avoisinants*. 

Afin d'éviter les redites, voici les généralités applicables aux 
monuments susdits et, je pense, aussi à ceux qu'on découvrira 
plus tard. 

Les sanctuaires chypriotes sont, à l'inverse de ceux de Phé- 
nicie, situés dans les vallées, dans des lieux bas où l'humus, 
d'une plus grande épaisseur que sur les hauteurs, assurait 

* I. Revue archéologique, XXII, p. 36i et suiv. (iSyo-iSyi)* Le mémoire est 
daté du 22 novembre 1871. 

* 2. Comme on le sait, une mort prématurée a empêché l'auteur d*exécu ter à 
la lettre le programme quMI sMtait tracé. Seuls les sanctuaires de Golgos ont 
pu être décrits par lui avec quelque détail. 



36 CHYPRE 

Texistencc d'une végétation abondante qui contribuait à rendre 
les abords du temple frais et salubrcs. On peut regarder comme 
relativement récents et contemporains des dominations phéni- 
cienne ou grecque les édifices religieux dont les ruines se ren- 
contrent sur les hauteurs. Par la consécration des forêts atte- 
nantes, forêts peuplées d'oiseaux et surtout de colombes 
(Athén., XIV), ils empêchaient le déboisement des cimes et, par 
suite, le tarissement des sources fertilisatrices du pays'. 

Les temples chypriotes avaient ainsi, comme les temples 
phéniciens, un côté éminemment utilitaire. 

Ils sont entourés de nécropoles. On remarque la même chose 
dans certaines localités de Phénicie, notamment à Palaebyblos 
[Sarba-Djouni^ près de Beyrouth), où le seul temple phénicien 
presque intact qui existe encore est entouré d'une multitude de 
tombeaux taillés dans le rocher^. L'ensevelissement autour des 
sanctuaires contribuait à augmenter la vigueur de la végéta- 
tion environnante et assurait aux cendres des morts un repos 
et un respect inviolables^. 

I. [Quelques sanctuaires toutefois étaient situés sur des hauteurs (à Dali par 
exemple, sur Tune des deux collines d^Ambelliri), qui alors devaient être boisées. 

....Fotum grtmio dea tollit in altos 
Idalia lucos. (Virg., JEn., h vers 693.) 

II est probable que c'est le siteseul, boisé, qui fitTimportance d*Idalie. Servius, 
en effet, dit : « Idalium Cypri nemus est in quo oppidum brève ; ut paullo poste 
Idaliœ lucos. i De plus, une rivière, affluent du fleuve Pidaeus, arrosait le vallon et 
assurait à tout le territoire environnant une fertilité qu'il possède encore. Autre* 
fois comme aujourd'hui c'éuit Vldalium frondosum de Catulle (Carm. LXV, épi» 
thalame de Pelée, vers 96).] (* Note retrouvée dans les papiers de Tauteur.) 

* 2. Voir Deuxième partie, IV. 

3. [La forme générale des tombes chypriotes est celle-ci : Grotte à fond en cul-de- 
four. Hauteur, 3 à 7 pieds ; largeur, 6 à 12. I^ porte s'ouvre à égale distance du 
plancher et de la voûte; demi-circulaire, elle laisse juste passer le corps d^un 
homme et est toujours fermée par une pierre plate de 6 à 8 pieds de surface. 
Parfois un étroit couloir conduit à cette entrée. 

Ces tombes sont toujours situées à la biise de collines dans des terrains dont la 
déclivité assurait la sécheresse. Dans les terrains purement calcaires, le sol est 
d'une siccité à peu près absolue. Aussi les verreries qu'on en tire sont-elles peu 
ou point irisées.] (* Note rcirouvéc dans les papiers de l'auteur.) 




GOLGOS 37 

A Golgos, Dali, Pyla, les ruines des temples consistent en 
lignes de soubassement de maçonnerie dessinant les contours 
de l'édifice. Peu ou point de décombres, jamais de traces de 
hauts murs. A Dali, un tronçon d'une muraille percée de 
fenêtres et bâtie de grosses pierres de taille est d'une époque 
postérieure, grecque probablement, et n'a point fait partie du 
sanctuaire primitif. Dans l'intérieur de l'enceinte on trouve des 
chapiteaux, colonnettes, socles, restes de portes, dalles, piédes- 
taux de statues, fragments d'architecture, statues, ex-voto, bas- 
reliefs, inscriptions et graffiti, bronzes, vases, médailles, usten- 
siles divers, le tout généralement en très bon état. 

On ne voit point de traces d'édifice à la surface du sol . Tous 
les débris sont enfouis. 

L'intégrité des parements, l'absence de décombres, les assises 
de maçonnerie basses et de même niveau dessinant le plan du 
temple, la conservation parfaite des objets découverts, la couche 
de terre fine qui recouvre le tout, amènent à supposer que les 
sanctuaires étaient bâtis comme les maisons chypriotes d'au- 
jourd'hui, en briques crues ou mattons sur soubassements de 
maçonnerie. Les tremblements de terre, le fanatisme chrétien, 
d'autres causes peut-être, ont renversé les statues et tout le 
reste, et fait écrouler, par dessus, les murs de terre séchée qui, 
en se pulvérisant, ont conservé tous les débris sous une épaisse 
couche de poussière. 

L'emploi de la brique crue était, comme aujourd'hui, préféré 
parce que la fabrication en est très simple, ne nécessite point 
de construction difficile de fours à brique,' économise le com- 
bustible et évite ainsi des abattis d'arbres trop considérables; 
enfin, parce que l'on peut construire rapidement des murs de 
forte épaisseur, frais l'été, chauds l'hiver, toujours secs et sains 
à habiter. La bâtisse en mattons était donc et est encore une 
nécessite de climat, et cependant ni la pierre ni la chaux ne 
font défaut dans Tilc. 



38 CHYPRE 

Le temple seul de Paphos était hypèthrc et l'autel de Vénus 
à découvert'. Je suppose donc que les autres sanctuaires de 
Chypre avaient une toiture, laquelle ne différait guère de celle 
des maisons actuelles. Celle-ci consiste en chevrons soutenus 
par des poutres (ces bois sont quelquefois en grume) et recou- 
verts d'abord de nattes ou de roseaux, puis d^une épaisse 
couche de terre tassée (20 à 3o centimètres), parfaitement im- 
perméable, formant terrasse et se couvrant, au printemps, de 
gazon et de fleurs. 

Les temples étaient dallés en calcaire de Chypre. Les dalles 
ont environ 10 centimètres d'épaisseur. 

Dans chaque temple, les dieux étrangers avaient leur cha- 
pelle comme les saints dans les églises chrétiennes. Les divi- 
nités adorées de préférence en compagnie de la grande déesse 
sont : Apollon, Hercule, Diane. On a trouvé aussi beaucoup 
de monuments relatifs au culte du cyprès, qui se rattache au 
mythe de Cybèle. 

Les sanctuaires chypriotes n'ont pas changé de place pendant 
tout le règne du paganisme et ont conservé leur aspect primitif: 
un simple clos ou une cabane de mattons couverte de clayons 
et de terre. Les éléments d'architecture qui les ornaient révè- 
lent les uns l'influence de Tart assyro-phénicien, les autres 
celle de l'art grec; ils n'appartiennent pas au plan primitif et 
ont été ajoutés au monument déjà construit. Plus tard enfin, la 
chapelle primitive, que l'affluence des pèlerins avait rendue 
insuffisante, fut agrandie ou entourée d'édifices qui lui servirent 
de succursales. 



1. Cette particularité a été, pour ce seul temple de Pile, remarquée des anciens, 
qui prétendaient même que la pluie ne mouillait jamais l'autel. (Parisot, Biog, 
univ, mytholog.y art. Vénus.) * Pline, liv. Il, ch. C, xc. [« Célèbre fanum habet 
Veneris Paphos in cujus quamdam aram non impluit. »] (* Citation ajoutée par 
Pauteur dans une note manuscrite.) 



GOLGOS 39 



g 2. — LES SANCTUAIRES DE GOLGOS. 

Dans la nuit du 6 au 7 mars 1870, on vint avertir le général 
Palma de Cesnola, consul des États-Unis à Chypre, que des 
paysans, en travaillant dans un vallon aux environs d'Athié- 
nau, avaient rencontré une portion de statue colossale et 
d'autres plus petites. Le consul se transporta immédiate- 
ment sur les lieux, constata l'importance de la découverte, loua 
tout le champ où les fouilles avaient commencé, et donna au 
plus intelligent de ses ouvriers ses instructions pour déblayer 
complètement et avec grandes précautions les monuments 
enfouis. 

Les collines ou plutôt les ondulations très accentuées de ter- 
rain qui environnent et dominent l'emplacement des fouilles 
avaient déjà été explorées. 

Les gens d'Athiénau, trouvant plus de profit à vendre des 
antiquités aux amateurs de Larnaca qu'à cultiver leurs champs, 
avaient rencontré là, sous leur pioche, des tombeaux qui leur 
avaient fourni des verreries grecques, des bijoux et des terres 
cuites. Quand la nécropole ne leur donna plus rien, ils allèrent 
dans le vallon. 

Lorsque je visitai Golgos au mois de mai 1870, je pus m'as- 
surer que les fouilles avaient été faites dans deux endroits 
différents. Arrivé par l'ouest, je m'arrêtai au milieu d'un ter- 
rain bouleversé par des excavations récentes. M. de Cesnola, 
qui m'accompagnait, me dit qu'en cet endroit on avait trouvé 
des statues rappelant, pour la plupart, le style égyptien quant 
aux costumes et aux attitudes, mais non quant au type; qu'il 
avait tout lieu de croire qu'il avait existé là un temple circu- 
laire et fort ancien, abandonné ou détruit plus tard, et que 
beaucoup de ses statues et ornements avaient dû être trans- 



40 C H Y P R K 

férés dans un édifice plus moderne, sa succursale, qui était 
devenu bientôt en quelque sorte la paroisse métropolitaine de 
Golgos. Cette hypothèse était, selon lui, corroborée par l'ab- 
sence dans le vieux sanctuaire de statues en bon état, celles 
qu'on y trouva étant plus ou moins frustes ou brisées, de 
pièces de style plus moderne et de la belle époque, de bas- 
reliefs, inscriptions, ex-voto comme on en trouva dans l'autre 
temple; enfin par la découverte dans celui-ci d'un torse de 
très vieille statue, nue, creusé en alvéole carrée et destiné à 
servir de piédestal. 

Nous franchîmes, à l'ouest, une ondulation de terrain qui 
séparait les deux champs de fouilles, distants entre eux d'en- 
viron 200 mètres, et nous mîmes pied à terre sur un sol pro- 
fondément bouleversé et retourné par les hommes de M. de 
Cesnola. 

Découragés sans doute dans leurs recherches au vallon 
voisin, les paysans avaient attaqué une portion de champ con- 
tiguë à celle où, peu d'années avant, M. de Vogué avait fait 
faire des excavations dont les déblais existent encore. 

Ces excavations n'avaient donné que des résultats médiocres. 
Elles n'avaient eu lieu que sur un espace très restreint et dans 
la direction oblique du sud à l'ouest. Les paysans espéraient 
qu'en travaillant, dans la direction du sud au nord, le sol vierge 
d'à côté, ils seraient à peu près payés de leur peine. Ils ne 
furent pas déçus, et dès les premiers coups leurs outils rencon- 
trèrent le beau colosse dont la gravure est ci-jointe (pi. II et III). 

Un an auparavant, les fouilles du temple de Dali avaient 
commencé de même par la découverte d^un colosse, et M. Lang, 
encouragé, avait donné aux travaux une impulsion qui amena 
la trouvaille de trésors archéologiques d'une extrême impor- 
tance. M. de Cesnola, à l'exemple de son devancier, résolut 
de savoir le plus tôt possible à quoi s'en tenir sur la valeur de 
ce nouveau placer^ et cinquante hommes furent mis à l'œuvre. 



^ 



GOLGOS 



4» 



Un déblayement progressif fit bientôt mettre à jour une 
ligne de maçonnerie que je ne pus voir malheureusement, 
M. de Cesnola m*ayant dit que les ouvriers l'avaient recou- 
verte de terres; cette ligne de maçonnerie, qui délimitait pro- 
bablement Tédifice construit là, formait un carré long de i8°',20 
environ sur 9",io de large. Une porte de 9 pieds anglais de 
large était pratiquée au nord, non point sur le grand axe du 
carré, mais reportée vers l'ouest. Sur la face est, une autre 
porte de 8 pieds anglais était également percée plus près du 
mur sud que du petit axe du temple. 

Toutes ces données m'ont été fournies par le plan que M. de 
Cesnola me communiqua et me permit de reproduire. (Fig. i .) 



o 



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Fouilles i» MI de Vo«ue' . 





^ 



m 



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.8r±. 



Ji2i. 



E 
Fio. I. 



Je pris rapidement une vue du site. Le temple était parfaite- 
ment orienté; ses petits côtés regardent le sud et le nord. 
Lorsqu'on s'adosse à la façade septentrionale, on a devant soi 



41 CHYPRE 

rentrée du petit vallon; plus loin, au nord-ouest, à 5oo mètres 
de distance environ, des ruines éparses qu'on croit être celles 
de l'antique Golgos; dans le lointain la plaine de la Messaorée, 
et au dernier plan les sommets de Cérines qui se continuent 
à Test jusqu'au Carpas. Vers le nord-est est Athiénau; au sud, 
le fond du vallon ; à droite et à gauche, des collines peu élevées 
où, comme je l'ai dit, des tombes ont été ouvertes^ 

Je vis et dessinai une multitude de débris curieux dont le 
général fit transporter plus tard quelques-uns à son logis de 
Larnaca. Près de la porte nord je mesurai trois fragments d'arc, 
un petit tronçon de colonnette dorique non cannelée, avec 
son chapiteau (fig. 2) de o",i3 de hauteur; l'abaque carré a 
o",3i sur chaque face; à côté était un cube de pierre de o",23 
de haut sur o",55 de côté, creusé d'une alvéole ronde de o",37 
de diamètre, et où la base de la colonnette était peut-être 
encastrée; une longue pierre de o",45 de haut sur i",54 de long 
et ornée d'un bandeau saillant décoré de petites guillochures; 
une autre pierre haute de o",23 et garnie d'un rebord. Ces 
pierres faisaient peut-être partie de la maçonnerie du soubas- 
sement. 



•--« 




P'iG. 2. 



J'ai vu à Larnaca, au consulat américain, deux chapiteaux 
curieux que M. de Cesnola me dit avoir été apportés de Golgos 
et qui peut-être viennent de l'ancien temple, le plus primitif 
des deux du moins, bien certainement. Celui-ci (fig. 3) se com- 




pose d'un abaque carré de o',57 de côté, et d'un hémisphère un 
peu allongé, portant sur tout son pourtour des cannelures peu 
profondes et serpentant verticalement, depuis l'alvéole ronde 
pratiquée à la base et que l'on coiffait sur le sommet du fût, 




jusqu'à l'abaque lui-même. L'autre chapiteau, plus petit, est 
haut de o",29 (fig. 4), Comme le précédent, il est en pierre 
calcaire. Sa moitié supérieure est un tronc de pyramide ren- 
versée, carrée et dont la base a o",3i de côté. Chacune des 
faces est encadrée d'un bandeau plat et divisée par deux ba- 
guettes, ou trois bandes horizontales, superposées et ornées de 
zigzags en relief. La moitié inférieure est circulaire et se com- 
pose de huit rameaux qui, en contact par leurs sommités avec 
l'abaque, se recourbent gracieusement en rappelant ainsi les 
bouquets épanouis des acanthes corinthiennes. Il se pourrait 
que ce chapiteau vînt du grand temple ou même des ruines de 
Golgos. Je ne sais rien de précis là-dessus. 

Au milieu de l'enceinte je vis, renversé, un cône de pierre 
grise, dont le sommet avait été brisé et qui ne mesurait plus 
que o",65 de haut. La base avait o",3q de diamètre et la stabilité 
en était assurée par un évidement. Intact, le monument devait 
avoir un peu plus d'un mètre. Le travail en est très soigné. La 





^ 



GOLGOS 45 

figure 5 représente le cône. La partie figurée depuis la cassure 
jusqu'en haut est de restitution. La figure 6 représente^la base 
avec son évidcment, d*après une coupe verticale pratiquée seu- 
lement à partir de A B. On ne trouve point aux environs la 
pierre dont il est fait. Celle-ci a donc dû être apportée de loin. 
Nul doute, selon moi, que ce cône n'ait été le simulacre de la 
Vénus Golgia. Celle-ci était évidemment la même que la Vénus 
Paphia, adorée sous cette même forme conique et dont le culte 
fut apporté à Golgos par Golgus, fils de Vénus et d'Adonis 
( Pausanias, VIII, 5 ). 

Outre cette pierre, mon guide me montra tout à côté, et ayant 
dû occuper à peu près le centre de l'édifice, un piédestal double 




Fio. 7. 



en pierre calcaire, long de i",i6, haut de o"',38, large de 0^,49 
à la base, de o'",56 en haut, et portant deux alvéoles carrées 
dans lesquelles étaient encastrés jadis les socles de deux statues, 
colossales probablement, et adossées comme l'étaient généra- 
lement toutes les statues chypriotes, dont la partie postérieure 
est ou à peine dégrossie ou tout à fait plate (fig. 7). M. de Cesnola 
me dit avoir compté ainsi douze piédestaux doubles disposés en 
quatre rangs et point pareils. Cela suppose vingt-quatre statues 
importantes ornant le sanctuaire. D'autres statues plus petites 
étaient placées vraisemblablement parmi les colosses, car on a 
trouvé des piédestaux disséminés çà et là et de toutes grandeur\, 



46 



CHYPRE 



i 



quelques-uns assez petits, certains même portant des inscrip- 
tions en langue chypriote. 

Je mesurai quelques-uns de ces piédestaux intacts que le 
général de Cesnola avait fait transporter à Larnaca. L'un avait 
o",23 de haut et o",29 sur o",3o de côtés. L'alvéole, formant 
un carré long, a été creusée plus près d'un bord que de l'autre. 
Un autre bloc a les quatre pans évidés et formant un évasement 
de la base à la partie supérieure. Il a o",3o de haut, o™,5i de 
côté à la partie supérieure et o",4i à la base, et présente cette 
particularité que l'un des bords de l'alvéole est garni de quatre 
trous carrés; deux autres existent latéralement. Ces six trous 



— 1^ 



.ftjf. 



ÛlSi. 




a i-i U U 



Fio. 8 et 9* 

ont été, je pense, pratiqués après coup et garnis de tenons de 
bois ou de pierre dure destinés à assujettir la base endomma- 
gée d'une statue ou à donner plus de fixité à une figure trop 
haute (fig. 8 et 9). Enfin un piédestal de même genre mesurait 
o",2i5 de haut sur o",24-o",26 de côtés. 

Le sanctuaire était peuplé d'une très grande quantité de 
statues de toutes tailles. Plusieurs étaient colossales; beaucoup 



GOLGOS 47 

• 

étaient tombées la face en avant et s'étaient brisées en gros 
fragments faciles à rajuster. Les plus grandes gisaient auprès 
de leur piédestal. 

On avait suspendu aussi aux murs des tableaux gravés ou 
sculptés sur plaques de pierre, quelques-uns accompagnés de 
longues inscriptions chypriotes, et des ex-voto travaillés de 
même; les lambris, à l'intérieur, étaient formés par une suite 
de tableaux sculptés sur pierre, en relief peu saillant. Un frag- 
ment que M. de Cesnola conserve dans son musée représente 
Hercule et les troupeaux de Géryon. Je suppose donc que les 
tableaux se rapportaient pour la plupart aux principaux traits 
de la vie d'Hercule, à ses douze travaux. Ces sculptures sont 
traitées à la façon des bas-reliefs assyriens. 

L'on trouva mille débris d'ustensiles, etc., objets ayant servi 
au culte et que nous décrirons en temps et lieu. Enfin l'on mit à 
jour le dallage du temple, fait de beaux carrés de calcaire de 
Chypre et épais de o"*,io. 

Avec les données qui précèdent, il est possible, je pense, de 
faire une restitution idéale du temple de Golgos.Il était construit 
en briques séchées au soleil ou mattons, formant quatre murs, 
dont la base était assise sur les pierres à rebords du soubasse- 
ment. Ces murs étaient revêtus d'un crépi blanc ou de couleur 
et imperméable à la pluie. Au nord et à l'est, peut-être aussi à 
l'ouest, des portes qui furent ornées, plus tard sans doute, de 
colonnettes doriques remplaçant les primitifs chambranles de 
bois. Des piliers soutenaient à l'intérieur un toit qui était à 
double pente très peu sensible, vu la largeur de l'édifice; il for- 
mait ainsi terrasse, comme les toits chypriotes actuels. Ce toit 
se composait de pièces de bois très rapprochées; par-dessus, 
des nattes et des roseaux recouverts d'une couche épaisse de 
terre battue, aussi imperméable à l'humidité qu'aux ardeurs du 
soleil. 

L'extérieurdu temple de Golgos devait donc être fort modeste. 






TUiTi '>»! ja rriz^erti'.-: Tî^t^^T icnr r-m-nz 2a:eir xan^ïw 

f^TXa JSA 3UIS ZnHilcS ^Tt^Ti*^. ^ riilîT ensile 3£ XI3E3S pCJt* 

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Lùn (Je* ddx a2rrlb::i5. zze cclcziie- fie i« F^^r^ par 
ci>ry:LIe» de bod.î. lit retrs vive pe*^ irrès. Les bris xT-iîest été 
traraîlléi séparéznent c: ar-istés cgilezieiit par ie grosses chc- 
rille%dt bois, qa: furect £ic:Ienie:i: rernpljbcses. IXcux des ioîgcs 
de U main droite araicat été brisés. 

La gravure d-yoînte pi. II et Iir est la repcoductxoa très 
exacte de ce magnifique morceau. 

I^ coiffure consiste en demi-fuseaux« dont la réunion forme 
un bonnet ^'ajustant bien sur la tête. Le cimier est une tète d V 
nimaL peut-être de lion ; le tout rappelle le bonnet phrygien. 

Une rangée de mèches frisées rondes et s\*métriques couvre 
le front. Une triple bandelene gaufrée ou une triple mèche de 
cheveux ondulés et à brins séparés tombe de la coiffure sur 
chaque épaule. 

1^ figure a le tj'pe chypriote : gros yeux à fleur de tète, nez 
droit et fort terminé en pointe d'œuf, bouche petite, lippue et 
M:nftuellc, jadis colorée en rose, menton rond et peu proémi- 
nent, ce qui indique peu d'énergie. 




GOLGOS 49 

Au COU, un collier ou plutôt une sorte de hausse-col bordait 
la tunique et se divisait en deux zones superposées, dont l'or- 
nementation est caractéristique : dans la première zone est un 
rang de douze croix grecques cantonnées de points et peintes 
en rouge; dans la zone inférieure il n'y a que onze de ces 
croix. 

Le vêtement se compose d'une draperie dont les plis, traités 
d'une manière symétrique, peu large et tout à fait archaïque, 
semblent plutôt gravés que sculptés, tant est faible leur saillie. 
Cette draperie se relève sur les deux bras, aux coudes, tombe 
de chaque côté du personnage, en plis pressés, et couvrait une 
robe. Celle-ci est à découvert à partir de la ceinture. Le bas de 
cette robe est orné d'une zone de broderie distante d'un pied 
environ du bord inférieur. A partir de la broderie, l'étoffe tombe 
sur les pieds nus, raide et droite, en formant des plis réguliers 
simulant des godrons. 

Le vêtement, selon la coutume, avait dû être rehaussé de 
rouge. Je n'ai vu de trace de couleur qu'au hausse-col. 

Les deux bras sont nus et tendus en avant. La main droite 
tient une coupe hémisphériqueàpied. L'autre tient une colombe, 
dont la partie antérieure fait face au spectateur; le corps de 
l'oiseau est fixé sur le poing et la queue sur l'avant-bras, au K . 

moyen de deux chevilles carrées; les pattes se voient entre les 
doigts qui les retenaient. Les ailes sont un peu relevées le long 
du corps comme sur le point de s'éployer tout à fait. 

Les pieds de'la statue reposent sur une base carrée. 

La statue est intacte, pour ainsi dire, car deux doigts seule- 
ment manquent à la main qui tient la coupe. 

On sent, à regarder cette œuvre attentivement, qu'elle est 
vraie, et par conséquent bcllectd'un incontestable mérite comme 
art, qu'elle exprime une réalité disparue et n'est point le produit 
d'une fantaisie d'artiste. C'est un portrait, comme l'étaient du 
reste toutes les figures de pierre trouvées dans les temples, et 

4 



3o CHYPRK 

représentant, je pense, des individus qui avaient voulu, en se 
plaçant en effigie autour de la divinité, lui consacrer pour ainsi 
dire leur propre personne. 

La coupe de libations et la colombe, animal consacré à Vénus^ 
indiquent selon moi un personnage sacerdotal. Les autres sta- 
tues m'ont paru toutes porter ce caractère, et cela me porte à 
croire que le costume sacerdotal était de rigueur pour les statues 
votives. 

La façon dont les plis du costume sont agencés et traités dénote 
répoque grecque. La raideur hiératique de la pose, Tarchaîsme 
des détails, la physionomie placide et béate, le léger riaus des 
lèvres, le manque de science anatomique dans les parties hues, 
indiquent une époque contemporaine de celle du colosse de 
Dali, un peu plus soigné d ailleurs comme exécution; peut-être 
même la figure de Golgos est-elle antérieure. Gela nous repor- 
terait au V* siècle avant J.-C; et si Ton admet que le colosse de 
Golgos n'avait point été primitivement dans le temple voisin, 
et que par son style, plus archaïque que celui de presque tous 
les objets trouvés au même lieu, il est un des premiers de ceux 
qui ornèrent le grand temple au lendemain même de son inau- 
guration, on pourrait assigner au sanctuaire neuf Tàge même 
de la statue et fixer au commencement du v* siècle l'abandon de 
Tancien temple. 

La tête colossale, dont la gravure accompagne sur la pi. III 
la reproduction agrandie de la tête du prêtre à la colombe, 
et que M. de Cesnola me dit avoir été trouvée dans le second 
temple, serait contemporaine de la statue précédente, peut-être 
plus ancienne à cause de la façon sommaire et tout égyptienne 
dont la barbe est traitée. Elle viendrait, dans ce cas, du vieux 
sanctuaire, malgré son poids énorme et la taille de 8 mètres du 
personnage tout entier. 

Cette tête a plus d'un mètre de haut. Elle est coiffée d'un 
bonnet ovalaire terminé par une pointe; deux jugulaires sont 




GOLGOS 5i 

relevées contre le bonnet. Les yeux, en amande, sont à fleur de 
tête, le nez droit et en pointe d'œuf, la bouche petite et les lèvres 
accentuées. Le tout est d'un style très archaïque et d'un type 
identique à celui de la première statue. 

Ce colosse était probablement costumé à l'égyptienne : tuni- 
que ou justaucorps collant, bras nus ramenés le long du corps 
ou repliés dans les poses consacrées; les jambes droites et 
réunies, ou dans l'attitude de la marche. Vu ses dimensions, il 
devait être placé hors du temple, peut-être devant une porte. 

§ 3. — CONCLUSIONS '. 

Dans le numéro de mai 1872 de la Revue archéologique a été 
insérée, au chapitre des Nouyelles archéologiques, une lettre 
rectificative concernant mon dernier article sur Golgos'. Cette 
lettre était datée de Larnaca^. L'auteur, M. Lang, résidant en 
l'île, a pu suivre, depuis le premier jour de la découverte, tous 



* !. Revue archéologique j XXIV, p. 221 et suiv. (1872). 

* 2. Correspondant aux paragraphes précédents i et 2. 

* 3. L'on croit utile d'en reproduire ici la teneur : 

« Cher Monsieur, 

« Je viens de lire attentivement, et avec beaucoup d'intérêt, votre article de la 
Revue archéologique touchant les fouilles récentes faites par le général de Ces* 
noiâ, près d'Athiénau en cette île. Votre inviolable respect de la précision en 
matière archéologique m'étant connu, j'ai cru devoir, à cause de cela, vous 
donner quelques renseignements positifs sur les première et seconde excava- 
tions mentionnées par vous, pages 3 et 4 de votre tirage à part. (Livraison de 
décembre 1871.) 

« Établir nettement les faits qui se rapportent à ces deux fouilles est, à mon 
sens, chose extrêmement importante, et j'ai toujours regretté que M. de Ces- 
nola ait cru devoir mêler ensemble les objets des deux temples, comme s'ils 
provenaient d'un seul, afin de créer ainsi le temple de Goigos, 
- K Pour rendre plus claires les remarques qui vont suivre, j'appellerai les 
fouilles que vous avez vues tout d'abord en arrivant par l'ouest : le premier 
temple, et celles dont vpus donnez le plan, page 5 : le second temple. 

« Les gens d'Athiénau découvrirent le premier temple le 6-7 mars 1870, et la 



52 CHYPRE 

les travaux faits aux temples de Golgos. Il a été, pour ainsi 
dire, témoin oculaire des fouilles; il a constaté leurs résultats et 
pu établir, d^une façon presque indubitable, l'origine des mo- 
numents qu'on en a tirés. Ses assertions donc méritent pleine 
confiance. 

Cinq points ressortent de cette lettre (ils y sont nettement 
formulés) : 

!• Il y avait deux temples ; 

2® Le plus ancien (celui qu'on me dit avoir dû être circulaire) 
est le premier qu'on rencontre en arrivant par l'ouest ; c'est le 
petit sanctuaire ; 



pièce qui tout d^abord excita leur étonnement fut la tête colossale figurée dans 
votre planche 24 (p. 12, votre assertion incllae vers le contraire). 

« Ce jour-là et le suivant furent trou v^ quelques-unes des plus belles pièces 
de la collection, entre autres la tétc du beau colosse figuré planche 24. Pour ce 
qui regarde cette tête^ vous êtes exact dans votre récit (p. 10) en mettant sa 
découverte au 6-7 mars, et inexact (p. 4) en la donnant comme ayant été ren- 
contrée c dès les premiers coups » dans le second temple. 

« Ces morceaux^ et d'autres encore que je pourrais citcr^ me causèrent la 
plus vive admiration lorsque je visitai le musée de M. de Cesnola quelques 
jours après leur découverte et plusieurs jours avant celle du second temple. Et 
sur ce point une méprise est impossible. 

« Je choisis les photographies de ceux des morceaux que je reconnus parfai- 
tement provenir du premier temple ; parmi eux les statues se distinguent 
comme les plus intéressantes du musée, et sont remarquables par leur nombre 
et leur délicate conservation. 

« J'ajouterai qu^ aucune pièce à inscription n*a été trouvée dans ce premier temple, 

u Une quinzaine de jours plus tard, environ, quelques paysans d'Athiénau 
découvrirent des statues sur remplacement du second temple dont vous donnez 
le plan. Le propriétaire du terrain m'envoya avertir et je me transportai immé« 
diatement sur les lieux. Je me rappelle très bien avoir rencontré sur ma route 
un chariot du pays chargé de statues extraites du premier temple. 

<c Comme vous, je vins par Touest et naturellement arrivai tout d'abord sur 
le site du temple découvert le 6-7 mars. Les hommes de M. de Cesnola étaient 
à l'œuvre, mais le. terrain présentait des signes d'épuisement. J'observai avec 
regret que les hommes étaient trop âpres au vol et quMls avaient travaillé aux 
excavations à la manière du pays, c'est-à-dire en rejetant simplement derrière 
eux, avec la pelle, la terre qu'ils avaient détachée. Cela explique pourquoi le 
plan du premier temple n'a pu être levé, 

«( L'étendue du terrain découvert n'est pas très considérable ; je lui donnerai. 




GOLOOS 53 

3* On n'y a point trouvé d'inscriptions; 

4** Toutes les inscriptions viennent du second temple rectan- 
gulaire ou grand temple; 

5^ La statue du prêtre à la colombe et la tête colossale figurées 
pi. II et III viennent du vieux sanctuaire. 

A ces données viennent s'ajouter les faits suivants : 

1® Les inscriptions chypriotes du second temple sont ac- 
compagnées de bas-reliefs accusant l'époque et l'influence 
grecques ; 

2'' On a trouvé des inscriptions grecques au même lieu ; 

autant que je puis me le rappeler, 8o pieds de tong sqr environ 40 dç large 
(mesures anglaises). 

« Quittant ces fouilles, j^arrivai h remplacement des nouvelles découvertes, 
où une douzaine environ d*AthiéiK>te«*étaient en train d^excaver (à ce qu'ils 
m'ont dit). Aucune pi4ce d'ailleurs 'ii'MKt encore été extraite de ce premier 
champ, car les statues reçues ce jout^à par M. de Cesnola provenaient encore 
du premier temple. 

«( Après mon retour à Larnaca, M. de Cesnola vint en personne surveiller les 
travaux, et c'est à son intelligente direction et à ses soins que nous sommes 
redevables d'un plan du second temple. 

« Les fouilles appartiennent à deux édifices bien distincts et cela ne peut 
faire aucun doute. Mon impression est aussi que le premier est le plus ancien 
des deux, très certainement, et sur ce point ma conviction est bien arrêtée. 
Quant à la coexistence des deux temples, j'éprouve quelque difficulté à me 
former une opinion là-dessus. 

« J'insinuerai toutefois que le premier sanctuaire a pu être détruit par un 
tremblement de terre et le deuxième élevé après le renversement. 

«c Cependant la coexistence des deux temples ne me paraît en aucune Êiçon 
improbable, en supposant, bien entendu, qu'ils ont été consacrés à une seule et 
même divinité, et ce l'un après l'autre. Mais si le premier temple a été, comme 
j'en suis persuadé, le plus ancien des deux, vous admettrez que c'était bien là 
le vieux sanctuaire de Golgos en le supposant établi là. 

« Je crois que vous êtes dans le vrai en émettant l'hypothèse que le beau 
colosse représenté dans votre planche 23 est un peu plus ancien que celui que 
j'ai découvert à Dali. Je placerais volontiers le colosse de M. de Cesnola au 
VI* siècle avant J.-C. comme dernière date. 

« Cette collection (dont l'ensemble est présenté comme le contenu du temple 

de Golgos) est du plus haut intérêt, et le musée qui sera assez fortuné pour 

se l'assurer garnira ses salles de sujets dignes d'une étude archéologique des 

plus curieuses. 

«< R. W. Lang. » 



54 CHYPRE 

3® Toutes les têtes, statues et tableaux de style grec ou romain 
viennent de là. 

De tout ce qui précède on peut inférer que : 

i"" Les morceaux d'un style plus ancien que celui du colosse à 
la colombe viennent tous du premier temple ; 

2"* Les objets de style plus moderne que celui du colosse 
viennent peut-être du second temple ; 

3" Les pièces de style grec bien déterminé en proviennent 
sûrement ; 

4*" L'on peut assigner à Torigine du grand sanctuaire une 
date intermédiaire entre l'époque accusée par les statues figurées 
pi. II et III et celle de l'apparition de l'influence grecque. 

Examinons chacune de ces conclusions. 

i" Les statues qui m'ont paru les plus vieilles sont de toutes 
grandeurs, mais la plupart sont de taille normale ou plus haute. 
Elles sont coiffées du bonnet pointu qui couvre la tête colossale 
figurée dans notre précédent article, pi. III. Sous ce bonnet 
les cheveux forment un bandeau de boucles symétriques enca- 
drant le front. Les yeux très saillants, ainsi que les pommettes ; 
le nez proéminent, la bouche moyenne et les lèvres fortes ; la 
barbe bien étalée et divisée en petites boucles formant plusieurs 
zones superposées. Les cheveux ramassés en un volumineux 
paquet sur la nuque. Les bras, très gros, ornés parfois de bra- 
celets, pendent le long du corps, les poings fermés. Les mains 
et les pieds sont petits et les attaches fines. Le vêtement consiste 
en une robe tombant sans plis jusqu'à la cheville et ornée par- 
fois d'un listel à son bord inférieur. Une bande saillante, 
découpée et analogue à de la passementerie, descend de l'épaule 
gauche, perpendiculairement, puis, décrivant une courbe au 
niveau des mains, va rejoindre le côté droit. Cette bande semble 
indiquer la fermeture du vêtement. De nombreux plis suivent la 
même direction. Les pieds sont nus. 




GOLGOS 53 

Le Style assyrien caractérise ces statues d'un art assez pri- 
mitif. Elles sont, selon moi, contemporaines de ce Sargon dont 
une stèle fut découverte à Larnaca, au milieu des débris d'un 
riche édifice'. Sous le règne de ce roi, TAssyrie prétendit à la 
possession ou du moins à la suzeraineté de Tîle de Chypre (725). 
Mais cette domination ne fut jamais que nominale et se borna 
vraisemblablement à des relations commerciales effectives. Tou- 
tefois Torgueil et la flatterie firent ajouter l'île de Chypre 
aux conquêtes de Sargon, énumérées sur les monuments de 
Babylone *. Ce qui est vrai, c'est qu'à partir de cette époque 
les Chypriotes commencèrent à envoyer en Assyrie beaucoup 
de marchandises (produits bruts et manufacturés) et entre autres 
des statues de pierre^. Le style asiatique a dû naturellement 
être adopté par les sculpteurs, qui travaillaient presque exclusi- 
vement pour rOrient, et appliqué même aux œuvres destinées à 
ne pas sortir du pays. 

C'est à l'époque de l'influence assyrienne en Chypre que je 
rapporterai le beau bas-relief représentant un épisode de la vie 
d'Hercule (dixième travail) et provenant très probablement du 
vieux sanctuaire. 

Le tableau a été exécuté sur une table de pierre de o",85 de 
long sur o",53 de large et o",io d'épaisseur. Le sujet est traité 
à la manière assyrienne : relief peu saillant, simplement sur 
champlevé ; les détails anatomiques des figures sont scrupuleuse- 
ment reproduits : muscles, veines, saillies fortement accentués. 
L'ensemble de la composition est mouvementé, vigoureux et 
porte l'empreinte d'un talent réel. La voici : 

A la gauche du spectateur. Hercule, monté sur une sorte de 
piédestal, est représenté nu. Sur son dos, la peau du lion dont 

1. Cette stèle est au musée de Berlin. 

2. Rawlinson^ The five great monarchies of the ancient eastern world, t. II, 
ch. IX, p. 421. 

3. Id., note. Voyez p. 482 (construction du palais d'Âssarhaddon}. 



56 CHYPRE 

la queue se voit entre les jambes du héros. La jambe gauche est 
portée en avant. Sur la droite, tendue en arrière, s'arc-boute le 
haut du corps qui est presque effacé. La tête a disparu. Le bras 
droit, visible en partie, est levé et replié; la main, au niveau de 
l'oreille, tient une arme (la massue ?) qu'elle brandit. Le dieu 
était d'une stature double de celle du personnage placé à ses pieds. 
Il égale en hauteur les deux registres superposés du bas-relief. 

Au registre supérieur, le chien Orthros, pourvu de trois têtes, 
est tourné vers Hercule, dans une attitude menaçante pour 
celui-ci, et semble atteint d'un dard ou plutôt armé d'une pique 
fixée entre la seconde et la troisième tête, et dont il présente la 
pointe à son ennemi. 

Au registre inférieur, les troupeaux de Gér3'on. Taureaux, 
vaches et veaux s'éloignent du dieu, suivis d'Eurytion, barbu, 
chevelu et les épaules couvertes d'un manteau tombant d'une 
seule pièce par derrière comme une chasuble. Tourné à demi, 
il montre à Hercule, d'un air menaçant, sa main droite tenant 
un objet rond, tandis qu'il serre avec le bras gauche, sur sa 
poitrine, un arbre entier qui semble être un saule. Le champ du 
bas- relief était peint en rouge. 

Cette scène, comme on le voit, est tout entière empruntée à 
la mythologie tyrienne. Elle tend à prouver que l'île était restée 
à cette époque phénicienne de religion, et que, tout en subissant 
l'influence assyrienne très superficiellement et seulement par 
nécessité industrielle et commerciale, elle avait néanmoins gardé 
son autonomie. Ceci est l'évidente conclusion de ce passage 
d'Hérodote ' : « Amasis... est le premier des hommes qui prit 
Chypre, la subjugua et la réduisit au tribut. » 

Les Égyptiens sont donc Iqs premiers qui aient véritablement 
conquis l'île de Chypre. En travaillant pour les vainqueurs, les 
artistes indigènes changèrent le style de leurs œuvres, comme 

I . 'AjJLaoïç ... eUe 5à Kuic^v HPÛTOI àvOpcoTcuv xal xaTearpé^j/ocTO i; fdpoi» dcnotYcoYi^. 
Liv. II, ch. CLXXxii. 



GOLGOS 57 

on le voit sur les nombreux spécimens trouvés à Golgos et 
ailleurs. Le bonnet pointu se montre parfois comme une rémi- 
niscence assyrienne, mais le plus souvent ces têtes sont coiffées 
du pschent, du KxxqT, etc. '. 

Le costume consiste en une tunique collante et sans manches, 
tombant presque jusqu'aux genoux et serrée à la taille par une 
ceinture ornée. Les deux pans, en se réunissant par devant, 
forment une échancrure analogue à celle d'une jaquette. Une 
petite pièce d'étoffe, plus ou moins brodée, et simulant un petit 
tablier, voile cette échancrure, mais quelquefois manque. Cer- 
taines statues ont les bras ornés d'armilles, la poitrine, le cou, 
les épaules couverts d'une riche collerette de broderie ou d'or- 
fèvrerie tout égyptienne de style. Les jambes, les pieds et les 
bras sont nus. 

L'attitude est d'une raideur hiératique. Le bras gauche, 
replié, appuie sur la poitrine son poing fermé; le bras droit 
pend le long du corps, la main également fermée. Le person- 
nage semble marcher, ayant la jambe droite tendue en arrière 
et l'autre portée en avant. 

Les figures sont chypriotes, mais la grosseur du cou, l'ar- 
rangement des cheveux tantôt courts et bouclés, tantôt réunis 
en paquet sur la nuque, et, dans certaines statues, la frisure de 
la barbe, dénotent la persistance des traditions asiatiques. 

Plusieurs statues que nous publierons bientôt* offrent un 
remarquable échantillon de cet art cyprio-égyptien de Golgos, 
et c'est à la même époque que je rapporte la statue mutilée 
représentant le triple corps de Géryon, dans l'attitude du com- 
bat, avec ses six jambes, ses six bras, ses trois boucliers ornés 
de curieux bas-reliefs, et les broderies de la jupe de sa tunique 
représentant des luttes d'hommes et d'animaux. 



I. V. ChampolHon, Dict. hiéroglyphique, n» 3o5. 
* 2. Cette promesse n'a pu être tenue* 



rS CHYFRH 

A la chute du dernier Pharaon, vers 525 avant J.-C, les 
Chypriotes se soumirent à Cambyse; mais chez eux bientôt la 
domination persane ne fut plus que nominale, et dès le com- 
mencement du V* siècle tous les royaumes de Chypre, sauf 
Amathonte', se révoltèrent contre Darius et firent alliance avec 
les Grecs d'Ionie. La lutte fut longue et, grâce à sa durée, 
rinfluence ionienne put s'établir dans Tîle et s'exerça sur les 
produits de Tart indigène. 

C'est à cette période gréco-perse que je rapporte le colosse à 
la colombe. Le personnage n'a déjà plus autant que les statues 
des époques antérieures l'attitude hiératique et raide. La coif- 
fure est une réminiscence asiatique ainsi que l'agencement des 
cheveux et de la barbe, divisés en boucles disposées symétri- 
quement. Mais le vêtement, la manière dont ses plis sont traités, 
les trois tresses tombant sur les épaules, sont bien d'origine 
anatolicnne. 

Le visage a encore le type chypriote caractéristique et cette per- 
sistance à affirmer la race dans les statues peut s'expliquer ainsi : 

Les insulaires étaient d'origines diverses et l'avouaient eux- 
mêmes, au dire d'Hérodote^ : « De ceux-ci (des Chypriotes) 
voici les diverses nations : les unes ont pour origine Sala- 
mine et Athènes, les autres TArcadie, celles-ci Cythnos, 
celles-là la Phénicie, d'autres enfin l'Ethiopie, au dire des Chy- 
priotes eux-mêmes. » 

Comme on le voit, ils étaient Grecs en grande partie. Les 
Éthiopiens et les Phéniciens seuls avaient pu s'établir dans 
l'île; ces derniers, grâce à leurs tendances toutes pacifiques et 
toutes commerciales^. 

1. KuTcpioi Se èOÉXovraC a^iTcâvre; npoccf^vovro nXi^é *A(JiaOov9((i>v. Hérodote^ liv. V^ 
ch. civ. 

2. Tgvtcov Se TOoaSe êOvea hxty ol (ùv àTro £aXoi(iTvo; xai *AOr,v£b)v, ol tï &ic* *Apxa2{riC, 
O'. Se àiib KOOvou, oi Se àn6 4>otv{xT)c, ol Se an ' Ai6i07c{r,; û; aùxoi Kvnptoi Xsfouot. 
Liv. VII, ch. xc. 

3. Ces colons sidonicns et tyriens, apportant avec eux les cultes de Vénus et 



GOLGOS 5o 

Tous ces peuples, en communication forcée et constante, sur 
ce territoire restreint, avaient fini par se confondre tout en 
étant divisés politiquement en neuf souverainetés, toujours 
unies entre elles pour sauvegarder leur indépendance contre 
Tétranger, et formant ainsi la nation chypriote. Du mélange des 
trois races grecque, phénicienne, africaine, naquit un type qui 
aujourd'hui encore n'a point entièrement disparu. 

Tant que Chypre eut à lutter contre des tentatives d'invasion 
et d^absorption, elle conserva à ses œuvres d'art, à défaut du 
costume, ce type autochtone, affirmant ainsi sa résistance à 
des races antipathiques à son origine et à ses mœurs. Mais 
lorsque Tinfluence grecque commença à s'exercer dans le pays 
à l'époque de Talliance ionico-anatolienne, les divergences de 
race, de tempérament, d'idées tendirent à disparaître. Et si, 
d'un côté, les spécimens du commencement du v* siècle (colosse 
à la colombe) conservent encore le type indigène, on voit 
d'autre part succéder à celui-ci, dans les statues archaïques, 
le type anatolien, immédiatement antérieur au style purement 
grec. 

Appelés constamment en Chypre depuis Darius, comme 
alliés de race et d'intérêts, les Grecs firent facilement la con- 
quête de rîle, qui se trouva tout hellénisée à l'avènement 
d'Alexandre. 

Cette conquête fut toute pacifique d'ailleurs. La langue indi- 
gène se conserva (monuments épigraphiques du deuxième 
sanctuaire, médailles de fabrique grecque à légendes chy- 
priotes) ou se juxtaposa au grec (graffito bilingue de Soli, 
publié dans le Journal asiatique^ 1868) avant de disparaître 
tout à fait. 



d*Hercule, fondèrent leurs premiers comptoirs sur la côte sud, et leur principal 
établissement, Citium, devint la capitale d'un État dont les rois étendirent pli'^ 
tard leur domination jusqu'à Idalie, dans Tintérieur. (Cf. les inscriptions de C* > 
tium et dUdalie.} 



6o CHYPRE 

2* D'après ce qui précède, le st}'le anatolien est un style de 
transition entre les époques cyprio-asiadque et purement 
grecque. 

Le bonnet oriental est remplacé par une couronne de feuilles 
ou de narcisses et souvent des unes et des autres. La chevelure 
est disposée en boucles symétriques encapuchonnant le front, 
comme le joli buste de Jupiter Trophonius au Louvre en offre 
un exemple. Une fine moustache retombe aux deux coins de 
la bouche sur la barbe, qui^ bouclée régulièrement, se termine 
en mèches ondulées et distinaes et séparées avec soin. Le nez 
est un peu camard, allongé et pointu. La bouche, un peu plus 
grande qu'auparavant, se relève en rictus prononcé. Les pom- 
mettes sont très saillantes. Les yeux moins à fleur de tête, 
moins écarquillés, mieux fendus que dans le type chj'priote. 
Le profil rappelle en tous points celui des personnages peints 
sur les vases dits étrusques, et nombre de monuments de toutes 
sortes d'Asie Mineure, disséminés dans les musées et collec- 
tions. Le cou est gros, les bras et les jambes sont puissants, les 
attaches fines, les mains petites. Les détails anatomiques sont 
généralement omis. Les draperies sont traitées d'une manière 
plus large que précédemment, mais conservent encore la symé- 
trie primitive. 

Dans les statues de cette époque, comme dans presque toutes 
les autres, l'on voit de prime abord qd^ la tète a été, de la 
part de l'artiste, l'objet de plus de soins que le reste du corps. 
Cela me confirme dans l'hypothèse que ces figures sont des 
portraits. 

Pour ce qui regarde la provenance des spécimens au type 
anatolien trouvés à Golgos, je suis assez disposé à croire que 
tous, ou presque tous, sont sortis du vieux sanctuaire, et ce, 
pour des raisons que je donnerai plus loin (4*»). 

3» Par son alliance avec Tlonie, en 5oo, Chypre entama sa 



GOLGOS 6f 

rupture avec les Assyro-Perses pour se rallier à rélément grec. 
D'autre part, Texpédition de Cimon, en 460, est un point de 
repère, une date qui détermine rétablissement définitif dans 
rîle de la civilisation hellénique sous sa forme la plus parfaite, 
la plus exquise, la forme attique, elle aussi d'origine ionienne. 

Le génie attique, dans les œuvres de cette époque, se mani- 
feste tout d'abord par l'adoption de ce beau style dit éginé- 
tique dont le colosse de Dali est le spécimen le plus intact qui 
nous soit parvenu. Les couronnes de feuilles et de narcisses, 
la disposition de la barbe et de la chevelure n'ont pas varié, 
seul le type de figure n'est plus le même. Le nez est droit et 
régulier, les yeux un peu relevés aux coins, l'arcade sourci- 
lière bien dessinée ; la bouche n'a plus son rictus, la physio- 
nomie est sérieuse et pleine de majesté; les draperies sont 
encore archaïques, mais largement traitées. Les attitudes sont 
moins raides. Tout fait présager dans ces statues les brillantes 
époques de Périclès et d'Alexandre. 

L'art purement grec, de sa splendeur à son déclin, est repré- 
senté à Golgos par une grande quantité de statues et de têtes 
en pierre, dont plusieurs sont remarquables de grâce et d'exé- 
cution. 

Quant aux productions de la période romaine, les cheveux 
courts, le front bas, les traits accusés et énergiques des têtes, 
le costume enfin (pallium et toga), les rendent reconnaissables 
entre toutes. J'ajouterai que l'on n'a point trouvé au grand 
temple de spécimen de la décadence de l'art romain (successeurs 
d'Alexandre Sévère) ; ce qui me fait supposer que l'abandon 
et peut-être la ruine du sanctuaire marqua, après les règnes des 
empereurs de la famille de Septime Sévère, l'établissement et 
la victoire définitive du christianisme dans l'île de Chypre. 

4* A mesure que l'influence grecque s'affirma davantage en 
Chypre, la scission avec l'Orient s'accentua de plus en plus 



ôi C H Y F R K 

et tendit à donner, en quelque sorte* à l*ile tout entière une 
nouvelle nationalité. Cette transformation arriva d'autant plus 
complète et plus profonde qu'elle fut plus lente et plus paci- 
fique. Elle dut se faire sentir même dans la religion. Aussi 
est-ce une des causes auxquelles je rattacherai Tabandon du 
vieux temple rond, tout chypriote, tout plein d*un passé auto- 
chtone et asiatique , et l'édification du nouveau sanctuaire 
carré, qui, sous le prétexte d*ètre la succursale du premier, 
devait s'y substituer et inaugurer, en quelque sorte, Tère toute 
grecque où Tile était entrée. 

Je pense que cette révolution ne s*accomplit point à l'époque 
purement anatolienne. Aussi les statues de ce temps-là me 
semblent-elles devoir être toutes attribuées au vieux sanctuaire >. 

Mais lorsque, dans la période suivante, la Grèce eut imprimé 
son cachet à la nation chypriote, Ton bâtit le temple grec à côté 
du temple indigène. Je ne crois donc pas qu'on ait trouvé dans 
ce dernier aucune des statues de l'école dite éginétique, qui 
durent inaugurer le nouvel édifice. 

C'est donc à l'époque qui suivit l'expédition de Cimon (45o; 
et où la Grèce prit tout à fait pied dans l'ile, que je place la 
fondation du second et grand temple de Vénus Golgîa. 

Note additionnelle ^. 

La planche IV reproduit avec une fidélité parfaite les statues 
de l'ancien temple de Golgos. Comme on le voit, ces morceaux 
sont aussi remarquables par leur mérite artistique que par les 
différences qui les distinguent. Ces trois statues en disent plus 
sur le passé de l'île de Chypre qu'une longue dissertation; 

I. Cela est de pure hypothèse, aucune donnée exacte ne venant éclairer la 
question : toutefois, et en conséquence des prémisses que j'ai posées, si le second 
temple a donné des statues de ce type, je pense que primitivement elles furent 
apportées (ainsi que d'autres peut-être) du vieux sanctuaire pour orner le nouveau. 

* 2. Revue archéologique ^ XXV, p. 3i (1873;. 



GOLGOS 63 

elles représentent trois époques historiques : la suzeraineté 
chaldéenne, la domination égyptienne, Tinfluence anatolienne. 
Elles nous montrent, pour ainsi dire, Tîle, objet de convoi- 
tise et de conquête de la part des puissances voisines dési- 
reuses d'avoir, dans la Méditerranée, un poste avancé. Comme 
nous Tavons vu, les peuples marins et commerçants ont seuls 
pu prendre pied dans le pays d'une façon durable, et les 
Grecs et les Phéniciens, peuples marins, sont les seuls qui, 
conjointement avec quelques Libyens, aient vraiment possédé 
Chypre, ^parce qu'ils la pouvaient garder. Les costumes, les 
produits industriels ont, comme Tart, subi des influences étran- 
gères successives. Les dernières découvertes en font foi. Il en 
était probablement de même pour les coutumes et les institu- 
tions civiles et politiques. La langue elle-même a dû emprun- 
ter aux idiomes des conquérants ou des voisins beaucoup de 
termes (commerciaux principalement), et Ton retrouve dans 
Talphabet indigène des caractères empruntés aux pays envi- 
ronnants ou suzerains : Perse et Chaldée, Phénicie, Lycie, 
Anatolie et peut-être Egypte et Libye. 

[ ' Beaucoup de bas-reliefs de Khorsabad sont rehaussés de 
couleurs et surtout de rouge comme les statues de Chypre. 

De même que sur beaucoup de statues (type égyptien) de 
Pyla et de Dali, plusieurs vêtements de personnages sont 
ornés de bas-reliefs. (PI. IX. Botta.) Plusieurs animaux res- 
semblent évidemment à ceux de Pyla. 

Les statues trouvées dans les temples de Chypre repro- 
duisent souvent des types assez divers outre la variété de leurs 
costumes. C'étaient probablement les portraits des donateurs 
desdites statues qui se consacraient en quelque sorte en effigie 
à la divinité. On peut supposer que les moins riches avaient 

* I. Note retrouvée dans les papiers de Pauteur. 



6^ CHYPRE 

les statues les moins grandes et les moins coûteuses. Les in- 
scriptions de P\'Ia« votives, semblent venir à Tappui de ce fait. 

Sauf à l'époque romaine, le style des statues de Chj-preest 
généralement autochtone, et leurs vêtements et attributs sont 
uniformes pour toutes les parties de Tile. Le stjle qui prédo- 
mine le plus est le st}'le assyrien et ég^-ptien. Le style archaïque 
(étrusque) et grec ne vient qu'ensuite. 

Toutes les statues trouvées jusqu'ici semblent avoir été 
votives. Presque toutes viennent de temples et^ non sculptées 
par derrière, étaient destinées à être adossées]. 




II 



UN SARCOPHAGE D'ATHIENAU ' 



Le général de Cesnola, chargé par TÉtat de New- York d'une 
mission archéologique en Chypre, a vu son intelligence, son 
habileté et sa persévérance dans ses recherches couronnées d'un 
plein succès. Près de soixante inscriptions grecques, plusieurs 
inscriptions chypriotes (quatorze?), des statues, vases, verreries 
de tous genres, le déblayement du temple d'Apollon Hylates à 
Curium et le magnifique sarcophage dont je vais parler sont là 
pour témoigner des services rendus à la science par cet infati- 
gable explorateur. — Je remercie ici le général de Cesnola de 
m'avoir communiqué, presque au lendemain de la découverte, 
les photographies du sarcophage en question, et de m'avoir 
autorisé à les publier. 



La planche VI, exécutée avec talent par M. Dardel, d'après 
les photographies du général, me dispense de toute description. 
J'y renvoie le lecteur. 

Le sarcophage a été découvert au mois de novembre iSyS, à 
Athiénau, sur l'emplacement de l'ancienne Golgos. II était 
enfoui à quatre pieds de profondeur et avait jadis été violé. 

* I. Revue archéologique y XXIX, p. 22 et suiv. 



66 CHYPRE 

Il est en pierre calcaire de Chypre 

Il se compose d'une cuve évasée reposant sur quatre pieds 
formant cubes allongés et pris dans la masse, et d*un couvercle 
en forme de toit à double pente et à pignons inclinés. 

Dimensions : 

Longueur : 6 pieds anglais lo pouces 2 lignes = 2'',o8576234. 
Largeur : 2 pieds anglais 5 pouces = o™ ,7 3658668. 
Hauteur : 3 pieds anglais 4 pouces 2 lignes = i ",01 898163. 

A la tête et aux pieds du sarcophage se trouvaient, m'a écrit 
M. de Cesnola, plantées debout dans le sol, deux stèles pareilles 
et en pierre calcaire. L'une fut trouvée intacte, l'autre brisée. 
En voici ci-contre la gravure d'après une photographie. 

Dimensions : 

Hauteur : 4 pieds anglais 9 pouces = i ",44777382. 
Largeur : 2 pieds anglais 8 pouces = o™,8i 27853. 
Épaisseur : 4 pouces 1/2 = o™,i 1 1429793. 

La disposition générale du monument rappelle, ainsi que me 
l'a fait remarquer M. de Cesnola, celle des tombeaux turcs 
actuels, avec leurs deux stèles à turban ou à tarbouch. Notre 
sarcophage offre, je crois, le seul exemple connu d'une sépul- 
ture antique de ce genre. 



Que représentent ces deux stèles? Un motif de chapiteau 
qu'on retrouve bien souvent à Chypre et qui n'est autre (comme 
je l'ai déjà dit dans mon mémoire sur la patère dldalie ') que 
la traduction architecturale de la fleur de lotus. Ici, les pétales 



* I. Voir plus loin chapitre m, !• 




sont représentes par les volutes', les étamincs s'élancent jus- 
qu'à l'abaque, et le pistil est remplacé par deux sphinx affrontés, 
mis là sans doute pour symboliser la double énigme de la fécon - 
dation et de la conception. 





^f-1l,l»l*l „,, 


-" zi'iii 










L>-^r.rt_ 




=^3 




Que sont ces stèles ? 
' Faut-il y voir la dégénérescence figurative et comme la rémi- 
niscence des tables d'offrandes des tombes égyptiennes ? Celles- 



I. L'ordre innique, l'ordre aphroditique par eiccllencc, dérive de Ifi très pro 
bablement. Cf. les chapiteaux chypriotes <Iu Louvre. 



f>S CHYPRE 

ci, comme on le voit dans TAlbum du Musée de Boulaq», se 
composaient d'un plateau carré en pierre supporté par une 
colonne ronde un peu conique, et dont le haut est souvent 
évasé. On la retrouve isolée dans Talphabet hiéroglyphique. 
Plateau et colonnes seraient donc Torigine des stèles aux sphinx 
avec leur fût conique et leur abaques Ou bien faut-il plutôt 
considérer ces stèles simplement comme l'image de pierre d'une 
fleur de lotus plantée là, aux deux bouts d'une tombe, comme 
attribut et s)'mbole de la Vénus funèbre ou Épit}mbie: Cette 
hypothèse est la plus simple et est très vraisemblable. 



Des quatre bas-reliefs du sarcophage, le plus digne d'atten- 
tion est celui qui représente la scène de la naissance de Chrysaor 
et de Pégase issant du cou de Méduse dont Persée emporte la 
tête. Ce sujet se trouve fort rarement reproduit sur les monu- 
ments. Parmi ceux où il figure je citerai : 

i" La célèbre métope*dc Sélinonte où Méduse tient Pégase 
non ailé sous son bras, mais où Chr\saor manque. 

2" Un stamnos étrusque de la collection Campanarî, cité par 
Ed. Gerhardt {Atiserlesen. griech. Vasenbilder^ t. II, pi. 89). 



1. Phot. par Délié et Béchard, texte par Mariette-Bev. Le Caire, Mourés et C*, 
1872, un vol. in-4'. 

2. Les petites stèles grecques rondes de Larnaca et d'Idalie, décrites dans ma 
notice des Nouvelles inscriptions grecques de Chypre^, rappellent d'une ma- 
nière frappante les supports de tables d'offrandes du Musée de Boulaq. La 
pomme de pin, dont les cippes grecs étaient surmontés, rappelle les cônes mis 
dans des vases à pieds {révLnis par trois le plus souvent) et gravés sur les tables 
égyptiennes. Ces objets coniques, que M. Mariette appelle des vases pleins d'une 
substance inconnue, sont probablement des pommes de pin, ou des cyprès, ou 
des arbres de forme analogue. Cf. le Thymiaterion cité par Lenormant {Elite des 
mon, céramogr,, p. 291-304, pi. 87 et o3j et reproduit sur maints monuments et 
cylindres assyriens. 

* I. Voir plus loin cliapilrc vi. 




GOLGOS 69 

L'une des sœurs de Méduse y figure ailée, de face, tirant la 
langue, en tunique talaire, un serpent enroulé aux bras, pieds 
nus, ailes aux talons. Pégase est ailé. Persée est coiffé du casque 
ou pétase ailé, chaussé des endromides, et tient une faucille de 
la main gauche et un caducée de la droite. Derrière lui une 
femme (Minerve) étend son manteau pour le protéger. 

3* Un vase du musée de Naples, cité par H. Heydemann 
dans Vasensammlungen des Museo naiionale :{u Neapel^ 
no 1767, p. 91. Sthéno et Euryale poursuivent Persée qui 
s'enfuit. 

Insister sur les variantes que nous offrent ces quatre repré- 
sentations d'un même sujet est inutile ici Je ferai cependant 
remarquer que le chien seul se trouve sur le monument d'A- 
thiénau. 

Le bas-relief qui suit à droite le premier est une chasse. Ce 
sujet est représenté dans le second registre des peintures du 
tombeau de Tarquinies, « del fondo Quarciolo » (reproduit 
pi. XXXIII, vol. IVdes Afow. ined. delV Istituto arch. di Roma). 

Le char du tableau suivant correspond à la course de chars 
figurée aussi dans le deuxième registre des fresques du tombeau 
précité. 

Enfin le premier registre du même tombeau représente, 
comme le troisième bas-relief de notre sarcophage, un festin 
avec femmes, musique et éphèbes nus'. 

Ainsi donc, comme le sépulcre de Tarquinies, le sarcophage 
d'Athiénau nous offre, réunies, trois scènes de la vie réelle dont 
rintcrprétation est facile, je crois. En effet, l'adolescent qui 
tient un arc et chasse avec les guerriers grecs représente peut- 
être le défunt. Le coq n'est point ici un emblème funèbre en 



I. Les vases peints nous offrent le même sujet. Citons entre autres : i* Dubois- 
Maison neuve, /«f roi. 4 Vétude des vases peints, Ip'vol., pi. XXIX; 20 un sarco- 
phajge de Pérouse,3/oM. inéd., vol. IV, pi. XXXII; S» id., vol. IV, pi. XXXIV, pein- 
tures d'un tombeau de Chiusi. 



70 CHYPRE 

tant que consacré à Proserpinc», mais plutôt le symbole des 
vertus guerrières : vaillance^, vigilance^, prudence-^. 

Le gibier chassé consiste en sanglier, encore très abondant 
dans l'île, et en buffle, qui en a disparu. 

L'adolescent qui tient les rênes du char sous la conduite d'un 
vieillard, et fait ainsi son apprentissage de guerre, est proba- 
blement le même personnage que Tarcher, c'est-à-dire le défunt 
lui-même. 

«Chasseur et guerrier dès sa jeunesse», tel est le sens que 
me paraissent résumer ces deux bas-reliefs. 

Le tableau du festin n'a plus aucun rapport avec le mort, 
mais a, lui, une signification toute symbolique : 

L'arbre indique un jardin. Cinq âges de la vie humaine sont 
représentés par les cinq personnages mâles dont quatre sont 
couchés. 

L'éphèbe qui tient un petit vase et un simpulum symbolise 
l'âge d'innocence. Aussi n'est-il pas vêtu.' L'artiste Ta rappro- 
ché de l'homme couché qui tend un canthare et qui, sans com- 
pagne sur son lit et orné d'une barbe caractéristique, est l'em- 
blème de la vieillesse. 

Derrière l'éphèbe, sur le lit, est un jeune homme imberbe. 
C'est la jeunesse. Il caresse une jeune femme qui semble par- 
tager ses transports. Une flûtiste tournée vers lui célèbre 
l'amour dans sa plus belle phase. 

La virilité est représentée par l'homme barbu dont l'amour 
est plus réfléchi et qui est ici l'objet des agaceries d'une femme. 

L'âge mûr, sur le dernier lit, penche mélancoliquement la 

i,Ann. delV Ist, arch,, t. XIX, p. i8i. Bas- relief du Musde de Naples. 

2. Comme tel, il était peint sur des boucliers (Ed. Gerhardtj Auserlesen,, t. II, 
pi. LXXXV). 

3. Amph, panath,, publ. dans les Mon, inéd., pi. XXI, t. II, où Minerve est 
peinte entre deux colonnes surmontées d'un coq. 

4. Kélébé de Vulci où il est associé à deux serpents {Mon, inéd,, t. II, pi. 
XXVII). 




GOLGOS 71 

tcte comme pour se concentrer dans ses souvenirs. Mais c'est 
encore à la femme qu'il a fait appel pour donner, au son de la 
cithare, un rythme à ses pensées. 

Toute cette scène n'est autre chose que le banquet de la vie, 
et, comme telle, sa reproduction, avec plus ou moins de varian- 
tes, se justifie aisément sur les monuments funèbres. 

Mais l'association sur notre sarcophage, avec les trois tableaux 
précités, de la scène de Persée et de Méduse, demeure fort dif- 
ficile à expliquer. Elle n'est compréhensible, selon moi, qu'en 
détournant de son sens primitif le mythe lui-même, et en cher- 
chant comment on a pu l'adapter à une idée funèbre. 

Y voir une flatterie posthume pour les exploits du défunt, 
en le montrant sous les traits de Persée, n'est guère admissible, 
car alors l'artiste lui eût au moins donné les insignes qui carac- 
térisent le héros sur tous les autres monuments, c'est-à-dire le 
pétase ailé et les endromides ailées, et n eût pas mis le chien. 

Mais la tâche est plus aisée si le raisonnement s'appuie sur 
un sens de résurrection ou plutôt de transmigration. Dans 
ce cas, l'explication est celle-ci : Méduse ailée comme le Cronos 
oriental, ce temps qui s'enfuit avec vitesse, symbolise comme 
lui la destruction et la mort. Le Chrysaor, c'est l'âme du défunt 
qui renaît de la mort même. Le Pégase, non ailé ici^ c'est le 
cheval funèbre qu'on retrouve souvent et qui doit transporter 
cette âme vers le monde inconnu. En connexion avec Méduse 
donnant le jour à Chrysaor et à Pégase, est le chien assis'. 



I. Quelques statuettes de chien assis ont été récemment trouvées à Curium et 
ailleurs, parmi des tombeaux. 

Le chien assis est un emblème /unè^re que nous retrouvons, par exemple, sur 
deux tablettes égyptiennes à inscriptions grecques, publiées par M. Le Blant 
dans le numéro de la Revue archéologique du mois de décembre 1874 (n®* 3.|. et 
36, pi. XXVII bis). D'après Fauteur, le chien est Anubis psychopompe. 11 a le cou 
passé dans Panneau d'une clef, celle de la porte que les âmes, conduites par 
Hermès, doivent franchir au sortir de la vie. (Cf. Dupuis, t. IV, p. 612; Parisot, 
t. I, p. 239.) Comme tel, Anubis est le prototype de Cerbère. 



72 CHYPRR 

Symbole de Y accouchement rapide, selon Panofka Bulleii. 
deir histit. di corr, arcA.-t.XIX.p. 1 12-184 • il corroborerait, 
comme tel, l'hypothèse précitée, en tant que se rapportant à la 
mort considérée comme un accouchement à une autre vie. Tou- 
tefois il est plus conforme au sens général que j'attribue au 
tableau de voir dans ce chien : « Anubis », considéré ici non 
point seulement comme gardien des âmes, psychopompe, chien 
d'Isis', mais, selon Plutarque de Iside et Osiride. 44.) et 
Clément d'Alexandrie {S/ rom., liv. V % comme le cercle de 
rhorizon qui sépare le monde visible et lumineux du monde 
invisible et ténébreux, comme le seuil même, pour ainsi dire, 
de la vie et de la mort personnifié^. Le vainqueur, barbu et qui 
paraît âgé 'Persée est toujours représenté jeune et imberbe;, est 
le défunt lui-même, dont la sortie de cette vie fut une victoire 
sur le néant. 

Si cette interprétation n'est pas juste, elle ouvre du moins 
le champ à la discussion. 



Au point de vue de Thistoire de l'art chypriote, le sarcophage 
d'Athiénau est le morceau le plus complet, le plus rare, le plus 
concluant qui ait jamais été trouvé. L'architecture de la cuve 
et du couvercle est égyptienne. Les sujets sont traités à l'assy- 
rienne, c'est-à-dire en très petit relief se détachant à peine sur 
champlevé. Les ailes recroquevillées de Méduse sont de tra- 
dition chaldéenne, mais la gravité d'allure des personnages 
assyriens manque au Perséc, dont la démarche libre et comme 
précipitée et le corps porté en avant dénotent une influence 



1. Eratosth., ch. xxxviii ; Hygin., liv. II. 

2. Cf. Jablonski, Panth. ég,^ liv. III, 1. 25. 

3. Aussi le rcpréseniait-on mi-parti noir et blanc (Apulée, liv. H), et lui immo- 
laic-on un coq tanlôt blanc, tantôt roux (Plut., rft* Isid^, 'm). 




GOLGOS 73 

grecque. Les personnages de la chasse sont grecs, mais les 
arbres et les animaux sont d'école asiatique. Le chariot, Tatte- 
lage. les guides, le harnachement, sont d exécution assyrienne, 
sincère et soignée. Enfin le banquet rappelle d'une façon frap- 
pante cet art de l'Asie Mineure que nous retrouvons dans les 
monuments étrusques déjà cités. 

Ce que j'ai dit précédemment sur Tart chypriote se trouve 
ainsi confirmé par le monument d'Athiénau, et peut se résu- 
mer ainsi : L'art chypriote a subi toutes les influences des 
divers dominateurs de Tile, Phéniciens, Assyriens, Perses, 
Grecs, Romains. Il n'a d'original que le type des figures qui 
est, lui, autochtone, et a disparu des monuments seulement 
à répoque de Thellénisation définitive de Tile, au temps 
d'Alexandre. 



En résumé, si dans ces quatre bas-reliefs le faire et le style 
sont tout assyriens, la composition générale, la vie et le mou- 
vement des scènes, la largeur et le dégagé d'allures des per- 
sonnages, leurs costumes, sont plutôt anatoliens et grecs. Peu 
d'archaïsme dans les figures. Tout indique, à mon sens, dans 
le monument, cette date de transition que l'on peut fixer à la 
moitié du y* siècle avant J.-C. D'un autre côté, il est à consi- 
dérer que les plus belles et les plus nombreuses statues trouvées 
jusqu'à présent dans l'île appartiennent à cette époque, pro- 
bablement la plus marquante <le toutes dans l'histoire de l'art 
chypriote. Je reviendrai là-dessus quand je parlerai du temple 
et des statues d'Idalie. 

J'ajouterai, pour terminer, que la simplicité et la beauté des 
lignes architecturales du sarcophage d'Athiénau, la recherche 
et le fini du travail des bas-reliefs, le talent dont ils portent le 
cachet, et, d'autre part, les lions accroupis dont est cantonné 



74 CHYPRE 

le couvercle \ me portent à supposer que ce monument était 
la sépulture d'un personnage considérable, peut-être d^un 
prince ch\'priote. 

I. La présence des lions n'est cependin: pas ici un motif suffisant pour donner 
au monument une aitribution pnncijre. Le lion, en e^ct, n^ctait pas seulement 
un emblème royal, il avait encore un sens funèbre et était comme tel un synm^ 
Me cjrbclique. En effet, le général de Cesnola, dans ses fouilles les plus récen- 
tes, a découvert de nombreuses s:cles îuncra:res à personnages, presque toutes 
de médiocre ou mauvaise exccutÎDn, et sur:T:or.u:es so!t de deux lions accroupis 
et acculés , soit d'un seul lion accroupL Souvent sous le ou les lions est représenté 
le mihir ou globe ailé, ou le croissant, renversé, avec un disque dans sa concavité. 
(Cf. les chapiteaux chypriotes du Lou^xe.. 



BAS-RELIEF VOTIF A APOLLON' 



Dans mon premier article sur les fouilles de Golgos, article 
paru en décembre 1 871, je signalais la présence dans le sanc- 




tuaire quadrangulaire, le second en date, de tableaux gravés et 
sculptés sur pierre et ornant les murs. 
Parmi ces tableaux, le plus intact, et certainement le plus in- 

• 1. Revue archéologique, XXV, p. tSg cl suiv. [i573). Ltiire adrcGsi^c à 
M. A. Dumont. 



76 CHYPRE 

téressant, est celui qui représente un repas et une danse en Thon- 
neur d'Apollon. La scène est gravée en très bas relief sur une 
table de calcaire blanc de Chypre. Cette table, assez mince (3 à 
4 centimètres d'épaisseur en moyenne), était suspendue au mur 
du temple au moyen d'une ficelle passée dans deux trous encore 
visibles à la partie supérieure. 

Comme le tableau ne porte point de trace de coup, il est per- 
mis de supposer qu'il s'est détaché de la muraille et est tombé 
sur les dalles, ou bien que le mur est tombé avec lui. Cette der- 
nière hypothèse me semble la plus probable. 

Il est, en effet, évident pour moi qu'un de ces tremblements 
de terre si fréquents à Chypre, autrefois comme aujourd'hui, 
et auxquels doivent être rapportées la plupart des ruines d'édi- 
fices survenues dans l'île, a renversé les murs des chambres sur 
les objets qu'elles enfermaient et a couvert ceux-ci d'une 
couche de terre fine, laquelle a préservé, sur les morceaux de 
sculpture, les arêtes et les reliefs les plus délicats. 

Les auteurs font mention de ces cataclysmes et de ces écrou- 
lements. « La mer, dit Pline (liv. II, ch. xc), a arraché la Sicile 
à l'Italie et Chypre à la Syrie (probablement à la suite d'un 
tremblement de terre). » — « Combien de fois, dit Sénèque 
{Ep. xci), ce fléau. n'a-t-il point dévasté Chypre? Combien de 
fois Paphos ne s'est-il point écroulé sur lui-même ? Chypre, 
ajoute-il {Quœst. nat. c. xxvi), est entourée par la mer et cepen- 
dant elle éprouve des commotions. » — Enfin, saint Grégoire 
de Nysse dit, en parlant des Chypriotes, des Pisidiens et des 
Grecs [Traité contre le Destin^ t. II, p. 77, éd. de i638): 
« Chez ces peuples existent des témoignages des choses sus- 
dites (les tremblements de terre). » 

Comme on le voit, ces phénomènes étaient fréquents. Ils Té- 
taient même tellement que la Sibylle s'enhardit à en prophéti- 
ser quelques-uns : « Alors un tremblement de terre perdra 
en même temps Salaminc et Paphos. » [Orac, SibylL^ liv. IV.) 



GOLGOS 



7/ 



Ces catastrophes se sont reproduites de nos jours. Elles 
étaient autrefois, comme aujourd'hui sans doute, dues à une 
cause volcanique. Au temps de Titus, une montagne de Chypre 
s'ouvrit à son sommet et lança loin d'elle tant de feu qu'elle in- 
cendia les régions voisines et brûla villes et gens. Cet événe- 
ment, contemporain de l'engloutissement des quatre villes de 
la Campanie, avait déjà eu un avant-coureur l'an 78, sous le 
règne de Vespasien. « La neuvième année de son règne, dit 
Paul Diacre {Hisi, miscelL, liv. IX), trois cités de Chypre s'é- 
croulèrent par un tremblement de terre. » — Enfin, au dire 
d'Eusèbe, plusieurs cités furent, par les mêmes causes, renver- 
sées sous le règne d'Auguste. 

La chute du sanctuaire de Golgos eut-elle lieu dans la période 
de quatre-vingts ans dont les dates funestes sont mentionnées 
entre toutes par les auteurs, ou arriva-t-clle plus tard ? L'ab- 
sence parmi les statues de style romain, de morceaux d'une 
époque de décadence, me fait croire que le temple ne subsista 
pas plus tard que les premiers successeurs de Septime Sévère. 
A juger d'après les costumes des personnages, le tableau de 
pierre serait de l'époque grecque et, il me semble même, de l'épo- 
que gréco-romaine. Dans ce dernier cas, il aurait été exécuté au 
plus tôt dans le premier siècle avant l'ère chrétienne, postérieu- 
rement à la conquête de l'ile par L. Cornélius Palma. Quoique 
sorti d'une main peu habile, le travail dénote une bonne époque, 
et je le crois contemporain de ces belles statues au type romain 
drapées dans le pallium et que j'ai mentionnées dans mon 
article d'octobre 1872 (S""). 

Cette hypothèse relative à la domination romaine n'est point 
infirmée par la présence des deux caractères chypriotes gravés 
au-dessus du vase dans lequel nage une lagène à deux anses, 
figurée par une teinte plate et rouge au registre inférieur du 
tableau. 

On pourrait, en cHct, objecter qu'une Inscription latine ou 



78 CHYPRE 

plutôt grecque aurait dû être gravée ici et affirmer ainsi la date 
du monument. Mais je pense que, jusqu'à l'époque même de 
la chute du sanctuaire, la langue chypriote, souvenir de l'anti- 
que indépendance, s'était conservée comme langue hiératique, 
et était comprise peut-être encore après la conquête romaine, 
mais réservée aux inscriptions religieuses destinées aux sanc- 
tuaires. 

Je pense qu'à Chypre la caste sacerdotale a dû se faire gar- 
dienne des traditions, de l'écriture nationale répandue dans tous 
les temples à profusion et n'ayant que les prêtres pour inter- 
prètes. Pareille chose s'est vue et se voit encore dans d'autres 
pays d'Orient : en Egypte, pour les hiéroglyphes et le copte ; en 
Assyrie, pour la langue sacrée ; dans Tlnde, pour le sanscrit ; 
chez les Parsis, pourlezend; chez les Maronites, pour le sy- 
riaque; chez les catholiques, pour le latin. Cette hypothèse 
explique tout naturellement la présence de longues inscriptions 
chypriotes en caractères modernes (plaque de Dali) sur des bas- 
reliefs d'époque évidemment grecque ou même plus récente, et 
sortis du même sanctuaire de Golgos. 

Telles sont les hypothèses que je soumets à votre apprécia- 
tion. Quelque discutables qu'elles soient, elles peuvent, je 
pense, être utiles, ne fût-ce que pour servir de base ou de point 
de départ à une discussion ou à la critique. 

* M. A. Dumont a accompagné cette lettre des remarques ci- 
dessous : 

Ce bas-relief représente, comme on le voit, i® Apollon jeune tenant 
une patère et une lyre ; 2° un homme, une femme, deux enfants et deux 
autres personnages qui s'approchent vers le dieu pour faire un sacri- 
fice : la patcre indique que le dieu accepte l'offrande; 3^ une danse : elle 
rappelle le choros des Grecs modernes, que Ton regarde comme un sou- 
venir de la danse antique du labyrinthe ; 4° un banquet auquel sont assis 
cinq personnages; un sixième personnage est place a droite; bien qu'il soit 
peu visible, il semble jouer d'un instrument de musique. On remarquera 



GOLGOS 79 

le dolium dans lequel est posée Tamphore, disposition qui devait être fré- 
quente quand on ne plantait pas le long vase par la pointe dans le sable. 
Les assistants tiennent chacun une coupe. Ce vase paraît être demi-sphé- 
rique et sans anse i. 

Le seul bas-relief, â ma connaissance, qui puisse être rapproché de celui- 
ci avec une complète certitude, est un banquet des thiasotes consacré, 
comme le dit heureusement l'inscription, par cette association secrète à la 
Mère des dieux et au dieu Apollon. Ce marbre est conservé au ministère 
des cultes à Athènes; il paraît provenir de Cyzique. M. Wescher et 
M. Conze Font publié*. Sur ce monument le cadre supérieur représente 
un sacrifice à Apollon et à Cybèle, le cadre inférieur un banquet. 

Un marbre inédit, d'origine grecque, qui fait partie de la collection 
Gréau, à Troyes, offre cette particularité qu'il représente un sacrifice sem- 
blable, pour les moindres détails, à celui que nous voyons sur le bas-relief 
du ministère des cultes, avec cette seule différence que Cybèle n'y figure 
pas. L'inscription est fruste, mais on y lit encore : 

IHN0A0T02 
AnOAAnNI 

Tel est l'état du monument qu'on ne peut savoir si l'artiste n'avait pas 
placé près du premier bas-relief un second tableau représentant un ban- 
quet 3. 

Puisque la seule composition qu'on puisse rapprocher avec certitude du 
bas-relief de Chypre est un banquet de thiases, que ce banquet est de 
plus consacré au dieu Apollon, il est naturel de reconnaître sur le monu- 
ment nouveau un repas de ces associations. Les repas suivaient souvent 
les sacrifices aux divinités honorées par cultes officiels*. Toutefois on sait 
qu'ils tenaient une plus grande place dans la liturgie des thiases; les salles 
des banquets pour les thiases s'appelaient ôiaerwve;; le nom même (Téra^ 
ifi5/e signifiait particeps cœnœ collaticiœ. M. Ceccaldi a signalé une in- 
scription qui prouve que des collèges de thiasotes existaient dans l'île de 
Chypre *. 

1. Il ressemble à nombre découpes de fabrication dite samicnnc. On trouve 
en Grèce des poteries analogues, mais de couleur noire et à reliefs d'un beau 
travail. Elles sont fréquentes ; on les appelle vases de Mégare, parce que cette 
ville et ses environs en ont fourni une grande quantité. Ces produits céra- 
miques sont encore très peu connus. 

2. Rev, arch., i865, t. XII, p. 214. Reiseaufder Insel Lesbos, p. 62. 

3. Bulletin de la Société des antiquaires de France j janvier 1873. 

4. Le Bas et Foucart, p. 2. 

5. De Vogué, Rev, arch,, 1866, t. X4II, p. 437 ; Le Bas et Waddington, 
n» 2725. 



-o C H Y P R K 

M. Conze a publié un troisième monument* qu'il n*est pas inutile de 
rappeler. Ce marbre, conserve aujourd'hui dans la stoa d'Adrien, a clé 
découvert en Attique. Bien qu'il soit endommagé, on en reconnaît bien 
les parties principales : neuf personnages sont à table: à droite, on remar- 
que une dixième figure qui est celle d'Hercule. Des cyprès et des génies 
ailés occupent le fond du tableau ; au premier plan Fartiste a sculpté plu- 
sieurs fois la mensa tripes. M. Conze donne à ce marbre le nom de stèle 
funèbre. Je ne crois pas cette attribution certaine. Dans tous les cas, il 
faut reconnaître que figurer le banquet d'Hercule sur un tombeau serait 
un fait tout exceptionnel. Je n'en pourrais citer aucun autre exemple. La 
forme de la plaque, beaucoup plus longue que large. n*est pas celle qu*on 
trouve d'ordinaire sur les sépultures, bien qu'on puisse citer le banquet 
du Céramique destiné par M. Salinas<. M. Conze rappel le justement l'apo- 
théose d'Hercule, conservée à la villa Albani et commentée par M. Ste- 
phani '. Il omet un banquet d'Hercule encastré dans la citadelle d*Enos, et 
qui a été décrit dans le Rapport sur un voyage archéologique en Thrace^ : 
le demi-dieu est a table avec Jupiter et Junon.Tcurcfois ni le marbre de la 
villa Albani. ni celui d'Knos, ne rendent tout à fait ccmptede celui d'Athènes. 

Je crois que le marbre de la stoa d'Adrien est un monument religieux 
et non funéraire. Il serait naturel de penser que les neuf figures sont les 
neuf Muses; cependant, malgré Tctat du bas-relief, il est difficile de ne pas 
voir que quelques-uns des personnages sont des hommes. Le fait de repré- 
senter les Muscs à demi couchées et non assises n'est pas conforme aux ha- 
bitudes des banquets: les femmes et même les divinités sont toujours assi- 
ses sur les bas-reliefs grecs. On se rappelle les banquets d'Isis, ceux 
d'Hygie, celui d'Hercule à Énos, et la riche série des stèles funéraires*. 
Cornélius Népos dit du reste, dans la préface de son livre, qu'il eût été 
inconvenant en pays grec, pour une femme, de prendre part à un ban- 
quet a demi couchée. On comprend mieux que les partisans d*un culte 
secret se soient affranchis de ces convenances. D'autre part, le banquet me 
paraît difficilement pouvoir être celui de divinités. En Grèce, lesrepasdes 
dieux comportent toujours, sans exception, la table rectangulaire et non la 
mensa tripes qui est figurée ici. Le cyprès a évidemment un sens mysté- 
rieux ; il en est de même pour les génies ailés. Si on se rappelle que la 



1. Archaeol. Zeitung, 1871, p. 81. 

2. Monuments sépulcraux découverts c:t i863, près de réglise de la Sainte- 
Trinité, à Athènes. 

3. Der ausruhcnde IlcraklcSy Méinoircsde IWcadémic de Saint-Pétersbourg, 1854. 

4. Thorin, éditeur; p. 23. 

5. Pervanoglou, Das Familicnmahl auf altgriechischcn Grabstcincn^ in-8*, 
Leipzig, 1S72. 



GOLGOS 8i 

mention la plus ancienne que nous ayons d un thiase en Attique est rela- 
tive au culte d'Hercule*, on admettra que, selon toute vraisemblance, ce 
monument se rapporte à un thiase de ce dieu. Toutefois ce bas-relief ne 
représente pas seulement le banquet des fidèles. Il a un caractère allégo- 
rique; le demi-dieu y figure; la vie future y est indiquée par des sym- 
boles précis. C'est donc le banquet mystique des initiés au thiase d'Her- 
cule que je propose à M. Conze de reconnaître ici, soumettant cette 
opinion à sa critique. 

Le bas-relief de Chypre doit encore donner lieu à quelques observations. 
Dans la représentation des personnages qui dansent, le choros marche vers 
la gauche; on reconnaît facilement que les hommes font chacun un pas; 
le choros grec moderne est une marche où on fait deux pas de droite a 
gauche ou de gauche à droite, puis un pas en avant. De plus, dans la danse 
moderne, le cheif du chœur se sert du bras qui reste libre pour des gestes 
variés, détail qu'on distingue sur notre monument. Enfin, quand le choros 
n'est pas exclusivement composé de femmes conduites par un seul homme, 
Tusage est de placer les femmes les unes près des autres, comme nous le 
remarquons ici. Toutefois dans le choros moderne les mains forment une 
chaîne entrelacée. 

Nous ne voyons pas de mets figurer dans le banquet, mais une amphore 
et des coupes. Il semble donc que les assistants boivent et ne mangent pas. 
Les inscriptions des thiases mentionnent surtout les tcpa et les libations. 
C'est la simple libation qui est reproduite sur notre bas-relief. 

L'artiste n'a pas voulu, dans les trois parties de la cérémonie, représen- 
ter exactement les mêmes personnages. Dans l'acte d'adoration nous recon- 
naissons un homme, une femme, deux enfants et deux adorateurs. Le sa- 
crifice est fait par les deux premiers personnages assistés de deux aides plus 
jeunes; les deux dernières figures représentent les fidèles. Dans le chœur, 
nous trouvons deux femmes et non une seule, trois hommes ou jeunes gens 
et non quatre; enfin, dans le banquet, on ne distingue pas de femmes. 
Cette liberté prouve qu'on n'a pas représenté une cérémonie particulière, 
mais, en général, les trois parties ordinaires de cette fête religieuse '. 

La plus ancienne mention des thiases se trouve dans les lois de Solon. 
Toutefois elle est tout exceptionnelle. C'est au temps d'Isée et de Démos- 
thènes que ces confréries paraissent se multiplier». L'inscription des thia- 

1. Isée, IX, 3o. 

2. Le dessin que j'ai sous les yeux ne permet pas de distinguer Pobjet que 
tient la femme placée dans la partie supérieure du bas-relief, si toutefois cette 
femme ne se borne pas à faire le geste des orantes, comme un estampage que 
me communique M. Ceccaldi paraît l'indiquer. 

3. Pour ces faits et pour les détails sur les i:pâ des thiasotes, je renvoie à 

6 



82 CHYPRE 

ses qui porte la date la plus reculée est de l'archontat d*He'gcmachos, 
120* olymp., 400 avant J.-C. *. Notre marbre, comme le dit M. Ceccaidi, 
est e'videmment sculpté sous l'influence grecque. On y trouve encore une 
grande simplicité, malgré une exécution imparfaite. Ce monument doit 
appartenir au n* siècle avant notre ère. 

L'intérêt de ce bas-relief est donc : 1* d*étre le deuxième monument 
figuré relatif aux thiases jusqu'ici connu; a* de représenter une scène très 
rare, un banquet qui n'est pas funèbre, qui n*est pas non plus offert a des 
divinités que Tartiste y ait figurées; 3* de reproduire les trois actes diffé- 
rents d*une cérémonie religieuse, le sacrifice, la danse et le banquet*. 

Pouvragc sous presse de M. Foucart sur Us Associations religieuses che^ les 
Grecs, ouvrage qu'il a bien voulu me communiquer. 

1. Rhoussopoulos, Archaeol. An^eiger^ 1866, p. iio. 

2. Une fracture du bas-relief empêche de reconnaître avec certitude l'objet 
figuré entre Apollon et ses adorateurs, une sorte d*autel selon toute vraisem- 
blance. 



CHAPITRE TROISIÈME 



IDALIE 



LA PATERE DMDALIE' 

g I. — DÉCOUVERTE DE LA PATÈRE. 

Dans la vallée de Dali, en face du village, à environ deux 
cent cinquante mètres au nord des deux collines dites Ambelliri^ 
et à l'occident du chemin qui conduit, par le vallon dit Para- 
dision, à Lympia età Alambra, est un terrain confinant à la 
route, et dans lequel se trouve un puits de très bonne eau. 

Depuis i8ô6, ce terrain avait été excavé à plusieurs reprises. 
Il y a de cela trois ans, en 1869, le consul des États-Unis, le 
général de Cesnola, enrichit sa collection de lagènes à anses, 
ou bardaques, trouvées en cet endroit. Ces bardaques, très 
étranges, très curieuses^ et fort rares ^, provenaient de tom- 
beaux situés non loin du puits, vers le sud. 

Au printemps de cette année-ci, M. de Cesnola fit de nou- 
veau travailler ses fouilleurs sur le même terrain. Ceux-ci, vers 

* I. Revue archéologique, XXIV, p. 304 et suiv. (1872); XXV, p. iS et suiv. 

(187 <). 

2. La plus belle est au Musé^ de Berlin. 

3. Un très petit nombre d*autres vases de même genre ont ctc trouvas princi- 
palement aux environs d'Oromidia. 



^4 



CHYPRE 



la mi-mai 1872, apportèrent à Larnaca plusieurs objets, parmi 
lesquels se trouvait une coupe ou patère de bronze qu'ils 
dirent avoir trouvée dans une tombe et à peu de distance du 
puits. 

Au premier abord, cette patère, à ombilic comme toutes celles 
qu'on avait déjà découvertes, et empâtée de verdet-gris, n'offrait 
rien de remarquable. Toutefois, avant de la mettre avec les 



suo 







'M 



AUA 




autres dans ses vitrines, le consul crut devoir enlever le plus 
gros de la couche d'oxyde. La forme du vase se révéla bientôt, 
assez insolite * pour attirer l'attention de M. de Cesnola, qui 
résolut alors de compléter le nettoyage. Peu à peu, sur la paroi 
intérieure, des traits gravés se dessinèrent, puis des contours 
de personnages et d'objets, et enfin, après quinze jours d'un 
travail plein de précautions, une scène des plus curieuses et 

r. Les coupes trouvées antcricu rement sont des calottes de sphère ou des hé- 
misphères. 



I D A L I K 



85 



d'un haut intérêt aichéologique apparut tout entière et intacte. 
La coupe avait peu souffert d'ailleurs. Sa forme n'avait pas 



fnf325 




•705. 



5 



cte altérée et son épaisseur n'avait, pour ainsi dire, pas 
diminué. 

Le général de Cesnola apporta à Paris cette pièce unique 
et m'autorisa à la faire connaître au monde savant. Bien plus, 
il me la confia, ce dont ici je le remercie. La description que 
Je vais donner du monument a été faite d'après l'original lui- 
même, dont le dessin (joint à cette notice) est un fac-similé 
aussi exact qu'il m'a été possible de le faire '. 



2. 



DESCRIPTION DE LA PATERE. 



L La patère est ronde. Elle est en bronze jaune assez sonore, 
et qui m'a semblé se rapprocher de l'alliage dit métal de cloche. 
Elle m'a paru avoir été non pas martelée, mais fondue d'une 
seule pièce. 

Son épaisseur moyenne est de o",ooi2. 

Son poids, io8*%2o. 

Sa capacité, o',285 =: 2*35 gr. d'eau. 

La hauteur, o"',o5o3. 



.1-»' • 



I. Voir pi. VII, 



8Ô CHYPRE 

Sa forme, très évasée, est un tronc de' cône renversé dont 
le grand diamètre est de o", 1 325, et le petit diamètre de o"*,o5. 
Le fond a même dimension (g", o5). C'est une capsule aplatie, 
saillant en dehors de o'",oo45 seulement, et au centre de 
laquelle, à l'intérieur, s'élève l'ombilic. L'extrémité des bords 
de la patère se relève verticalement et sur une hauteur de 
o",oo45. Les parois du vase ne sont point droites dans leur 
obliquité. Elles ont été légèrement bombées en dehors, sans 
doute pour supporter sans affaissement les coups répétés d'un 
outil. 

La scène, qui se détache en bosse légère sur la surface interne 
de la patère, fut d'abord travaillée au repoussé. Le métal étant 
peu malléable, l'artiste a dû faire grande attention pour ne pas 
le faire éclater, et s'est contenté d'obtenir une vague esquisse. 
Après quoi il accentua les contours indécis et exprima les 
détails par des traits au burin qui terminèrent l'œuvre. 

IL Sur le disque qui forme le fond, convergent, vers un om- 
bilic central de o",ot4 de diamètre, vingt-cinq lobes ou fuseaux, 
en forme de pétales de pâquerette. Ils sont gravés seulement et 
garnis, chacun à son extrémité, d'une lentille, repoussée et peu 
saillante. Une élégante torsade entoure cette rosace. 

Une seconde torsade circulaire garnit la partie inférieure de 
la paroi oblique. 

Plus haut, à l'angle que fait avec cette paroi le rebord ver- 
tical de la patère, court encore une autre torsade de o",4i34 
de circuit, et de même dessin que les précédentes, mais un peu 
moins large. 

Entre ces deux zones règne un intervalle dont la largeur, 
de o",375, représente la hauteur exacte des personnages et des 
objets qui constituent la scène principale. 

Celle-ci se compose de deux groupes de figures dont sept 
ont le visage tourné vers la droite et quatre regardent vers la 



IDALIE 87 

gauche. Entre ces deux groupes est un emblème qui paraît être 
une partie très importante du sujet et dont voici la descrip- 
tion : 

C'est, en premier lieu, une sorte de petite table dont le dessus 
est formé d'un plateau massif sur la tranche duquel se dessi- 
nent sept petits losanges. Ce plateau est supporté par les deux 
membres postérieurs d'un quadrupède, réunis, à la partie supé- 
rieure des cuisses, par des cannelures qui semblent un faisceau 
de cordelettes, et joints, au-dessus des deux talons (tournés en 
dehors), par une barre transversale. Celle-ci se relie aux can- 
nelures par un barreau de forme légèrement conique, la pointe 
en bas, et qui supporte le plateau. 

En second lieu, par-dessus le guéridon, est dressé sur sa 
partie convexe un croissant, entouré à son milieu de quatre 
cannelures verticales ; un double et un triple trait dessinent ses 
contours. Les pointes, qui semblent avoir été tronquées, sont 
tournées vers le haut. Dans la concavité figurent neuf petits 
polygones irréguliers, disposés en cône renversé, 4, 3 et 2. 

A côté de cet emblème, à droite (pour le spectateur), est une 
figure assise, vue de profil, et regardant vers la gauche. 

Les traits du visage sont, comme ceux des autres personnages 
du tableau, d'une exécution grossière et primitive. Ainsi le nez 
est informe, proéminent et anguleux, les narines saillantes, 
l'œil placé sur la joue et la bouche à peine indiquée. 

La coiffure consiste en un bonnet ou calotte hémisphérique, 
bien ajustée et à raies de grènetis ou de perles. Des ornements 
sont très vaguement indiques aux oreilles. La chevelure, toute 
féminine, se divise en deux mèches ou flottes, dont Tune, par- 
tant de la tempe, est rejetée derrière l'épaule; l'autre, partant 
de l'occiput, est ramenée en avant et tombe sur le haut de la 
poitrine. 

Le vêtement consiste en une robe finement ra3'ée et tombant 
un peu plus bas que la mi-jambe. 



f^^i CHYPRE 

Le bras droit, un pej élevé er tenJj en avant, montre un 
poignet orné d'un bracelet ou annille à triple tour. La main 
droite, où le pouce es: énorme et les doigts nettement marqués* 
est fermée et tient une grande fleur de lotus, dont la tige est 
très épaisse et dont la corolle touche le nez du personnage, qui 
parait flairer le calice. Le bras gauche, baissé et porté sur la 
cuisse, est tendu en avant. Au poignet, point de trace d'armille. 
La main, à demi fermée, tient un objet rond. 

La jambe qui s'avance vers la table porte, au-dessus de ia 
cheville, une armille dont Fautre jambe n'a que la trace. Les 
pieds paraissent nus. 

La chaise est basse. Le dossier, bombé et un peu renversé 
en arrière, est orné de guillochures à la partie en contact avec 
le dos du personnage, et il est aussi haut que la tète de celui-ci. 
Sous les guillochures sont quatre cannelures horizontales. Un 
barreau horizontal et trois verticaux consolident les pieds et le 
siège en les reliant entre eux. 

Immédiatement derrière la chaise viennent trois personnages 
debout, dans lattitude de la marche, tournés aussi vers la 
gauche et jouant de la double flûte Ç^vrj^^j d'une sorte de IjTC 
(WpT,) et du tympanon (Tjarxviov). 

La coiffure de la première figure est une sorte de tiare formée 
de cinq bandes verticales contenant chacune deux lentilles sail- 
lantes et superposées. La chevelure est arrangée de la même 
façon que celle de la personne assise. 

Les deux poignets sont ornés d armilles à triple tour. Les 
mains, dont les doigts sont nettement tracés, tiennent chacune 
un tuyau de la double flûte, dont les becs se réunissent aux 
lèvres du musicien. 

Le costume se compose d'un corsage finement rayé et dont 
les manches paraissent s'arrêter au coude. Une ceinture serre 
la taille. De la ceinture, un jupon descend, par derrière, pres- 
que jusqu'aux talons, et par devant seulement un peu plus bas 



I D A L I K f 9 

que la mi-jambe. Ce jupon est à fines raies ondées. Il est grand 
ouvert par devant et cette large échancrure laisse voir une jupe 
de dessous à raies droites. Au bas apparaît le bord inférieur 
d'un vêtement qui me semble être la chemise elle-même, dont 
le haut ne serait autre que le corsage précité. 

La cheville du pied tendu en avant porte une armille à 
triple tour. 

Le personnage qui vient ensuite est costumé et coiffé comme 
le précédent. Toutefois la tiare ne porte que quatre bandes 
verticales et huit lentilles, et le jupon de dessus n'est point 
ouvert. Il est orné de trois bandes séparées par un intervalle 
et composées chacune de quatre raies. Ces bandes viennent 
rejoindre la convexité d'un demi-cercle formé d'une triple 
raie et qui semble rattacher ses extrémités à la ceinture elle- 
même. Le bras gauche se voit seul. Il est tendu en avant. 
La main, grande ouverte et aux doigts bien marqués, est 
appliquée sur les cordes d'une l3Te de la bizarre forme que 
voici : 

Sur la convexité d'une sorte de bâton arqué et non loin de 
ses deux bouts (la concavité étant tournée vers la gauche), se 
rattachent les deux extrémités de la pièce principale. Celle-ci est 
d'abord, à sa partie supérieure, recourbée en forme de crochet 
qui, près de sa pointe, a le bâton pour tangente. Puis, descen- 
dant obliquement vers la droite, elle s'évase pour former une 
caisse d'harmonie d'un ovale allongé, et que le personnage 
tient appuyée contre sa poitrine. Coudée ensuite horizonta- 
lement, la caisse se termine à gauche en jambe, talon et patte 
de quadrupède, et vient se souder au bâton. De celui-ci, enfin, 
partent, obliquement et descendant de gauche à droite, sept 
cordes fixées à la table d'harmonie, mais dont les points d'at- 
tache sur celle-ci sont masqués par la main. 

Derrière ce musicien se voit un tronc ou colonne légèrement 
conique, et terminée en une fleur de lotus qui ne dépasse point 



90 CHYPRE 

la hauteur du sein des personnages. La base de la fleur et le 
milieu du fût sont ornés d'armilles à triple tour. 

Vient ensuite une figure dont la coiffure est pareille à celle 
de la précédente et le costume identique à celui de la première 
(flûtiste). La mèche postérieure de la chevelure est lice par une 
triple bandelette; de plus, des armilles serrent le haut des bras 
juste là où s'arrêtent les manches. Le bras droit soutient, à 
hauteur du visage, un tympanon à peu près rond que frappe 
la main gauche gantée d'une sorte de tampon allongé et pointu, 
cambré à son extrémité et bombé. De la ceinture, par derrière, 
tombe un petit appendice assez court. Le pied, porté en arrière, 
a la cheville ornée d'une armille. 

Ces trois instrumentistes me semblent, à juger d'après la 
chevelure et l'ensemble du costume, être des femmes. Ce qui 
du reste corrobore cette hypothèse, c'est que chez les autres 
personnages debout, et qui sont vêtus de même, le sexe féminin 
est affirmé par l'indication nette et saillante des deux seins sur 
la poitrine. 

L'accoutrement des sept femmes qui, comme je viens de le 
dire, composent le reste de la scène, est le même que celui des 
musiciennes. Une triple bandelette serre la mèche de cheveux^ 
qui descend de l'occiput sur le sein. Toutefois la mèche parié- 
tale tombe sur la joue au lieu d'être rejetée en arrière; aux bras 
sont des armilles, ainsi qu'aux poignets et aux chevilles. Les 
doigts des mains sont bien marqués. Les jupons sont tantôt 
ouverts et à raies ondées, tantôt fermés et à bandes. Ils alter- 
nent entre eux. 

A gauche de l'emblème, et tournée vers lui, est une figure 
dont la main droite est levée et tient à la hauteur du visage un 
objet triangulaire monté sur un long manche à bout arrondi. 
La main gauche, portée en avant, tient aussi par la hampe un 
objet en forme d'hameçon tourne la pointe en haut. Costume : 
jupon échancrc. 




IDALIE 91 

Derrière ce personnage est une table dont le dessus, plan 
convexe, porte, à ses extrémités et aux deux tiers de sa lon- 
gueur, des faisceaux de triples cannelures. Le côté bombé re- 
pose sur deux pieds tracés par une double raie et s^amincissant 
vers le bas. Ils sont unis par une barre horizontale que quatre 
barreaux verticaux relient au plateau. 

Sur celui-ci, et près des deux bouts, sont posés côte à côte 
deux vases dont les goulots portent, à Tévasement de leurs 
bords, des cannelures verticales. Le vase à gauche est une urne 
sans anses sur laquelle sont tracées, depuis l'orifice jusqu'aux 
deux tiers de la hauteur, quatre zones multiples de traits, égale- 
ment distantes les unes des autres; les trois dernières alternent 
avec des zigzags peu marqués. Le vase de droite est une lagène 
ou bardaque à col un peu allongé, ornée aussi, depuis le bord 
jusqu'aux deux tiers environ vers la base, de trois triples zones. 
Une anse, coudée presque à angle droit, s'attache sous les can- 
nelures, près de Torifice, et revient se fixer à la panse presque à 
mi-hauteur. Elle est tournée vers la figure précédente. 

En dernier lieu vient une file de six femmes qui semblent 
exécuter une danse. 

La première appuie sur le haut de la panse de l'urne sa main 
portée à hauteur du visage, et saisit de la droite, tendue en 
arrière, la main gauche de la personne suivante. Costume : 
jupon ouvert et à raies ondées comme celui des troisième et 
cinquième danseuses. 

La femme qui suit tend la main gauche vers la précédente et 
sa droite va saisir la gauche de la suivante, qui exécute le même 
mouvement. Costume : jupon fermé et à bandes comme celui 
des quatrième et sixième danseuses. 

Les tiares des n^s 2 et 3 ont cinq bandes au lieu de quatre. 

Enfin le n^ 6 se trouve dos à dos avec la tympaniste, et son 
bras droit retombe le long du corps. 

Ces six choristes sont comme séparées Tune de Tautrc par 



92 CHYPRE 

cinq piliers aussi hauts qu'elles-mêmes et pareils au premier 
décrit. Cependant les armilles qui les ornent sont quadruples 
au lieu d'être triples. 

Tel est Tensemble de cette curieuse scène, dont l'archéologue 
saisira de prime abord le sujet évidemment mystique et que 
je vais essayer d'expliquer. 

g 3. — EXPLICATION DE LA PATÈRE. 

I. Le personnage principal est sans aucun doute celui qui, 
devant la table emblématique, occupe un siège semblable au 
solium royal représenté dans le Virgile du Vatican et attribué 
à Latinus. Ce siège est, en outre, conforme à la description que 
Servius Honoratus, dans son commentaire sur Virgile ', fait du 
trône réservé aux dieux et aux rois. 

La chevelure du personnage, pareille à celle des musiciennes 
et analogue à celle des danseuses, fait supposer une femme. 

La figure assise est donc une déesse ou une reine. Mais 
Chypre, le vallon sacré d'Idalie, la découverte de la patère à 
proximité d'un temple, tendent à faire prévaloir dans mes 
conjectures l'idée religieuse. Je suppose donc une déesse. 

La main droite tient le lotus, fleur d'Egypte, attribut d'Isîs; 
dans la main gauche est un objet rond que je pense être un 
fruit, également égyptien, et consacré à la même déesse. Ce 
fruit, Plutarque nous le fait connaître' : <c Parmi les végétaux 
d'Egypte consacrés surtout à la déesse, se trouve, dit-on, la 
pêche (t*>,v T^epcaav), parce que son fruit est la figure du cœur 
et sa feuille l'image de la langue^. » 



1. ^n,, lib. I, V. 5o6. 

2. Plut., de Iside et Osiride, c. lxviii. 

3. Les Grecs ont fait de celte pêche une pomme qu'ils attribuaient à Venus. 
CVst clTectivemcnt une pomme que les statuettes grecques des Salines tiennent 
à la main. 




1 D A L I E 93 

Enfin la tunique talaire, vêtement des divinités chastes, est 
également celui d'Isis. 

Je conclus de tout cela que la figure assise est Isis elle-même. 

Les Ég}^ptiens avaient fait de cette grande divinité Tincar- 
nation de l'élément humide et par suite de la terre elle-même», 
fécondée par Tinondation. Isis, pour eux, c'est tout d'abord le 
Delta, fils du fleuve, et en quelque sorte sorti de son sein, 
comme la fleur de lotus qui monte à la surface de Teau pour 
recevoir les baisers du soleil. C'est l'Egypte elle-même, mère 
sous le contact et, pour ainsi dire, sous la caresse du Nil. C'est 
ce caractère particulier et primordial de fécondation et de pro- 
duction que symbolisent la fleur et le fruit donnés ici comme 
seuls attributs à la figure assise. 

L'absence d'Horus, de la tête -cornue de la vache, du globe, 
des ailes de vautour, du voile, du sceptre, s'explique alors d'au- 
tant plus facilement que nous avons affaire ici avec un des rôles 
nombreux et variés que jouait Isis dans la philosophie théogo- 
nique de l'Egypte. Même la divinité, pour chacun d'eux, rece- 
vait un nom spécial : « Isis, dit Plutarque^, est appelée tantôt 
Mouth, tantôt Athyri, tantôt Methyer. Par le premier de ces 
noms on entend la mère^ par le second on entend Vliabita- 
tion d'Horus ici-bas (Platon le traduit également par lieu 
de naissance^ réceptacle). Enfin le troisième nom signifie 
plénitude tt cause. Multiple en effet est la matière du monde; 
et c'est parle bien, le pur, l'irréprochable qu'elle subsiste. » 

Chypre ne reçut pas directement des Égyptiens, peuple très 
peu navigateur, le mythe isiaque. Il lui vint par Péluse et 
risthme, mais modifié. L'histoire de cet exode se retrouve dans 
les auteurs. Plutarque dit^ : « On dit qu'Isis, éclairée comme 

1. Plut., de Iside et Osiridc, c. xxxix : olU^eï;... Boûv yàp 'Icioo; eixova yalTIIN 

2. Plut., de Iside et Osiridc, c. lvi. 

3. Plut., de Iside et Osivide^ c. xv. 



94 CHYPRE 

par une prescience divine, s'en fut à Byblos..., pressée, elle 
y arriva tout droit..., elle y fut accueillie, et la reine, Tayant 
faite une de ses familières, la chargea de nourrir son enfant... 
Malkandre est, dit-on, le nom du roi (de Byblos); les uns 
nomment la reine Astarté, les autres Saosîs', d'autres Ne- 
manoun. » 

Isis se fait connaître. Elle raconte son histoire, manifeste sa 
douleur en recouvrant le cercueil de son époux Osiris (Adonai), 
et bientôt le roi et la reine de Byblos lui élèvent un temple*. 

Mais le rôle sidéral de la déesse^, plus conforme à des croyan- 
ces d'origine orientale, prédomina dans le culte établi en Phé- 
nicie. En conséquence, l'appellation ég}'^ptienne de Tépouse 
d'Osiris disparut, et il lui fut substitué le nom astronomique 
d' Astarté porté par la reine initiatrice. Astarté donc c'est Isîs. 
Comme celle-ci, elle resta inséparable de son époux, et eut la 
même odyssée de douleur^. 

La nouvelle religion se répandit bientôt de Byblos vers le 
nord, sur le littoral, jusqu'à Aradus; vers le nord-est, dans la 
Syrie des Rivières 5; à l'est, en Palestine et au-delà du Jour- 
dain^; au sud, jusqu'au-delà d'Ascalon. Plus tard, à Bambyce 
ou Hiérapolis7, Astarté eut, sous le nom de Dercéto (voyez plus 

1. Saosis est le féminin de Saos^ premier législateur de Samothrace, qui con- 
duisit dans cette île une colonie asiatique. Ce nom de Saos est probablement 
d^origine assyrienne, car on le retrouve dans le nom du roi Saosducheus, succes- 
seur d*Assarhaddon (668 av. J.-C.). Cependant, d'après le passage ci-dessus, il 
estaus5i phénicien. Saos fut vraisemblablement un de ces navigateurs syriens, 
sidoniens ou giblites, qui, selon la coutume de ses compatriotes, cherchait à rat- 
tacher les nouvelles colonies à la métropole par des liens religieux autant que 
commerciaux* 

2. Plut., </<? Jside et Osiride, c. xvi : xa» vûv Iti af6£<j6ai BuÔXCou; xo Çv).ov èv tep^ 
xeî(uvov Icriûé;. 

3. Plut., de Jside et Osiride, c. lu. Isis, dit-on, n'est point autre que la lune. — 
Luc, de De a Syria, c. iv. "A<jTâpTr,v ô' lyta tométa IsXrjvaîrjV Spifxevat. 

4. Cic, de Natura deorum, lib. III, c. xxii. 

5. Luc, passim. V. Hierapolis. 

C. Menandr. Ephes. ap. Joseph., Ant. jud.; Luc, de Dca Syria, c. iv. 
7. \A\c.f passim. V. Hierapolis. 




IDA LIE 95 

loin), un sanctuaire célèbre; et près de Tripoli de Phénicie on 
lui avait consacré un étang encore vénéré aujourd'hui. Cest 
avec une tête de taureau ' que la déesse était adorée dans le 
Chanaan'. La capitale de la Batanée, ou pays de Basan (con- 
trée transjordanienne), fut nommée, en Thonneur de la déesse, 
Astaroth Carnaïm (Astarté aux deux cornes 3). Sidon lui dédia 
un sanctuaire magnifique au dire de Lucien 4, et Tyr aurait été 
son berceau d'après Cicéron^ : « La quatrième (Vénus) est 
syrienne. Elle prit naissance à Tyr et s'appelle Astarté. Elle 
épousa Adonis, à ce qu'on dit. » 

A Ascalon, le culte d' Astarté donna lieu à une nouvelle 
légende qui le transforma et même changea le nom de la déesse. 
D'après Ctésias^, Dercéto, moitié femme, moitié poisson, 
déesse-reine d' Ascalon, reçut fort mal Astarté, que l'histoire 
appelle ici d'un autre nom (Aphrodite 7). Celle-ci s'en vengea 
en inspirant à la reine une passion violente pour un jeune prêtre 
qui la rendit mère d'une fille, Sémiramis®. Dercéto, honteuse, 
exposa cette fille dans le désert, tua son amant et se jeta dans 
le lac d'Ascalon, où elle devint tout à fait poisson. Sémiramis, 
nourrie par des colombes et élevée par Simmas, pâtre de Ninus, 
roi de Ninive, devint enfin reine d'Assyrie et dédia un temple 
à sa mère9. 

1. Philon de Byblos. Fragm., c. xxiv. 'Aarâfrnri os fj (isYtani,.. éiccOriXE t^ î6(a xe- 
ça).^ Pa9t).eCac napàor,(iov xeça).fjV xotOpou... 

2. Tobie, ch. 1, verset 5. Trad. des Septante. 

3. Genèse, ch. xiv, verset 5.\ 

Deutéron.y ch. i, verset 4. ? Traduct. des Septante. 
Josuéy ch. X, verset 10. ' 

4. Luc, de Dea Syria^ c. iv. 

5. Cic, de Natura deorum, lib. III, c. xxiii. 

C. Fragm., de Rébus Assyr,^ ap. Diod. Sic, I. II, c iv. 

7. Tifiv Si 'Ao-câpTY.v 4>oivixe; TT.v *A^ç»olivry e ivat ).éYouat. Philon de Byblos, Fragm., 
ch. XXIV. 

8. £s(jl{^(jli; Gvyair.p |JLèv w; çy,«Te Ktr.cîaç A£pxEToû; ty,; Iup(o; Oeoû. (Anonymus, 
Tract, de mulieribus qtice bello clanicnntt, c i .) 

9. Diod. Sicuî., lib. H, c. ir. 



</i CHYPRE 

Je pense qu'il est possible de distinguer, dans tout ce récit, 
la vérité de la fiction. Je vois, dans la légende, la lutte d'un 
culte national ascalonite, probablement d'origine assyrienne ■, 
contre une importation religieuse phénicienne (comme nous 
le verrons plus loin . qui finalement reste victorieuse. Cette 
scission se trouve alors momentanément parachevée par la 
réabsorption du culte de Dercéto dans le culte d'Oannès, ce 
que me paraît signifier la transformation complète de la déesse 
en poisson. Les colombes qui nourrissent Sémiramis rappel- 
lent la métamorphose d'Isis en cet oiseau alors que, à la cour 
de Byblos, elle voltigeait au-dessus de son nourrisson en le 
purifiant au feu. En outre le nom du berger Simmas^, le nom 
même qu'il donna à Tenfant^, tout cela me semble vouloir dire 
que la fille de Dercéto, après son abandon, fut, comme Tenfant 
d'Astarté, la protégée d'Isis et élevée dans le culte giblite. Le 
premier usage qu'elle fit de son pouvoir de reine fut de con- 
cilier, à Ascalon, et ses croyances personnelles et la vénération 
qu'elle devait à sa mère. Alors elle opéra la fusion de ces deux 
personnalités ennemies, Astarté et Dercéto, en une seule, à 
laquelle même (comme fit jadis en pareil cas la reine de Byblos) 
elle aurait donné son propre nom^*^. 



1. Cf. l'analogie de D^rccto avec le dieu-poisson ninivite Oannés. Ninus^ en- 
voyant paître SCS troupeaux aux environs d'Ascalon, avait vraisemblablement la 
suzeraineté dé cette ville. Ascalon était un port fortifié sur la Méditerranée^ dont 
la possession, menaçant les côtes d'Egypte et de Syrie, était très importante pour 
les rois assyriens, et où nous voyons Sémiramis, comme reine et successeur de 
sa mère^ élever des édifices. 

2. Simma veut dire en syriaque colombe, 

3. « Le nom de Sémiramis, en dialecte syrien, tire sa signification des colom- 
bes, que, depuis lors, tous les Syriens honorent comme des déesses, f (Ctésias, 
Fragm., liv. I, ch. v, éd. Didot.) — Cf. le mémoire de M. Ch. Luzzato sur le dieu 
assyrien Sémiramis (Journal asiatique, avril-mai i85i). D'après ce savant, Sé- 
miramis (du radical sanscrit Smjr) signifie celui qui aime. Je pense que c'était 
là l'appel lation épithétique de la colombe. 

.j. Cf. le mémoire précité de M. Luzzato. — Pausanias (liv. I, ch.xiv)ditde la 
Vénus cclcstc quj les Assyriens sont les premiers qui l'adorèrent, ce qui prouve 



I D A L I E 97 

Celui de Dercéto toutefois ne disparut pas complètement. 
On le conserva encore à la nouvelle déité, confondue, dans Tan- 
tiquité, avec les déesses similaires des autres pays d'Orient, 
comme l'indique ce passage de Strabon ^ : « Les altérations ono- 
mastîques sont nombreuses surtout pour les noms barbares ; 
ainsi Dariécé est appelée Daréion ; Pharsiris, Parysatis ; 
Artagata*, Athara^, que Ctésias appelle Dercéto.» Le culte 
de Dercéto se propagea et fut porté jusqu'à Hiérapolis. Cette 
ville, tout particulièrement, revendiqua pour elle-même l'ori- 
gine de la déesse ; et du lac de Bambyce, tout voisin, elle fit le 
théâtre du suicide de la reine 

Cependant cette origine aquatique valut bientôt à la nou- 
velle divinité le surnom d'Aphrodite (de açpoç, écume des flots). 
Le caractère dercétique de déesse anadyomène se confondit en 
elle avec les attributs célestes d'Astarté; elle fut dès lors con- 
sidérée comme une déité polythée, à qui les divers rôles sous 
lesquels on l'envisageait firent donner autant d'cpithètes insé- 
parables de son nom. Les deux principales appellations de 
Pandémie et d'Uranie devinrent les plus célèbres et les plus 
répandues d'Aphrodite, et constituèrent une division réelle de 
cette déesse en deux personnalités très distinctes et presque en 



que Sémiramis répandit ce culte dans ses États. Mais il se trompe en disant les 
premiers, puisque les Phéniciens les précédèrent dans Tadoption du culte d'As- 
tarté^ venu d'Egypte. (Voir plus haut.) Des rapprochements et assimilations 
faites après coup de divinités ayant des attributs communs ont pu lui faire sup- 
poser qu*un même culte avait été propagé et avait amené des variations onomasti- 
ques pour une seule et même divinité (Astarté, Amone, Athor, Dercéto, Uranie, 
Mylita, Alilat, Alitta, Mithra, Atargatis, Anaïlis, etc.). Je pense que la corruption 
d^une déesse sidérale a pu exister chez des peuples très différents et spontané- 
ment; que la Mylitta assyrienne, l'Isis-Athor égyptienne, l'Anaïtis cappadocienne 
et arménienne peuvent très bien être nées séparément, et n'avoir été confondues 
que plus tard et rangées chronologiquement d'après des traditions incer- 
taines. 

1. Strab., Géogr.y liv. XVI. 

2. Atargatis, Addirgada. 

3. Athor, Athyri, Mcthyer. Cit. plus haut. 



aTitasonîsrne l'ar.e avec L'autre '. La fi*ioci opérée par Sànîni- 
irJ^ entre les ie'ja: cultes isi—o-asralcîiire Dercâo « phénî- 
den A^Lirté) ne tut qu'un expédient pour masquicr li défaite 
du premier scils une ccdciliutîon apparente, cir II ressort d'un 
passage d'Hérodote- qu'en enet le canctère astrocomique de 
TAstarté d^ Phéniciens prédomina a Ascaloa- dans TAphro- 
dite Uranie nlle d'Uranus ou La céleste}, demeurée la patronne 
dénnitive^ la grande divinité nationale de la ville : « Les 

Scythes.... dit Hérodote, vinrent à Ascaicn. ville de Syrie 

Ils y laissèrent quelques-uns des leurs qui dépouillèrent le 
sanctuaire d'Aphrodite Uranie. Ce temple est* à mon avis^ 
le plus ancien de tous ceux qu'on éleva à cette divinité. » Des 
colons ascalonitcs, conduits par GnvTas, apportèrent à Paphos 
de Chv'pre la religion d'Aphrodite Uranie, « car, continue 
Hérodote*, le temple qui est à Chypre vient de là d*AscaIon}« 
de l'aveu même des Ch\-priotes. a CinvTas greffa probable- 
ment ce nouveau culte sur celui d'une divinité du lieu à 
qui Aérias, son premier importateur, avait même donné son 
nom 5. 

De Paphos, la religion de la déesse ascalonite se répandit 
dans tout le pays; l'histoire et les dernières découvertes en font 
foi. Mais, en se propageant dans l'île, le caractère tout matériel 
de Pandémie tendit de plus en plus à effacer celui d'Uranie, 
plus philosophique, plus scientifique et moins à la portée intel- 
leauelle d'une société au berceau. 

Pareil fait, du reste, avait eu lieu en Phénicie. Effectivement, 

1. Xénophoo, Convivium, c. viii, 6. —Platon Convivittmy c. wa] Ta même ]vsr 
qu'à leur assigner une filiation différente. Cf. Plovn^ EmxéadeSt liv. \% ch. lu 

2. Hérod., liv. I, ch. cv. 

3. ff Les Phéniciens qui possèdent la ville d'Ascal on en Palestine. > Paus.,IÎT. I, 

ch. XIV. 

4. Hérod., liv. I, ch. cv. 

3. Tac, Hist., lib. Il, c. 1, m, n*. — D'après un passage de Lucien {de Dea Sy- 
ria c. iz), un temple aurait été fondé aussi dans le Liban, à un jour de marche 
de Byblos, par le même Cinyras. 




IDA LIE • iv) 

ridée abstraite d'Aphrodite, fille du ciel, symbolisaiion de la 
puissance productrice née du chaos, devait nécessairement, 
quand elle fut présentée à une plèbe grossière, mercantile et 
positive, être dénaturée par celle-ci et appliquée à un ordre de 
choses plus compréhensible pour elle. Reportée en effet sur le 
monde organique, l'idée de production, de fécondité, devait 
engendrer fatalement une déesse erotique. Il résulte de tout 
cela que l'Aphrodite Uranie a dû précéder l'Aphrodite Pan- 
démie, celle-ci étant la dégénérescence en quelque sorte de 
celle-là. 

De sa communauté d'origine avec Uranie, Pandémie con- 
serva comme principal attribut le croissant, et les monuments 
peuvent nous donner une idée de la figure sous laquelle on 
adorait Aphrodite en Chypre et telle que peuple et paj'sans la 
comprenaient en Phénicie. Creuzer» donne à la planche LVI b:s 
de son ouvrage la reproduction de deux idoles de bronze d'ori- 
gine phénicienne. L'une fig. 2 1 3; représente une femme avec 
le lotus (attribut isiaque] sur la tète; un croissant traverse le 
dos et ses pointes font saillie à gauche et à droite près des 
épaules; sur la poitrine, une mamelle unique; six grains sont 
fixés sur la gaine qui termine le corps. L'autre statuette (fig. 
21 5) représente une femme avec le croissant formant cornes 
sur la tête (cf. la coiffure d'Isis). Elle tire la langue; sur la 
poitrine, trois mamelles. Le corps se termine en gaine ornée 
de dix lentilles en applique sur la base et quatre croissants 
en semis. Ces deux figures sont d'un travail extrêmement gros- 
sier. Enfin, surles médailles chypriotes, le simulacre place dans 
le temple de Paphos est un cône flanqué à droite et à gauche 
du soleil et de la lune sous forme de croissant, et accompa- 
gne d'étoiles, des colombes de Sémiramis et d'Astarté, et des 
poissons de Dercéto-. 

1. Religions de ^antiquité, etc., trad. Guigniaut, t. IV, planches. 

2. Tac, Hist.f lib. H, c. ni. 



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) J«viît'A^t;i;t<: de Byblos, et telle qu'elle est représentée sur des 
p'i*:frf:^ f^tavic^ ^juthentiquement phéniciennes. 

t. SS^*>,'Ssf S\t, III, k\\. VIII, 

^ 1,41 «l'/fniiffiO'/ii i^gypticnric établie dans Pile sous Amasis contribua aussi à 
MiMMdi'x)! \v /.iilf<; (fiint *3 forrnc Uiaque primitive. 



IDALIE loi 

Comme on le voit« la déesse figurant sur ce petit monument 
que j'ai remarqué à Beyrouth, dans la collection Péretié, est 
tout à fait pareille à la divinité de la patère. 

La tunique talaire de la chaste Isis est donnée ici à Uranie 
conmie signe de pureté et indice de Tidée toute métaphysique 
que représente la déesse, en tant qu'opposée à Timpure Pandé- 
mie, car : « L'Aphrodite Pandémie, dit Himérius', n'a rien de 
commun avec Uranie. La première, en effet, est, par sa nature 
même, profane, impure, et engendre les désirs; de l'autre, au 
contraire, naissent des enfants entourés comme d'une auréole; 
leurs flèches sont d'or et ne s'adressent qu'aux âmes jeunes 
et sans tache. » Plotin dit encore » : « D'un côté Aphrodite 
Uranie, de l'autre Pandémie dite la souillée (éTaipicOcica, adulte- 
rata\ » Pausanias est encore plus explicite^ : « Urania punim 
significans et corporum cupiditate vacantem amorem; Popu- 
laris ob venerios congressus-*. » 

Les raies fines de la robe pourraient bien représenter le 
ciel. 

Quant au chaperon dont est coiffée Astarté, il est orné de raies 
qui me semblent faites de grènetis ou de perles qui, peut-être, 
représentent des étoiles. 

Les cheveux épars rappellent la douleur d'Isis lorsqu'elle fut 
en présence du cercueil de son époux, à Byblos. 

Les bracelets qui ornent les chevilles et peut-être aussi les 
bras de la déesse, sont une importation irano-chaldéenne 5. Ils 
ont peut-être ici une signification astronomique, et symbolise- 
raient alors les cercles dont les anciens entouraient la sphère cé- 
leste (voyez une représentation d'un globe constellé et armillé, 



1. Hi mer., fc/o^., i8, 3. 

2. Plot., Ennéad,, liv. IX, ch. ix. 

3. Paus., liv. IX, ch. xvi. 

4* Cf. Cic, de Satur. deor,, lib. III, c. xxiii; Plat., Conyi'y., c. viii. 

3. Claud. Quadrig. ap. Aul. Gell., lib. IX, xiii, 2; Suet , AVro, c. xxxvi. 



102 CHYPRE 

placé sur les épaules d'Atlas et reproduit dans Rich, p. 684, 
première colonne). On a trouvé souvent de ces armîUes dans les 
fouilles de ces dernières années. Ce sont des spirales d'or (rares) 
ou de bronze, à triple tour et assez flexibles pour qu'elles pus- 
sent s'élargir quand on les introduisait et céder sous les contrac- 
tions des muscles. Ces bracelets sont nommés en grec cçr/XTrlp 
et en latin spiftiherK Ils étaient usités à peu près partout dans 
l'antiquité. 

La déesse porte, ici, sur elle-même, les attributs isiaques, le 
lotus et le fruit. 

Quant aux attributs uranicns, ils ont du, logiquement, et en 
conséquence d'un respect absolu de la tradition, être, sur la pa- 
tère, seulement juxtaposés à la déesse, puisque ce ne fut que 
postérieurement qu'Isis fut comprise sous le rôle qui lui valut 
son nom astronomique. Ces attributs ne peuvent être autres que 
les éléments constitutifs du mystique emblème posé sur la table 
devant l'image sacrée. Voyons si l'hypothèse est exacte. 

Nous avons vu qu'Isis n'apparut en Phénicic que pour in- 
carner ses attributs astronomiques dans la personnalité d'As- 
tarte et retourner ensuite en Egypte. Astarté devint à Ascalon, 
comme je l'ai dit, Aphrodite Uranie, à qui l'on dévolut l'anté- 
riorité sur toutes les autres Aphrodites et surtout sur Pandémie 
(celle-ci n'étant que la dégénérescence de celle-là). Platon est ex- 
plicite sur ce sujet 2 : « L'une, la plus ancienne^ et qui n'a point 
eu de mère, est fille d'Uranus et nous la nommons à cause de 
cela Uranie; l'autre, la plus récente, est fille de Zeus et de Diane 
et nous l'appelons Pandémos^. » Hésiode, enfin, raconte com- 
ment Uranie naquit d'Uranus '♦^. 



1. Plaute, Ménechmes, acte III, se. m, v. 5o8. Cf. Festus et Isidore, Or/g^., XIX, 

XXXI, 16. 

2. Plat., Convivium, c. viii. 

3. Cf. Plotin, Ennàad.f liv. V, ch. 11. 

4. Hésiode, Théog.^vcrs iSS-igo. 




IDALIE io3 

Maintenant, qu'était au juste cette divinité primordiale qu'on 
nommait Uranus? Au dire de Sénèque, c'était cette partie du 
ciel qui contenait les planètes : « Tout ce ciel est limité par 
Téther igné, partie la plus élevée du monde '. ^ Macrobe expose 
avec clarté ^ le système cosmogonique des anciens et quel rôle y 
était dévolu à Uranus. Il dit d'abord ^ : « Scipion fut ramené 
vers les choses supérieures par un nouvel avertissement de son 
aïeul qui lui démontra en ces termes la coordination des sphères 
depuis l'origine du ciel : Pour toi tout se résume en neuf cercles 
ou plutôt en neuf globes dont l'un, le céleste et le plus lointain, 
celui qui enveloppe tout le reste, est le grand dieu lui-même qui 
dirige et contient tous les autres. A ce ciel sont attachées les 
étoiles fixes qu'il entraîne avec lui dans son éternelle révolu- 
tion. » Le passage suivant confirme en la précisant la citation 
qui précède ^ : « Le système du monde comprend neuf sphères ; 
la première, où sont fixées les étoiles (les étoiles fixes ?), est le 
ciel proprement dit [summiis ipse deiis du passage précédent), 
liant et englobant les autres sphères et tournant d'orient en 
occident. Les sept globes au-dessous, que nous qualifions de 



1. Sen.^ Natur,quœst,f lib. VI^ c. xvi. Cf. Aristot., Tcepl xodfiotf, c. ii. 

2. Les explications de Macrobe touchant le symbolisme mythologique méri- 
tent d^autant pi us de confiance que Tauteurétait lui-même un païen éclairé et con- 
vaincu. La foi païenne, à Pépoque où il vivait (fin du iv* siècle ap. J.-C.), n^a- 
vait pu devenir en lui, comme jadis en Julien, une conviction réelle qu'autant 
qu^elIe recevait, dans sa pensée, sa véritable interprétation, c Quand il eut cessé 
de parler, » dit-il dans ses Saturnales (liv. I, ch. xvii) en parlant de Prétextât, 
c tous les assistants, les yeux levés sur lui, manifestaient leur admiration par leur 
silence. Ensuite on commença à louer l'un sa mémoire, Tautre sa doctrine, tous 
SI religion, assurant qu'il était le seul qui connût bien le secret de la nature des 
dieux f que lui seul avait V intelligence pour comprendre les choses divines et pour 
en parler, • (Trad. Mahul.) A cette époque, un lettré, comprenant la poétique 
splendeur du paganisme, l'originalité de ses allégories, ses symboles pittores- 
ques voilant des vérités scientifiques et aussi anciens qu^ lui, le penseur en un 
mot, devait, comme Macrobe, rester païen. 

3. Macrobe, Commentarius ex Cic. in Somnium Scipionis, lib, I, c. xvij. 

4. Macrobe, Comm, in Somn, Scip., lib. H, c. iv. 



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Mars, it .V..Vli. Vér.--. Mtrr-rt e: li L--e. Q-j:::: ^ li rerre, 

Idutcu; *:;^ f,! -r-> C7.pi:c::e er.core dans cène phrase: - Parmi 
les neuf ^j'/ri'jrc;. ics s^pt errantes rep rtsenienî les pldnèies. » 

Ce» v^j4 [;i;jrjéte-, v^nt rcprisentées ici par les sept losanges 
graves Mjr le pl-jtea'j de la table. 

Pour ce ^jui e>l des pieds de ce meuble, ils simulent ceux d'un 

I. f,«j' ,, //^ /V4 Syria, c. iv ; l'î-Jt., </^ IsiJe et OsiriJe, c. lu. 

'X, M»' r'/'.'î, (,omnis m Somn, Scip., lib. Il, c. i:r. 

'i, îi f't% 'rrfttu% )>.\t>:\\\':uv:,ri\ s:iT nombre d; monuments êgj-pticns Tpé ou 
Atlioi, in- ;Mri.iir/ri 'I';* ;iMf ihuis cilcstes d'Isis, en un mot l'Astarté de PÉgypte, 
fifjtjK I n'/'i»; i'ft\u': 'lu ri': \':\î\\n: et, comme ciel, entourer de son corps, déme- 
iiur<':in< ii« »li'»ii|/'', '•: lyt";!»'; »htronomi(|(Jc tout entier. (Voy. les ouvrages de la 
(^iiiiiiM iftl'/ii «IJ \',)y^"f ^Juimj'ollion, I.cpsius, Kosellini, etc.) 

/\. Mil' !'»)'<, C.nmm, tu Snmn, Scip., lib. I, c. xvii. 

'). (). MiiiMliim, /'r/r'm., lil). I| V. Hii. 

/.. M II i'iIm*, ^'om//i. /;i Stmvh Scip.f lib. II, c. m. 




iDALIE io5 

quadrupède que je suppose être la vache, animal consacré à 
Isis ' et aussi à Vénus céleste '. 

De tout ceci il faut conclure, en faveur de Thypothèse émise 
plus haut, que Temblème tout entier est ici le signe capital du 
rôle astronomique attribué à la déesse assise et inséparable 
d'avec elle. 

Les neuf sphères furent incarnées dans neuf personnalités 
dont la première conception provient, selon toute vraisemblance, 
directement d'une tradition ég}'ptienne, arrangée plus tard par 
les Grecs et qu'on retrouve dans Diodore^, 

Si Ton juge d'après la tradition, ces déités sidérales auraient 
pris naissance ou auraient été importées en Asie Mineure (car 
c'est de là que les Âloîdes en apportèrent trois en Béotie) sous le 
nom de Muses, où elles faisaient, je pense, partie [du culte d'A- 
naitis, TAstarté anatolienne, d'origine orientale. 

En tant que sphères, les Muses renfermaient l'harmonie 
même produite par celles-ci : « Ils savent bien, dit Macrobe% 
que les Muses sont le chant du monde, ceux qui les ont appe- 
lées Camenas^ comme qui dirait Canenas, de canere (chan- 
ter). » « Huit sphères se meuvent, dit encore le même auteur^, 
mais sept seulement représentent autant de sons qui, en vertu 
de la vitesse, font une consonance. » Chalcidius est plus ex- 
plicite encore^ : « Dans le monde sont sept planètes distantes 

1. Hérodote, liv. II, ch. xli. D'après cet historien, on ne pouvait tuer les gé- 
nisses, consacrées à la déesse. On sacrifiait des bœufs à la place (liv. II, ch. xl). 

2. Il faudra, dit Lucien (liv. LXVII, DeL, 7), c immoler à Vénus populaire une 
chèvre blanche; mais à la Céleste, qui est dans les jardins, une génisse, > Cest le 
contraire de l'assertion d'Hérodote. 

3. Diod., liv. I, ch. xviii : oià xai itepiaYe^Oau icXt|9o< (jlou^ov^ûv, ht oU mipOévovc trdoL 
SuvoqjLSvx; ^Ssiv xal xarx xà ôXXa iceicatS£U{tévai; ta; tcaipà toî; 'ËXXTiatv 6vo(iaCo{iivflic Mov- 
ooc. c Aussi emmenait-il (Osiris) avec lui une troupe de musiciens dans laquelle 
se trouvaient neuf vierges savantes dans l'art du chant et instruites en d^autres 
choses. Les Grecs les nomment Muses. > 

4. Macrobe, Comm. in Somn. Scip., lib. II, c. m. 

5. Id., ib., lib. II, c. IV. 

6. Chalcidius, Comment, in Timœum Platonis, c. xxxvii. 



\/j CHYPRE 

entre elles d'une tonalité musicale, comme l'atteste Platon 
lui-même. » « Les théologiens, dit encore Macrobe ", font 
émaner des huit sphères des sons musicaux, et de ceux-ci un 
seul accord. » D'après Platon enfin, de cet accord naquit 
l'harmonie : « L'unité, dit-iP,en s'opposant à elle-même pro- 
duit l'accord, par exemple l'harmonie d'un arc ou d'une lyre. 
Il est absurde que l'harmonie soit une opposition ou résulte de 
choses opposées. Mais, apparemment, Heraclite entendait que 
c'est de choses d'abord opposées, comme le grave et Taigu, et en- 
suite mises d'accord, que la musique tire l'harmonie. L'oppo- 
sition, tant qu'elle ne s'est pas résolue en accord, ne peut donc 
produire Tharmonic. L'accord en tout cela, c'est la musique ^. » 

Les planètes comparées chacune à une note et séparées entre 
elles par des espaces proportionnels aux intervalles musicaux,' 
leur révolution dans un ordre parfait sous la voûte qu'Uranus, 
cette autre sphère, roulait au-dessus d'eux, telle est donc la 
source de l'harmonie céleste et l'origine sidérale de la musique. 

Ce chant de l'univers •^, des astres en un mot, fut, à l'origine, 
exprimé par les premiers éléments constitutifs de la musique : 
la voix, les instruments à vent et les instruments à cordes, re- 
présentés par le tympanon, la flûte et la lyre. Ces trois instru- 
ments furent mis entre les mains de trois Muses qui symbolisè- 
rent dès lors, à elles trois, l'harmonie en général. Comme telles, 
elles furent considérées à part de leurs compagnes, et ce sont 
celles-là qui tout d'abord furent apportées d'Anatolie sur THé- 
licon en Béotie^. 



1. Macr.y Comm. inSomn, Scip», lib. II, c. m. 

2. Plat., Convivium, c. xii. Trad. V. Cousin. 

3. Cf. Pseudo-Plutarchi De vita et poesi Homeri, c. eu; cf. Nonnus, Dionys.y 
c. xLii, V. 410. 

4. Macr., Comm, in Somn, Scip.i lib. II, c. m, cité plus haut. Cette inter\'entîon 
des lois de Tacoustique en astronomie est basée sur des calculs scientifiques 
qu'il faut peut-être rapporter aux Chaldéens. 

5. D'après les Grecs, il n'y aurait eu primitivement que trois Muscs apportées 



I D A L I E 107 

Sur la patère, les déesses de Tharmonie, correspondant aux 
déités des Aloïdes, sont représentées toutes les trois avec des 
instruments de musique derrière le trône d'Astarté; tournées 
vers elle, elles exécutent le concert obligé de toute cérémonie 
religieuse : « Aussi, dit Macrobe ', les théologiens admettant le 
chant céleste ont introduit dans les sacrifices les sons musi- 
caux, qui, chez les uns, étaient produits par la lyre ou la 
cithare, chez les autres par des flûtes ou d'autres instruments 
de musique. » La double flûte, la lyre et le tympanon se 
retrouvent tous trois dans Tantiquité égyptienne comme la fable 
elle-même. 

La lyre est ici d'une forme particulière et ne ressemble point 
à l'instrument grec de ce nom. Le bâton recourbé figure, selon 
moi, le croissant ; le crochet qui forme l'extrémité de la caisse 
d'harmonie rappelle la harpe qui mutila Saturne et fit ainsi 
naître Aphrodite, et la jambe de quadrupède est peut-être celle 
de la vache isiaque. Les sept cordes correspondent aux sept pla- 
nètes, les sept notes du concert céleste. Cet instrument se rap- 
proche beaucoup de celui que décrit Athénée comme étant d'o- 
rigine phénicienne ^. Josèphe ^ le nomme vàê>.ai, en latin naulia 
ou nablium (cf. nebel des Psaumes) ; on en jouait, comme sem- 



parles Aloîdes. Mais si l^on réfléchit à Torigine astronomique de ces trois mu- 
siciennes^ et au nombre de neuf auquel ces dcitcs furent portées plus tard, on se 
demande si les Aloîdes ne se sont pas contentés de faire connaître seulement aux 
Grecs le côté harmonique des Muses, reporté dans le domaine intellectuel, et 
n*ont pas, pour ainsi dire, tronqué le mythe primordial en laissant de côté les 
six autres Mus€s dont le rôle, tout sidéral comme on le verra plus loin, ne ca- 
drait point avec Tidée des premiers importateurs. Plus tard seulement, et pour 
compléter en quelque sorte l'emblématique spirituelle des Muses, les Grecs firent 
représenter, par les six oubliées, l'épopée, l'histoire, la comédie et la tragédie, 
la poésie erotique et Tode, qui ne sont que les diverses formes du récit versifié, 
lui-même synthèse de la cadence, de la mémoire et de la méditation (àoiSiQ, pi^firi, 
|uX(Tn) que désignaient les trois premières Muscs. (Paus.^ liv. IX, ch. xxix.) 

1. Macrobe, Comm, in Somn. Scip,, lib. II, c. m. 

2. Athcn.t Deipnos., lib. IV, c. lxxvii. 

3. Joseph., Ant.jud.f lib. VII, c. xii; lib. VIll, c. m (vâ6).ai îalxivûç;»!). 



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) ^/ypti^t Moive. ces: niie roi/e liquide^ ocêm suspendu en ca- 

/, '//,, y<ri tf/n,, I:^, lîl, t. 527. 

i, *.*^^^ar.% >A,iinft VAi'^ys'.^. iffit ^ - jx Is. sisaè9>r. ol *£f«î; *arrï:> |ts;^-r^ xti ii«»S%st8 
îî6<.y>/«.„ ^///, e*-5y. t^-, v:x -4£îT. ia&îr». Herc^., îîb. IL c. xxxni. Cf. Or., 
/i/W4/w,, ï,"-/, I, V. 717 : « NjriCdsa linigera coîir^r celeberrima lurta. » Cf. M*r» 




IDALIE ii>> 

lotte de sphère sur la tête des hommes. Les astres^ les dieux 
voguent, portés par de sveltes gondoles* sur cette mer d a- 
zur... » Nous voyons* en effet* le ciel représenté sur la tunique 
de Tpé par des lignes brisées qui* en hiérogh'phes* sont le si- 
gne de Teau. Ce sont des lignes droites qui s}'mbolisent^je pense ^ 
sur la patère^ lejluide éikéré, Hen distinct du fluide aqueux. 

Le vêtement principal est donc remblème de lorigine céleste 
des Muses. 

Mais celles-ci n étaient pas seulement filles du ciel. Comme 
leurs devancières, les suivantes d*Osiris* elles devinrent des 
divinités des eaux. Les Aloîdes les placèrent* sur THélicon* près 
des cours d'eau dont le susurrement est aussi une cadence* une 
harmonie des champs, la première musique qui ait frappé 
Toreille de Thomme '. Elles s^-mbolisèrent aussi le murmure 
monotone et r^;ulier des flots de la mer ^. 

Cette attribution aquatique est ici reproduite sur un vêtement 
annexe : le jupon. Celui de la autiste et celui de la txmpaniste 
sont identiques; ils sont faits d*une étoffe à lignes serpentines 
qui figurent les ondes de la mer -\ 

L'hémicycle gravé sur le jupon de la joueuse de hxe ou na- 



1. En Sicile le nombre des Muses fut porté d'abord à cinq, puis à sept. On 
leur domma des noms de fleuves: Nilo, Trito, As^pe, Heptapere, Acheloo, Pstctolo, 
Erodie. 

2. Comme telles elles se dédoublèrent et devinrent, dans la merTrrrhénienne 
aux mille harmonies, des divinités marines nommées par les Grecs sirènes, 
L^une d^elIes porte même le nom de Teîxiope^ appartenant à Tune des quatre 
Moses primordiales mentionnées par Cicéron. 

3. Ces lignes, on les retrouve sur un chapiteau du temple de Golgos [Rfvue 
arck»^ déc 1871) et, comme nous venons de le voir, sur la tunique de la déesse 
Tpé au plafond du portique du grand temple à Dendérah [Descr. de VÉg., PU. 
t. IV, pi. XVIII^. De cette étoffe est fai:e la tunique de dessous de plusieurs statues 
de prêtres chypriotes en pierre calcaire, et notamment du beau colosse découvert 
par M. Lang. en 1S69, au temple d'Ambelliri. Cette étoife était probablement 
un tissu gaufré à godrons ondules co:nme celui des chemises portées depuis 
un temps immémorial par les aimées d'Egypte, dont Torigine est. je pense, 
aphroditique, ou plutôt isiaque. 



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umîz: iin5 u~ sens oppwé. Mai- 



es .es neuî un ccrtece ccnziau. 
Deux de* cfdan^ des dîr.se uses pcrten: par erreur» comme la 

En résu.Tié. les Phéniciens de Cirlum et d'Idalie, en recevant 
d^AsîC Mineure, comme les autres peuples de Ch\-pre» ce mythe 
dci Muses, ne l'acceptèrent point avec sa signification pure- 
ment spirituelle qui. comme telle, est d'origine helladique. 
lU ne purent en adopter que le côté céleste dont les incarna- 
tions, s'adaptant seules au mythe d'Astané, se retrouvent 



%, Hom., Od., c, V, V. 23i. 

'i. Val, FUcc, \, VI, T. 470. 

■î* Macrobc, Comm, in Somn. Scip,,, lib. H, c. iv. 

4. L'; j«ip'»n orifl'jlc allernant avec le jupon à bandes. 



I D A L I E 1 1 1 

naturellement gravées ici avec Tlsis astronomique des Phé- 
niciens. 

Les deux vases posés sur la table contiennent, je pense, des 
offrandes. On a trouvé dans les fouilles des six dernières années 
un grand nombre de spécimens pareils à l'urne de gauche, et de 
toutes grandeurs. Quant à la bardaque de droite, plusieurs 
pièces analogues ont été découvenes à Dali et ailleurs, quelques* 
unes enluminées de scènes curieuses. Ici les deux vases sont 
ornés de zigzags retracés également sur des pièces fort anciennes, 
de fabriques diverses et dont la majeure panie provient de la 
vallée voisine d'Alambra. 

Le personnage debout entre la table d'offrandes et Temblème^, 
et tourné vers celui-ci, tient, élevé, un ustensile triangulaire qui 
me parait être un sistre. En effet, un instrument de même forme 
se voit aux mains d'un prêtre ég}'ptien dans une peinture de 
Pompéi '. Le sistre, selon Plutarquc * , servait, dans les céré- 
monies isiaques, à éloigner Typhon et à réveiller lanature ^. 
La présence de cet objet s'explique donc naturellement ici en 
face d'Isis-Astané. 

Quant à l'objet crochu qui se voit dans la main droite de la 
figure, il est assez difficile à déterminer, vu l'indication som- 
maire de la gravure. Je crois cependant y reconnaître un sim- 
pulum destiné à faire des libations avec le liquide renfermé dans 
un des deux vases placés sur la table d'offrandes J'ume proba- 
blement; *. 

Les piliers terminés par des fleurs de lotus figurent vraisem- 
blablement les colonnes d*un édifice. Ils sont au nombre de six 
et l'un d'eux a été raccourci afin d'éviter qu'il fût masqué par le 
t^'mpanon de la troisième musicienne. Ces piliers ressemblent 

1. Cf. Martial, XU, 59 ; cf. Hcrod., liv. H. ch.Lxu 

2. Plut., de Iside et Osiride, liv. LXIIÎ, ch. 11. 

3. Cf. Ovide, Métûm., IX, v. 112. 

4. Varron, Ling. laL, v. 124; Apul., Afol,, p. 43i. 



112 CHYPRE 

aux deux colonnes qui ornent Tune des deux maisonnettes de 
terre cuite découvertes à Idalie et maintenant au Louvre. Quant 
aux chapiteaux en particulier, on en voit au Louvre (salle du 
vase d'Amathontc) deux grands, qui ont dû s'adapter à des pi- 
lastres carrés et qui donnent une idée de la traduaion architec- 
turale du lotus dans Tîle de Chypre. 

Le péristyle occupe près de la moitié de la surface intérieure 
de la patère. Il représente, je pense, la seule partie d'une cella 
où pouvait avoir lieu la danse; aussi la voyons-nous occupée par 
les danseuses. L'espace occupé par la déesse, les musiciennes 
placées derrière elle, l'emblème, la femme au sistre et la table 
d'offrandes, me paraît figurer le sanctuaire. 

Les anneaux qui entourent les troncs à leur milieu et près du 
chapiteau, à l'endroit nommé hypotrachelium^ ne sont point de 
simples ornements. Inutiles si les colonnes eussent été de pierre, 
ils devaient être indispensables à des colonnes de bois comme 
me semblent l'être celles-ci ' . Au haut du fût, ils l'empêchaient 
d'éclater comme cela se pratiquait encore au temps de Vitruve * ; 
au milieu, ils empêchaient les fentes longitudinales de se pro- 
duire. 

II. En résumé donc, la déesse et l'emblème, la table aux deux 
vases et la femme au sistre indiquent une cérémonie religieuse 
et la présence d'une prêtresse; les neuf musiciennes ou danseu- 
ses sont également des prêtresses figurant le cortège sidéral 
d'Astarté. Tout cela est la mise en scène du culte phœnico-ida- 
liote et la révélation d'un de ses curieux détails. 

Si, d'un autre côté, on considère qu'un centre religieux im- 

1. Si des colonnes soutenaient les charpentes des temples chypriotes construits 
en mattons, Tabscnce de tronçons et de chapiteaux de pierre dans les ruines fait 
croire forcément que ces colonnes étaient de bois. Les colonnes armillées que 

# 

Ton retrouve en Egypte semblent cire la réminiscence des piliers primitifs en 
bois cerclés d*anncaux. 

2. Vitr., Ilf, X, 2, 1 1. 



lOALIE ii3 



portant était, dans la plaine même, tout proche du lieu où la 
patère fut découverte, que (à en juger par ce que j'en ai vu) le 
temple devait être fait de mattons et de bois, on peut reporter 
dans ce sanctuaire même la cérémonie figurée ici sous les piliers 
frettés d'armilles. 



g 4. — DESTINATION DE LA PATÈRE. 



La patère est-elle votive ? Je pense que non. Si elle l'eût été, 
elle fût restée dans le temple et n'eût pas été trouvée dans une 
tombe. De plus, on ne lui eût pas pratiqué, au centre, un om- 
bilic destiné, comme aux coupes de ce genre, à recevoir le doigt 
médius qui facilitait la préhension, assujettissait le vase dans 
l'inclinaison pour le déversement, et le rendait ainsi propre à 
un service effectif. 

Votive, la patère eût été d'un travail plus soigné, d'un métal 
plus précieux, d'une forme plus artistique, en un mot elle eût 
été plus digne de figurer au trésor d'un temple. 

Ce vase est donc un objet à usage. 

L'ombilic est trop petit pour qu'un doigt viril puisse s'y in- 
sérer. Il a donc été fait pour le doigt effilé d'une femme, et, 
comme la destination hiératique de la patère n'est pour moi pas 
douteuse, je suppose que cette femme était une prêtresse dans 
la tombe de qui on enferma cet ustensile, qui avait dû ne servir 
qu'à la personne exclusivement. 

Des tombes contiguës à la précédente renfermaient de curieu- 
ses bardaques et vases analogues à ceux qui figurent sur la table 
d'oflfrandes. Je suppose que ces objets avaient été également ré- 
servés à l'usage personnel de prêtresses dont le cimetière devait 
se trouver aussi proche que possible du temple qu'elles desser- 
vaient, probablement à la lisière du terrain sacré, sans doute 

8 



114 CHYPRE 

couvert de boisi. Ces prêtresses, je suppose, auraient fait partie 
du groupe des prêtresses figurant aux cérémonies les neuf mu* 
siciennes et danseuses, dont la dernière, sur la patère, a la main 
posée sur l'un des vases comme si elle venait de le déposer sur 
la table d^offrandes >. 

La patère contient, à très peu près, une cotyle attique. Une 
capacité métrique était donnée à ces patères afin, je crois, qu'on 
pût se rendre compte de la quantité de liquide dépensée pour 
chaque cérémonie, et rester dans les limites d'un tarif convenu 
entre les fidèles et le corps sacerdotal. 

La patère (f lo^r) était donc destinée à des libations^ et aurait 
peut-être appartenu précisément à la prêtresse représentée avec 
un sistre et le simpulum, accessoire obligé de la patère en ques- 
tion. 



g 5. DATE APPROXIMATIVE DE LA PATÈRE. 

Quelle date peut-on assigner à ce curieux monument ? Une 
très approximative, je pense. 

1^ Le sujet représenté est d*un travail mauvais et d'une main 
qui n^est certainement pas grecque. Les costumes ne sont ni 
grecs ni ég}'ptiens, mais plutôt asiatiques (on en voit encore 
d'analogues en Orient). Je les suppose phéniciens ou plutôt 
phoenico-ascalonites, car je pense que la tradition a été aussi 
fidèlement observée ici en matière de costume qu'en matière 



1. c Qusque (Venus) régis Golgos^ quseque Idalium firmdosum.,» 9 Catull., 
Thet. et PeL, 64, v. 96. 

2. Tout ceci est purement conjectural. 

3. Varron, Lm^. lat,, v. 126; Virg., yEn., liv. I, v. 739; Ov., Ji/rt., IX, v. 160. 
D*aprés Macrobe (Sat,, liv. V^ xxi}, la patère serait plutôt un carchésion {vmfyjigwt)^ 
employé en efl'et pour les libations, d*aprés un passage de Sapho cité par l'au- 
teur : xotv^ 8* dpaicsvn; xaçi/rfli" tiyjfn xal iUtCov, « ils tirent tous des libations avec 
des carchésions. • 




IDALIL: ii3 

d'iconographie sacrée. La patère est Tœuvre, selon moi, d'un 
indigène, d'un Citio-Idaliote ou Phénicien de Chypre. • 

2" Les neuf femmes qu'on voit ici autour d'Astarté sont un 
symbole importé d'Asie Mineure et non phénicien. La patère, 
par conséquent, serait au moins contemporaine de l'introduc- 
tion en Chypre de l'influence anatolienne qui remplaça celle 
des Perses au commencement du vi* siècle av. J.-C. 

3* Le vase a été fabriqué sur la jauge d'une cotyle, mesure 
purement grecque, attique même. Or les mesures attiques 
n'ont dû être adoptées, dans le petit royaume phénicien de 
Chypre, que dans l'intérêt même de sa prospérité commerciale, 
et comme une concession nécessaire à l'influence ionienne de 
plus en plus envahissante, en premier lieu depuis Darius, et en 
second lieu depuis l'expédition de Cimon en Chypre, en 460 
av. J.-C. 

C'est donc à l'époque où l'influence ionienne de l' Attique se 
greffa en Chypre sur celle de l'Ionie asiatique, — à l'époque où 
un mouvement réformiste dans le sens grec ajouta de nouveaux 
éléments à la simplicité des vieux dogmes en ne laissant intact à 
Idalie que le simulacre de la déesse nationale et le costume de 
ses prêtresses, — à l'époque, enfin, où le commerce même eut 
subi dans.ses poids » et ses mesures le contre-coup de l'invasion 
attique, — c'est à ce temps que je crois devoir faire remonter la 
patère d'Idalie, peu après l'année 460 av. J.-C, et, par consé- 
quent, bien avant Thellénisation définitive de Chypre au temps 
d'Alexandre. 

I. Un poids en plomb, trouvé à Idalie et portant des caractères chypriotes, 
appartient exactement au système attique. Il vaut 2 onces ou 34 gr. juste, Ponce 
attique étant de 27 gr. 



N :t:ce 
SDR LA 5IGYNE ET LE VERUTUM 

Z £5 AN IIENS 
ET sra csrx aixxs pxzTi^AyT &'xaAi-iB* 



§ I. — ÉLÉMENTS DE LA QUESTION. 

LA SIGTXE. 



Mvi>o->; il i\niL'jj3L\ tMtAxs. csxiovrx; rÉjT» t^ 'içrpw aMpScous 
ifiar* ^^ix^ a::'-!»'/-»; Ti-vy?'.... îi-piv^aE^ -ï' if zxjlt^ Aîyjc; oi «»•• icep 

[HisSorir, l:b. V, c. oc] 

«ir Seulement j*ai été à même d apprendre par oui-dire qu*il 
habite au delà du Danube des hommes dont le nom est SËgyn-- 

nés et qui font usage du costume mède Cependant ils se 

prétendent issus des Mèdes... Toutefois Sigy'nnes, chez les Li- 
gycsqui habitent au nord de Marseille, ne désigne que ceux 

• I* Kevue archéologique, :^XXV\l, p. 363et$uiv. (1879). 



IDALIE 117 

d'entre eux qui sont colporteurs, et, chez les Chypriotes, une 
arme d'hast. » 

II. — Crésus, de Cnide, y* siècle A. C. 

{Apud Stephanum^ By^» v. SC^uvo;.) 

« Sigyne^ ville des Égyptiens selon Ctésias (I** livre des Pé* 
riples). » 

m. — Aristotb, de Stagyre (Macédoine), 3S4-322 A. C. 

[Foetica, c xxz.) 

«... Par exemple Sigpie^ particulier à Chjrprc, n'est pour 
nous qu'une glose. . . > 

IV. — Apollonius, de Rhodes, 276-186 A. C 

ao7))r£a{ iQ^i oiy^Vou; lOii; âvaa)ro[uvoi Xlo^u^eu/eo; fiévTioaoxov. 

(Argonautica, lib. Il, v. 99.} 

Où yop wo) à^ioç ys ropo; roûl ^f.ût; ïîovxa 

Sl^UVOU.... 

{Argonautica, lib. IV, v. 319.) 

« Cependant les hommes de Bébrycie > ne négligèrent pas le 
roi. Mais brandissant aussitôt comme un seul homme de rigi- 
des gourdins ou des sigynes^ ils coururent à PoUux. > 

I. Peuple de Bithy nie, d'origine thrace (Strabon, liv. VU, ch. m, 2; liv. Xlf» 
ch. III, 3). 



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Lir. XX. c iTirrw 



: Xf'.f.t --ç ff.itî-, ru v^ «-.t p«r dcU :« D*::-bç pér:â-te.. lir. Y. ch. 



H». 



IDALIE tiQ 

cr. • • Les saillies des essieux étaient garnies d'ors, où se voyaient 
des protomes de lion avec une sibyne entre les dents* » 

« Archagathe, s'échauffant jusqu*au paroxysme de la colère, 
prit sa sibyfie à Tun des gardes et en donna dans le flanc (à Ly* 
ciscus)... > 

VII. — ÀTHSNJEus^ de Naucratis (Egypte), ii« siècle P. C 

[Deipnosophistct, éd. ald., p. 20 1.) 

To^ov xal T^iV Giêuvr.v.... » 

{De Alexandro Magno, p. SSy.) 

«... Avec lesquels furent envoyés deux chasseurs ayant des 
sibynes dorées. . . » 

« ...Souvent, laissant paraître d'au-dessus de ses épaules le 
costume perse de dessous, ainsi que Tare et la sibjrne... » 

VIII. — Appianus, d'Alexandrie (Egypte), ii« siècle P. C. 

... Ta Jè JopaTa 7,v oùx èoixoTa obcovTioiç ' à *Pa>[iaioi xaXouaiv û^ 
001*; ^uXou Terpaycovou to -SipLiGu xal to oX'Xo ai Jv(pou TSTpaYcàvou xal tou- 
ie xal (ia>^aoG yjià^i^ ye tx; aiy pi^ç. 

(Lib. IV, c. I. De rébus galUcis, — Boii.) 

«... Les hastes ne ressemblent pas à des armes de trait. Les 
Romains les appellent dts pilums; la moitié est une hampe car- 
rée, le reste est en fer, quadrangulaire aussi et grêle, sauf la 
pointe, toutefois. » 

IX. — Oppianus, de G>rycus (Cilicie), ii«, m* siècle P.C 

... aîyjjLTiV Tpr/Xcoyiva, fjv^r,>i rjpuxopr.vov 

{Çynegetica, lib. I, v. iSa.) 






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♦ f>t cri;er., lecamieret le sigrne i 1â dente: 
f^4ri et duz nymphes Dr/aies qae je les consacre. > 



crt!choe ' c'est à 



t, fJ. tU/TfArt, ttuide, I;r, V, t, 3>:. — C»t rrobiblimisn: u^ fer à trois 
Mfi*^*, i^,f7t,%f,* * U \a^. Xf^Â\ ^^ÀT.''jtA saillantes ou bnrbelures. Des p3:ates de 
ff^h^ 'U *K ^,uft «• «fi lyfor.r« r*r,t été trouvées à CsTprc. Cf. HêsTchias.) 

i(, ^A KAf.f< /f4 %\%yuK 4€r»tt refl«embler à des hallebardes usitées au xvi* siè- 
«|A *f ^//r.f l4 ^^f «f'Uft f^/rtaa un crochet au milieu de sa longueur. 




lOALlE 121 

XIII. — SchoUa grœca in Platonem, — Amatores, c nr. 

... irévTaô>.oi ol tov aywva tov T:£vtaô>.ov ôycxyvil^oixevoi • eori yccp 
7r£VTa6>>oç o'JTo; toi; véoi; ir((ai la 
icocXti, Giyuvvoç, okyA, JiGXo; xai Jpo[x.oc. 
Giyuwo; iè è<7Ti Ç'JCTov iopu • Trap' 'Hpo^orco (lib. V, c. ix) iè to 
ôXoGiJinpov dbcovTiov. 

ce ... Pentathles : les lutteurs de la lutte du Pentathle, qui est 
ceci: 

«r Ce pentathle pour les jeunes gens est un combat de lutte, 
sigynne^ saut, disque et course. * 

« Le sigynne est un trait lisse. Dans Hérodote (V, ix), c'est une 
haste en fer et tout d'une pièce. » 

XIV. — Etymologicum magnum (éd. Gaisford). 

Siyuvo;. Hasta. 

Kal 01 Kurpioi Jà Ta Jopara Sr^'uvouç 9aGi, evraûlOa Jà tx JopaTX 
ôXooi^Tipa. 

« Sigyne. Haste. 

« Les Chypriotes, eux aussi, appellent les hastes sjrgines^ 
alors que ces hastes sont en fer et tout d'une pièce. » 

XV. — Robert Estiescne, Lcxicon, vcrbo TpiYXwx»;*^p»T^^**T«^» 

Cf. ...6ï<rrw Tpiy>.a))(^ivi pcÊXifîxei. (Homerus, Ilias^ lib. V, 

V. 393.) 

Cf. ...xal TUTTOv dcX'Xov ereu^ev laoy^coyivi Tpiywvci). (Nonnos, 
Dionysiaca^ lib. VI, v. 23.) 

« A trois pointes. » 



122 CHYPRE 



« ... Avec un trait à trois pointes... il Tattcignit. » 
r ... Et il forma une autre figure arec un triangle aux pointes 
égales équilatéral^. » 



Scilîcet origine equidem Persicum vel Sjriacum vocabnlam 
valde verisimile est vid. inteq>r. Hesvdu in t. lifUjin^. Sed illnd 
per varias gentes In Europam migrantes prius in Thrada et III7- 
ria usu receptum fuisse partim ex Ennii loco laudato, partim ex 
Apoll. Rhod., IVy 320, colligimus, ubi SifiviQi dicuntur Thradae 
populi et ubi schol. dicit : tan 21 xn ofvvwoç cbç Upcnc t tm ^ m i f m if 
Avft. 

Cod. Alex* Mich., IV, 3, pro -A ^iorzm, exhibet t^ oifiiMc. 

(Tome Vn, p. 214.) 

« Effectivement, ce vocable est très vraisemblablement d'ori- 
gine perse ou syrienne [voy. le sens donné par Hésychius au mot 
Xi&r^vTi). Toutefois, des diverses peuplades émigrées en Europe, 
ce sont celles de Thrace et dlUyrie qui ont les premières admis 
ce mot à l'usage. Nous avons relevé dans Ennius un passage 
bien connu, et dans Apollonius de Rhodes (IV, 32 o) un autre, 
où les peuples thraces sont appelés Sigjmnes et où le scholiaste 
dit : « Il y a aussi le sigjmne^ sorte de haste qui porte le nom 
« même de la nation. » 

« Le manuscrit Alex. Mich., IV, 3, au lieu de roc j^pora porte 

XVII. — Qutirrus Eitinus, de Rudiae (lapygie)^ 239-169 A C. 

Sibyrue ab Ennio apud Festum lllyriis tribuuntun 

« Les sibynes sont par Ennius, cité par Festus, attribuées 
aux lilyriens. » 




I D A L I Ë ia3 



LE VERUTUM. 

XVIII. — M. Acaus Plautus, de Sarsine (Ombrie), 227-184 A. C« 

Si tibi est machaera, et nobis veruina 'st domi... 

(Bacchis, acte IV, se. viii, v. 929.} 

« S'il y a un sabre chez toi, nous, nous avons à la maison 
une broche. . . » 

XIX. — Caius Julius CesARy 101-44 A. C« 

Combat contre les Nerviens. 

... Mediocri spatio relicto, Puliio pilum in hostes mittit atque 
unum ex multitudine procurrentem transjicit; quopercusso et exa- 
nimato, hune scutis protegunt hostes, in illum tela universi conji- 
dunt neque dant regrediundi facuhatem. Transfigitur scutum 
Pulfioni et verutum in balteo defigitur. Avertit hic casus vaginam 
et gladium educere conanti dextram moratur manum ; impeditum 
hostes circumsistunt. Succurrit inimicus illi Varenus et laboranti 
subvenit. Ad hune se confestim a Pulfione omnis multitudo con- 
vertit; illum veruto transfixum arbitrantur... 

(De Mlo Gallico, lib. V, c. yliv.) 

«... Comme il restait un peu de champ libre, Pulfion lança 
un pilum contre les ennemis et perça de part en pan Tun d'eux 
qui s'avançait hors des rangs contre lui. Frappé et sans vie, 
les ennemis le protègent de leurs boucliers, et tous lancent 
des traits sur Pulfion en lui coupant la retraite. Son bouclier 
est transpercé et un brochard s'implante dans son baudrier. 
Cet accident écarte le fourreau de Tépée qu'il tâchait de tirer 
et arrête sa main droite. Ainsi empêché, les ennemis l'entou- 
rent. Son ennemi Varénus vient le secourir et l'aider dans son 
embarras. Contre lui aussitôt toute la cohue se détourne de 
Pulfion que Ton croyait percé par le brochard,,. » 



CHYPRE 



XX. » Catts Csism SAUjrrrm^ ^"Anirsras 'Saaahui)^ SS-3S A.C 



Vemtum est tclinn brerc c: angusmm. 

{Hiszarix, b~b. IC.) 



c Le brochard est un trait court et étroit. « 



XXL » PcBLirs VacLLirs Ma»o^ (T Andes ^Gasle asaspadaae:, 70-19 A. G. 

Pila manu sarvosque genmt in beila dolores 
Et tercti pugnant mncrone »«nique Sabello. 

{Enéide, Iît. MI, t. 6Ô4 et 663.) 

Assaetumqae malo Lignrem Volcosqae reruio 

Extulit... 

[Géorg;i^pÊa^ Ut. Il, t. 168.) 

« Les pilums à la main, ils portent en même temps les 
cruelles douleurs de la guerre, et ils combattent avec la pointe 
circulaire ' et la broche sabine. > 

« Le Ligure habitué au mal', les Volsques, il les poursuivit 
de son brochard... > 

XXII. — Titus Litius, de PataTium (Gaule cisalpine}, 594 A. C — 19 P. C 

Bataille de la Trébte. 

Eos (elephantos) velites ad id ipsum locati, verutis conjectis, et 

avertere et insecuti averses sub caudis qua maxime molli cute vul- 

nera accipiunt fodiebant... 

(Lib. XXI, c L^O 

« Les vélites, apostés à cet effet et brochards en avant, leur 
(aux éléphants) firent faire volte-face et, lancés à leurs trousses, 
les piquaient sous la queue là où le cuir plus tendre qu'ailleurs 
est sujet à blessure. » 

1. Voy. Vcrchérc de Rcffyc, les Armes d'Alise {Revue archéologique, t. X, 
p. 338, fig. 3). 

2. Dur au mal (à mon sens). 




IDALIE I2S 



XXIII. — AuLUs Albius Tibullus, 44-19 A. («. 

Statque latus prœfixa yeru. 

(Liv. I, Élégie vr, v. 49.) 

« Au côté reste fichée une broche. » 



XXIV. — C SiLius Italicus^ 2 5- 100 P. C. 

... Vel tenui pugnax instare veruto, 

{Punica, lib. VII, v. 363.) 

• ••. Ou le guerrier serrer de près avec un grêle brochard. » 



XXV. — N0NIU8 Marcellus, III* siècle P. C. 

Verutum est telum brève et angustum. (Sali. Hist.^ lîb. III.) — 
Saxaque ingentia et orbes axe vincti per pronum incitabantur axi- 
busque eminebant in modum ericii militaris veruta binum pedum. 

— Varro (ivoç Xupoç [èvcî^poç?]) : Ac cervos qui tibi mali nihil fece- 
runt verutis : oh ! anem praeclaram ! 

{De génère annorum, v. Verutum.) 

Venantium telum latissimum a ceteris acies longitudines. (Virg., 
lîb. IX.) — Supra venabula fertur (Varro, ivoçXupaç). 

{Ibid., Y. Venabulum.) 

« Le brochard est un trait court et étroit. (Sali. ///>/., liv. III.) 

— Et de grands -quartiers de roc, ainsi que des disques re- 
liés par un essieu, étaient précipités en avant. Sur les essieux 
faisaient saillie, à la manière des chevaux de frise usités à la 
guerre, des brochards de deux pieds. — Varron (ovoç Wpa;) : Et 
les cerfs qui ne t'ont point fait de mal (tu les frappes) avec des 
brochards : belle invention I » 

« Fer de pique de chasse le plus large qu'il y ait et tranchant 
sur sa longueur. (Virg., liv. IX.) Voyez plus haut ce qu'en dit, 
à propos des armes de chasse, Varron (ovoç Wpaç). » 



126 CHYPRE 

XXVI. — Sextus Pompeius FiSTin» fin du iv* siècle P. C. 

Veruta pila dicuntur quod veluti venia habeant praefixa. 

ce Les brochards sont appelés pilums parce qu'ils ont comme 
des broches en guise de fers. > 

XXVII. — Fuivius Vegetius Renatus, 35o (?) P. C. 

Armement des légionnaires pesamment armés (princes y 
devant et autour des enseignes} : 

... Item bina missilia : unum majus ferro triangulo unciarum 
novem >, hastili pedum quinque semis >, quod /^fVum vocabant, nunc 
spiculum dicitur. — Aliud minus ferro triangulo ^ unciarum quin- 
que 4, hastili trium pedum semis ^ ; quod tune vericulmn^ nunc 
verutum dicitur. 

(Epitome rei militaris, lib. Il, c. xr.) 

<c .. Et aussi deux armes de jet : Tune plus grande (que l'au- 
tre), à fer triangulaire de neuf onces et à hampe de cinq pieds et 
demi ; on l'appelait pilum^ aujourd'hui c'est spiculum qu'elle 
est dénommée. — L'autre (arme) plus petite, à fer triangulaire 
de cinq onces, à hampe de trois pieds et demi; c'est le broche- 
ton d'autrefois, appelé aujourd'hui brochard^. » 

XXVin. — c. LoLLius MoDESTus SiDONius Apollinaris, de Lyon (en Gaule), 

430-489 P. C. 

... Cadit undique ferrum. 
Hune conti rotat ictus. Equo ruit aclide fossus 
Ille, veruque alius. Jacet hic simul alite telo... 

(Carmen V, v. 416 et suit.) 



I. 0'",2222I. 

2. I ",62962. 

3. Triangulo manque dans certains mss. 

4. o", 12345. 

5. i",o37o3. 

6. Cf. Verchèrc de Reffye, !es Armes d'AUse [Revue archéoi, t. X, p. 337). 



IDALIE 127 

«... Une grêle de fer. Celui-ci, un coup de gaffe de guerre' le 
fait pirouetter. Il tombe de cheval, celui-là; c'est un harpon 
qui Ta percé. Cet autre c'est une broche. En voilà un en même 
temps couché par terre par un trait empenné... » 

XXIX. — Fabius Furius Planciades Fulgentius, vi« siècle P. C. 

Veruina jaculi genus longum quod aliquanti verutum vocant. 
(Gavius Bassus in Satyris :] Veruina confodiente non te nanci facio. 
Nancî enîm pro nihîlo posuerint. — Plautus (Bacchis) : Si tibi mâ- 
chera est et nobis veruina est domi. Qua quidem te faciam, si me 
irritaveris, confossiorem soricina naenia. 

(Sermonum antiquorum interprétation v. Veruina,) 

« La broche est une arme de jet du genre trait. D'aucuns l'ap- 
pellent brochard. — Gavius Bassus (en parle) dans ses Satyres: 
Ce n'est pas à la pointe de la broche que je te le ferai avoir. Un 
tel moyen en effet serait tenu pour non avenu. — Plautus 
{Bacchis) : S'il y a un sabre chez toi, nous, nous avons à la 
maison une broche avec laquelle, si tu m'asticotes, je te ferai 
plus profondément percé qu'un trou de souris. » 



2. — CONCLUSIONS. 



De l'examen comparatif des notes et citations qui précèdent, 
il appert que : 

Le mot Sigy^ne désigne un peuple d'au-delà du Danube, 
d'origine mède, et, chez les Ligyes de la Gaule, des colpor- 
teurs, de même origine probablement (I). Mais comme, d'un 
autre côté, il y avait un peuple méditerranéen du nom de 

I. Cf. Vcrchèrc de Rcffyc, les Armes d'Alise (Revue archéol.^ t. X, pi. XXII, 
photog. des pilums). — Cf. Magasin pittoresque^ t. XLIV, p. 255-56, le Crochet 
mérovingien, année 1876. 



: xi C H ï ? R c. 

Sîgji§e IV. 2 . il y a lîcn de sipposcr qoe Sigfmme et Sigjme 
soat les Tariantes d'an seul et même moc. 

Le fait qne le mot Sigrme esc spécial â IHe de Qnrpre lir 
et que la sigjme était, à Chypre, one arme d'hast T'« vient à 
Tappaî de rhj-pothcse préccdentc- 

La sigjme oa sigrme s'appelait aassi sièrme ^XI'jSjrHme ou 
srbtne X . 

Le mot Sibrne ou Sigrne est perse oa syrien. La sigfTse 
était en efiet une arme perse ^1L 2'. Le mot fut usité. d*abord, 
en Thrace et en Ulyrie. où il devint un vocad>le edmique 

J'ajouterai que ce nom de Sigme est celai d'une ville ^yp- 
tienne IF , peut-être de fondation araméenne. 

La sigjme paraît avoir beaucoup varié selon les pays oiï 
elle était employée. IXsons d'abord que c'était une arme dliast 
analogue à la pique X . C'était une arme percutante {VI, 2}. 

A Chj-pre, c'est une haste en fer d'une seule pièce JXIV). — 
En Arcadie, elle ressemblait au pilum mince des Romains (V). 

— On retrouve la sigjme en usage à Rome et en Macé- 
doine ptl, ; chez les Bébrjxes |Bith\'niens\ Thraces tfori- 

r 

ginc ^IV, 1} ; et il est probable que, chez les Boii« les armes qai 
ressemblaient au pilum romain pour tout, sauf la pointe, étaient 
des sigrnes ^'11 r. 

Tantôt la sigyme avait un fer lai^e IX), tantôt une pointe 
à trois aiigles pointus 0([, 2, cf. XV.; tantôt c'était une arme 
de chasse à une barbelure XIF, un épieu parfois doré (VII, i}; 
tantôt une arme d'athlète lisse et fondue d'une seule pièce (XIII). 

— Des sibynes dorées étaient fixées aux moyeux des roues du 
char funèbre d'Alexandre (\'I, i). 

La sigyne donc varie de formes; toutefois, si à l'époque 
romaine elle est devenue une variété du pilum, je crois que 
dans l'antiquité grecque c'était une sorte de hallebarde telle 
que celle qui figurait dans la colleaion Cesnola et qui prove- 



nait, très probablement, de l'acropole d'tdalium. C'est une 
lame de bronze de o",645 de long et dont voici la figure : 

Les fouilles d'Idalium ont fourni un nombre 
considérable de lames de bronze de même modèle 
et de toutes dimensions, depuis o",i4de longueur. 

Le veru/um était une arme sabine (XXI, i) et ita- 
liote PCXI, 2). II était en usage chez les Nervïens au 
temps de César {XIX}. A l'époque d'HannibaI(3 16), 
les vélites romains étaient pourvus du perutum 
(XXII), lequel faisait partie de l'armement de la 
grosse infanterie romaine (XXVII), qui s'en servait 
encore au v» siècle P. C. (XXVIII). 

La forme du verutum paraît avoir varié. En gé- 
néral, c'était un trait court, étroit (XX, XXV, i) 
et grêle (XXIV). Il y en avait un de deux pieds de 
long, usité à ia chasse (XXV, i). — ■ Tantôt le veru- 
tum a un fer large et tranchant (XV, 2) (et ce rare- 
ment, selon toute probabilité); tantôt, comme à 
l'époque de Théodose, c'est un pilum dont on 
comptait deux sortes à fer triangulaire : l'un de 
neuf onces, c'était le pilum proprement dit ou spi- 
eulum; l'autre de cinq onces, ou verutum (XXVII); 
tous deux aux mains des princes, gardiens des en- 
seignes (grosse infanterie) (XXVII). 

En -tous cas, le verutum était une arme de jet 
(XIX, XXV, XXVII) avec laquelle on pouvait 
aussi charger la pointe en avant (XXII, XXV, XXIX). Pour ré- 
sumer, le verutum était un pilum (XXVI), 

La veruina était une arme (XVIII) de jet (XXIII, XXIX) 
identique au verutum (XXIX). 

LAveru était aussi une arme de jet (XXIII) ou d'hast (XXVIir, 
qui ne différait peut-être pas de la veruina et du verutum. 



Le général de CesDoIa arait dans sa 
collection une arme de bronze provenant 
peut-être, comme la précédente, de l'a- 
cropole d'Idalium. et dont voici la figure. 

Comme on le voit, c'est une broche 
lisse terminée par une douille; mais ce 
n'est pas un pilum. En supposant la 
hampe de bois de même longueur que la 
lame, l'arme tout entière avait un mètre, 
et était même à trois fins: de trait, d'estoc 
et de taille, [^'oir la coupe.] Je crois qu'il 
faut la considérer comme une veru orien- 
tale, prototj'pc du veruium des auteurs, 
probabiemem l'arme perse dont ils font 
mention. 

Les deux curieux spécimens d'armes 
cypriotes que je viens de faire connaître 
sont absolument intacts. S'ils ne sont pas 
au musée de New-York, ils ont passé 
dans quelque collection particulière. 



N. B. — Je ne partage point l'opinion 
du duc de Luynes, qui suppose que la 
plaque de bronze,.- la douille de bronze 
I {terminale d'une hampe de haste) h ins- 
criptions, et d'autres objets de son cabi- 
net, provenaient du champ de bataille 
ëi \ d'Idalium. J'ai la presque certitude que 
1 1 I ces objets ont été trouvés, comme les deux 
*" armes ci-dessus décrites, dans l'oppidum 

même, dans le temple duquel se trouvait appendue la célèbre 
plaque votive. 



1 



III 



UNE PARTIE DE CAMPAGNE A IDALIE 



DANS L'ANTIQUITÉ» 



JOUETS EN TERRE CUITE DÉCOUVERTS 
DANS l'île de CHYPRE 



Les fouilles faites dans Tîle de Chypre par différents amateurs 
et sur divers points, pendant ces huit dernières années, ont 
anniené des découvertes d'une importance considérable. Six 
temples, dont deux (ceux de Golgos et dldalie) comptent 
parmi les plus célèbres de Tantiquité, ont été déblayés et ont 
fourni de précieux renseignements sur le culte de la Vénus chy- 
priote, sur les costumes et les attributions de ses prêtres, enfin 
sur le cérémonial, Tornementation et la disposition de ses sanc- 
tuaires. D'autre part, l'ouverture d'un nombre immense de tom- 
beaux a donné des objets de tous genres et de toutes époques, 
objets qui ont jeté une clarté inattendue sur l'antique civilisa- 
tion de l'île, et révélé maintes particularités sur les usages et, 

* I. Mafrasift pittoresque, juillet iSj^î, p. 22S et suir. 



vm- 



i7i CHYPRE 

pour ainsi dire, sur la vie intime des habitants de la Chypre 
païenne. 

Les sépultures de la vallée d'Idalie ont été fécondes surtout 
en armes, vases, bronzes, verreries, statuettes, ustensiles de 
ménage, bijoux, pierres gravées, monnaies, et divers objets 
d'une classification moins précise, parmi lesquels les singuliers 
monuments dont nous donnons ici la gravure. 




Ces six pièces ont été trouvées ensemble dans une tombe 
et sont vraisemblablement des jouets. Ils sont grossièrement 
modelés en terre cuite et coloriés très succinctement. 

Voici d'abord deux ânes chargés de paniers destinés proba- 
blement à contenir des provisions (fig. i et 2). 

Un domestique est juché sur un autre baudet omé d'un 
collier harnaché (fig. 3;. Le serviteur tient fortement pressés 
contre lui deux vases pansus et à col (qui pourraient bien être 
des outres), et destinés à contenir des liquides. 

Puis vient un petit chariot dont le bord est orné de fleurs 



peintes, muni de roues pleines dont les rayons ont été figurés à 
coups de pinceau (Bg. 4). 




'^,1iv 



Fio. 3. 
Sur ce char sont couchés un joueur de double flûte et deux 




chanteurs, accoudés sur des coussins ; les chanteurs ouvrent la 
bouche toute grande ; ils portent des couronnes, et des nattes 



ou torsades leur tombent sur le haut de la poitriiie, de chaque 
côté du cou. 




J37 



Suit un autre chariot-Ut sur lequel se tient alloogé et accoude 
un personnage coiffe d'un bonnet en forme de fève (fig. 5). 




Sur un véhicule pareil se voit ensuite, dans la même attitude, 
une figurine qui paraît être une femme [fig. 6). 

Sa coiffure est un simple diadème dont les extrémités retom- 
bent derrière les oreilles. 



IDALIE i35 

Tout informes, toutes primitives que sont ces figurines, elles 
n'en décèlent pas moins un certain talent de la part de l'artisan 
qui les a fabriquées. Le naturel et la désinvolture des attitudes, 
l'accent vrai des physionomies de ces hommes et de ces bêtes, 
font de cette procession une scène de mœurs vivante et des plus 
curieuses. C'est une partie de plaisir où ne manquent ni le 
vin, ni les victuailles, ni la musique. Les poses nonchalantes 
des personnages cadrent bien avec cette idée. 

C'est au général Palma de Cesnola, consul des États-Unis 
en Chypre, et bien connu des antiquaires par les recherches 
qu'il a faites dans ce pays, qu'appartiennent ces objets décou- 
verts par lui il y a cinq ans, et c'est à sa gracieuse obligeance 
que nous devons de les publier ici. 



CHAPITRE QUATRIÈME 



AMATHONTE 



PATERE ET RONDACHE 

trouvées dans un tombeau de la nécropole 

.d'amathonte *. 



•••. 



■'«■ 



'^ 






Une étude attentive des ruines et de la nécropole d*Ama- 
thonte a décidé le général de Cesnola à entreprendre des fouilles 
sérieuses et suivies sur ce point, jusqu'à présent peu ou mal 
exploré. La découverte de nombreux tombeaux, de deux beaux 
sarcophages, d'un colosse (volé au général et maintenant au mu- 
sée de Sainte-Irène, à Constantinople), de plusieurs inscriptions 
grecques et chypriotes, de quantité d'objets d'art, statues, bron- 
zes, bijoux, etc., témoigne en faveur de la vieille expérience, 
de la persévérance et du savoir incontestable que le consul 
américain a apportés dans ses recherches. 

Dans la première dizaine du mois d'avril iSyS furent trouvés 
dans une même tombe les objets suivants ; 

I* Une patère d'argent dont une moitié environ est détruite 
par l'oxydation ; 

* I. Revue archéologique, XXXI, p. 25 et suiv. (1876). Le mémoire est daté de 
eptembre 1875. 



i3S CHYPRE 

2* Un petit bouclier rond ou rondache, en bronze, très oxydé 
aussi et assez endommagé : 

3* Une espèce de sabre en fer d*environ deux pieds anglais 
de long, très oxydé ; 

4* Une masse de pointes de javelots en fer; 

5" Deux haches de bronze ; 

6* Plusieurs vases et coupes en bronze très épais et bien 
conservés; 

7* Bandeaux, colliers, bracelets, bagues, boucles d*oreilIes 
en or; 

8* Scarabées et scarabéoïdes en agate blanche ou en corna- 
line, montés à pivot sur les deux extrémités d'une tigefusiforme 
en argent, recourbée en fer à cheval; les sujets gravés sont 
traites dans un style ég}-pto-assyricn ; 

Sf Cylindres assyriens en pierre dure; 

\o^ Des anneaux en or, argent et bronze formés d'un boudin 
recourbe, et dont les extrémités, rapprochées et juxtaposées, 
sont concentriques Tune à l'autre. Ces anneaux, trop étroits pour 
avoir été d'aucun usage, ont paru au général de Cesnola repré- 
senter de la monnaie'. Il y en a de trois grandeurs différentes. 

Les pièces capitales de toute cette trouvaille sont les deux 
premières, la patère et la rondache. Le général de Cesnola 
a bien voulu me les envoyer et m'autoriser à les publier. Qu'il 
reçoive ici mes remerciements. 

I. Dans la partie de son mémoire {Poids, mesures et monnaies des Égyptiens) 
lue à TAcadémie des inscriptions dans la séance du iS juillet iSyS, M. Chabas dit 
que, postérieurement à Tupoque de Tancien empire, on trouve mentionnées sur 
les monuments des monnaies de bronze, d'argent ou d'or. Elles consistaient soit 
en anneaux f soit en disques percés d'un trou au centre. Dans une scène de pesage 
gravée en champicvé sur le plat d'un grand scarabée de la collection Cesnola, 
l'un des plateaux de la balance contient le gigot d'une antilope qu'un personnage 
CM en train de dépecer; dans Pautrc plateau est un disque percé d'un trou au 
centre, ce qui confirme Passcrtion de M. Chabas. 

On a découvert à Curium, dans un temple, des anneaux pareils à ceuxd*Ama- 
(lioiitc; on en u trouve aussi à Pnphos et à Idalie. 



AMATHONTE iJg 

Les deux monuments originaux ont été confiés à M. Dardel, 
qui, d'après eux, a exécuté les gravures très fidèles qui me 
dispensent de toute description préalable et auxquelles je ren- 
voie le lecteur (planches VIII et IX). 



g I. LA PATÈRE (PL. VIIl)- 

C'est une calotte de sphère en argent fin de o™,ooo5 d'épais- 
seur, o™,i 88 de diamètre et o™,o36 de hauteur. Le bord est 
consolidé par un listel plat faisant, en dedans, une saillie hori- 
zontale de o'",oo4. Les deux patères de vermeil trouvées à Ci- 
tium et exposées au Louvre (salle des bronzes) sont de forme 
identique. Les figures et sujets ont été esquissés au repoussé, 
leurs contours et détails arrêtés par des traits fins et nets et 
comme burinés, mais dont plusieurs, vus à la loupe, semblent 
formés par un pointillé très délié. 

La pâquerette ou fleur épanouie à seize pétales qui occupe 
le centre me semble être un lotus, fleur d'Isis, vu de haut; ou 
plutôt le soleil avec ses rayons. 

Les zones de lignes brisées et réunies en faisceau (et pour le 
tracé desquelles un trait circulaire d'un pointillé menu a servi 
de guide à l'artiste) représentent Vêlement humide (où s'élabore 
tout germe vital ', surtout Veau, principe féminin ^). 

Les sphinx sont l'image de la déesse Neith, c'est-à-dire la 



1. s. AihanasCf De incarnat ione, Contra pentes ; Arisiides Rhet., In jEgyyt,; 
Jules Firmicus, Deprof.rel,; Cicérone De nat. deorum, lib. I, ex; lib. III^ c. xxii ; 
Eusèbe^ Prœp* evang.y lib. III, c. ix et xi; Diog. Laért., lib. I, c. i; Sext. Empi- 
ricus^ Adv, math., lib. V^III ; Myp. Pyrrh,, lib. III, c. iv ; Homère, Iliade, ch. v. 

Tout animal naît d'un liquide et au sein d'un liquide. (Bérard, Physiologie, 
t. I, p. 78.) — La vie ne s*accomplit jamais que dans un milieu liquide. (Claude 
Bernard, Revue des Deux Mondes, i«f sept. 1864, p. 177.) Cf. Plutarch., De 
placit, phil,, lib. I, c. ii. 

2. Plutarch., Quast, Prom., c, i; Pseudoplutarch., De vita et poes, Homeri, 
c. xciii^ éd. Didot. 



z^% CziYrRE. 

Nature, cette énigme i^nt li permanence et Tubiquîté sont 
figurées p^r des ailes. Sur sa :î:e est îe giobe lunaire d'Isis «. 

Dans Î2 scconit zone Je sgures. a droite, le scarabée ailé tient 
au-dessus de si tî:te le g' obe 5*:«Iaire. Lui-même en symbolise 
le rayon rapide -. rii'ificaîeur et inîelligi fiant ^ le rit a, consi-- 
lium et lux d Orphée, le spiritus et mens -, Vi-riç ou ratio des 
anciens *. La masse ovoïde qu'il tient entre ses deux panes de 
derrière représente îe monde pénétré de ses germes de vie ^ 
et que les Arabes faisaient, seîon une inscription^, le père 
d'Osiris, à qui d'ailleurs les Eg}"pî:ens l'avaient consacré 7. 
Les deux adorants, vcnis de la schenti^ sont coiffés de la tête 
déper^ier. symbole de Fré ou d'Osiris - surmonté du disque 
solaire. Celui-ci est orné de Yurœus a^athadjtmon) adoré dans 
toute r Egypte 9 comme le ton génie ^^^ le pouvoir bienfai- 
sant, et" en quelque sone médical '% du soleil (serpent 
d' Esculape . 



1. Isisest elle-mcnie la Nauire unÎTcrselîe Apulée, A/rf dm.. Ut. XI]. 

2. Les ailes, suirant Porphyre 'a p. Euseb., Prjtp. evjmg^ lib. Ul, c zi), oiracté- 
rîsent le mouvement. 

3. WzcTohz, SaturfuiL, lib. I; Somn.Scif.. lib. l,c xvii; Mart. Capella, Hjrmtu 
ad Soient; Proclus,/» 7ïm., I; Sallust. Phil., c vu; Virgile, -^ii., VI, v. 727. 

4. Tertullien, Apologétique; Lactance, liv. IV, ch. vi. 

3. ^lian.y De aninulibus, lib. X, c. xv; Plutarch., De Iside et (hiride, ex; 
SymposiaCj lib. II, c. m; Porphyr., ap. Euseb., lib. III, c nr; Sanchon., ap. Eu- 
seb., lib. I, c. x ; Slacrob., Saturn.^ lib. VII, c xvi. 

0. Diod. Sic, lib. I, c xvii. 

7. Hérodote, liv. Il, ch. xlii. 

8. ^lian.. De animal,, lib. XVIII, c. xiv et xxiv; lib. II, c zliii; lib. VII, c. ix. 
Hor. Apollo,Iib. I, c. vi et xi; Plutarch., De Iside et Osiride,c. li; Clem. Alex., 
Strom., lib.V; Euseb., Prœp, evang., lib.I, c x; lib. III, c.nr; Strab., lib. XVII, 
c. I (40, 47), c. II (4], éd. Didot. 

9. Hérodote, Euterpe, ch. lxxiv; ^lian., Df ait/md/., lib. XI, c zvii; Eusébe, 
Prcep, evang., lib. I, c. x. 

10. Manilius, lib. III, v. 171 ; cf. lib. III, v. 87 (note de Seal iger); cf.Lamprid., 
Vit, Hel. 

11. Eusèbe, Prœp. evang. ^ lib. I, c. x. 

12. Arnob., Contra gentes,\\\y. VI; Sanchon., ap. Euseb., lib. I, c z; Ovide 
Metam.t lib. XV, fab. i3, i5; Pausanias, lib. VIII, c. xxxi, éd. Didot. 




AMATHONTE 141 

Le personnage suivant est Isis mère^ car son sein gonflé de 
lait retombe sur sa poitrine. Ses ailes sont, Je pense, celles du 
vautour qui la coiffe quelquefois et qu'on a à tort, selon Stra- 
bon ', confondu avec Tépervier. Le vautour caractérise , à 
mon sens, le pouvoir dévorant de la terre, où sans cesse la ma- 
tière se transforme ^ et d'où sans cesse la vie naît de la mort. 
— Sur la tête d'Isis est un modius ou un édifice. Les cheveux 
sont épars en signe de deuil. Ses colliers sont des insignes 
royaux. Les lotus qu'elle tient dans chaque main symbolisent 
la fécondité (celle des deux rives du Nil)^. — La déesse obombre 
de ses ailes Horus enfant (Har-Pe-Krati) ^ paraissant sortir de 
la corolle d'un lotus planté en terre. Ce lotus est bien le sein 
maternel d'Isis elle-même, puisque Harpocrate est né d'elle au 
solstice d'hiver^. Cette espèce de nymphaea a été choisie et 
consacrée à la nativité du soleil solsticial parce que c'est à cette 
époque qu'elle fait son apparition. — Les cheveux du dieu sont 
rasés pour symboliser la brièveté du Jour au solstice d'hiver ^, 
et la petite corne tombant de la tempe droite (et qui devien- 
dra plus tard celle d'Ammon) me paraît représenter la force 
féconde qui, à chaque aurore, nous parvient de l'orient. Horus 



1. Strabon, liv. XVII, ch. 11 (4), éd. Didot. 

2. Plut., De Iside et Osiride, c. lxxvii, éd. Didot. 

3. Le lotus est essentiellement Pimage des organes maternels et, sur les mo- 
numents, il est représenté comme un attribut d'Isis ou de ses parèdres, ou 
comme une sorte d'utérus donnant naissance à un enfant. Aujourd'hui encore, 
le chou, d'où Ton fait naître les bébés, a remplacé le lotus dans la tradition po- 
pulaire. (Cf. Descr. de VÉg,] 1. 1, pi. XCV, fig. i.) 

4* A. Maury, Rel. de la Grèce ant,, t. III, p. 294. 

5. Plut., De Iside et Osiride, c. lxv, éd. Didot; Macrobe, 5a/Mrw., lib. I,c.xxii. 
Au dire de Pline {Hist, nat., lib. XIIl, c. xvii, éd. Teubner), le lotus était une 

sorte de girasol s'épanouissant à Paurore et disparaissant au crépuscule. Cest 
ce qui, sans doute, fit faire de cette fleur un symbole solaire (Plut., De Pyth, 
orac.yC. xir, éd. Didot; De Iside et Osiride, c. xi, éd. Didot; Pline, Hist. nat., 
lib. XIII, c. xvii), ainsi que d'une plante analogue qui croît dansTEuphratc (Théo- 
phraste, Hist, plant., lib. I, c. x). 

6. Macrobe, Saturnales, liv. I, ch. xxi. 



142 CHYPRE 

tient le fouet, anribut royal qu'en Asie on mettait entre les mains 
de Cybèle '. 

Les deux hiérophantes tournés vers Temblème mystique, 
planté entre eux deux, portent le costume assyrien et la schenii 
ég}ptienne. Ils tiennent le lotus, fleur d'Isis, et la croix ansée, 
symbole de procréation ^ et attribut des dieux mâlesde TÉgj'pte, 
avatars du soleil. — L'emblème mystique se retrouve sur un 
grand nombre de monuments, presque tous asiatiques ou chy- 
priotes, et notamment sur une des deux patères de Citium. Il 
représente, à mes yeux, posés sur la fleur d'Isis, deux exem- 
plaires de la baris papyrinea ornée de lotus qui, deux fois, 
ser\'it à la déesse dans ses recherches du corps d'Osiris^. 
Cette barque devint le cercueil même du dieu, voire son vais- 
seau^, et les monuments nous la montrent portant soit Har-Pe- 
Krati ^, soit Ammon-Ra ou quelqu'un de ses parèdres ^. 
C'est ce qui me fait voir le soleil lui-même dans la portion de 
disque garnie de rayons isolés ou non, et qui semble émerger 
du fond de la nef divine. L'emblème tout entier symbolise donc 
un mythe funèbre 7 et maritime auquel vient s'ajouter une 

1. A. Mauiy^ Religion de la Grèce antique^ t. III^ p. 83. 

2. La croix ansée égyptienne, symbole solaire, est absolutnentV'imA^ du phal- 
lus d*Osiris et signifiait Xjtai^ è7cepx^(ji6nQv (vitam supervenientem) {Sozoméne, HisL 
eccles,, lib. VU, c. xv). Deux statuettes découvertes en Chypre portent, Tune une 
croix ansée, l'autre une croix grecque, comme organes sexuels. Lebeau {Hist. 
du Bas-Empire^ Théodose) voit également dans la croix égyptienne une repré- 
sentation du phallus ou lingam. Cette croix ansée était aussi uq symbole de ré- 
surrection, car une vignette du Rituel funéraire nous montre un défunt dont 
Tâme, épervier à tête humaine, vole au-dessus de lui tenant dans ses pattes la 
croix ansée, 

3. Voyez, sur ce genre de pirogues, Pline, liv. VI, ch. xxii; liv. VII, ch. lvi; 
liv. XIII, ch. XI (éd. Teubner). 

4. Plut., De hide et Osiride, 

b. Kircher, Œdipe^ t. II, part. II, p. 465. 

6. A. Maury, Rel, de la Grèce ant,, t. III, p. 267. 

7. Comme tel, il est, sur l'un des sarcophages d'Amathonte, un sujet déco- 
ratif et forme le» deux côtés verticaux de l'encadrement des deux faces princi- 
pales. 




AMATHONTE 143 

épopée civilisatrice importante à signaler ici : Anubis, Anbo, 
Chnouphis ou Knef joua dans le premier voyage d'Isis le rôle 
d*éclaireur, de mentor, de pilote (Canope). Il était fils de Nefté, 
personnification du rivage de la mer % et d'Osiris ou du Nil 
(la branche canopique) ^. Exposé par sa mère, Isis Tadopta et 
le prit pour compagnon. Il s'embarqua avec elle, se plaça au 
gouvernail, et mit le cap sur la Phénicie, où il apporta, dans la 
capitale d'Astarté, les croyances égyptiennes d'Isis et de Séra- 
pis, et, évidemment, avec le papier qu'on tire du papyrus (Pu- 
êXoç) et qui semble avoir donné son nom à la ville même, les 
caractères phonétiques phéniciens. — Pourquoi Anubis diri- 
gea-t-il le vaisseau égyptien vers la Phénicie ? C'est qu'il était, 
je pense, Phénicien d'origine. En effet : 1° Il était relégué dans 
un coin de l'Egypte, car il était fils de la plage et voisin de la 
mer, ce Typhon ^ dont les Égyptiens abhorraient les appro- 
ches; comme tel il se trouvait étranger et inconnu au pays; 
aussi fut-il trouvé. 2® Il était navigateur et marin, ce qu'aucun 
Égyptien ne fut avant lui, puisqu'il fit connaître à l'Egypte la 
navigation maritime. Il n'était donc pas Égyptien. 3* Les Phé- 
niciens étant les seuls marins de cette région orientale de la 
Méditerranée, il était, suivant toute probabilité, Phénicien. 
4* Aussi est-ce aux Phéniciens qu'il songe à être utile ; il est, pour 
ainsi dire, leur Thot et leur Cadmus. 5** Anubis^ Anbo sont la 
traduction évidente de Nébo^ dieu de la Chaldée 4 , de la 

1. Plut., De Jside et Osiride, c. xxxviii, éd. Didot. C*cst l*'Apit|«ç iropdXta de 
rinscription grecque des Salines que j'ai publiée dans la Revue archéologie 
que 1874, p. 86, février; cf. Hérodote, liv. XI, ch. lvi. 

2. Plut., De Iside et Osiride, c xxxviii, éd. Didot. En tant qu'opposé à Isis, 
terre productive, ou à Nefté, sable, Osiris, leur fécondateur, est le Nil. Dans la 
traduction grecque de la légende de Canope, le pilote de Ménélas fut enseveli 
dans un îlot de la bouche canopique (Scylax Caryand., Peripl., I, 8i Geogr. 
min., éd. Didot) ou, selon saint Épiphane (In Ancorat., c. cviii), sur la plage 
d'Alexandrie. 

3. Plut., De Iside et Osiride, c. xxxi, éd. Didot. 

4. Isale, XLvi, V. I . ^ 



^ 



144 CHYPRE 

Babylonie ' et de la Syrie (où un haut lieu, le mont Nébo, 
lui était consacré) *, et, nécessairement, aussi de la Phénîcîe, 
dont la théogonie primitive était asiatique ^. — Si donc 
Temblème est le signe commémoratif d'une légende qui inté- 
resse au plus haut point la civilisation phénicienne et son héros^, 
les deux hiérophantes qui l'accompagnent, et qui portent la 
schenti avec le costume asiatique, doivent être Phéniciens. 

La figure qui suit, debout à gauche, est Horus adolescent, 
l'Apollon grec5,le dieu de la lumière comme son nomTindique^. 
Il tient la croix ansée, emblème de génération. Il est alors 
Priape 7, le fertilisant et le fécondateur de l'Egypte ®, en un mot, 



1. Nébo était adoré à Borsippa. On le retrouve dans plusieurs noms pro- 
pres assyriens : Nabo-Nid, Nabo-Nassar, Nabo-Polassar^ Nabu-Chodonosor, 
et dans celui du satrape d*Égypte Necta-Nébo. 

2. On rappelait aussi Nibas ou Nibchas en Syrie. Moïse vint finir sur ce mont 
Nébo. Comme Anubis, il fut exposé et recueilli en Egypte; comme lui, il joua 
un rôle civilisateur en Syrie. Anubis israélite, il se confondit avec Nébo. 

3. En résumé, le plus clair de cette histoire est que: une colonie phénicienne, 
établie à Tembouchure canopique, se trouva fortuitement en contact avec la ci- 
vilisation égyptienne, lui apporta les premières notions de la navigation, et lui 
emprunta, avec sa philosophie religieuse, Talphabet et l'écriture dont elle dota 
sa métropole. 

4. Mon ami M. CIcrmont-Ganneau a bien voulu me communiquer, pour la pu- 
blier, Pempreintede la nef isiaque, portant le soleil, isolée, et couronnant Tins- 
cription phénicienne [* hébraïque en caractères phéniciens] d'un scarabéolde ac- 
quis à Jérusalem. Cette nef est-elle là comme signe religieux, emblème national 
syro-phénicien, ou armoirie de corporation maritime ? Je ne saurais le dire. Je 
pense toutefois (en conséquence de ce que j*ai dit à ce sujet) que, si elle se retrouve 
sur d'autres cachets, les légendes qui l'accompagneront devront être toutes phé- 
niciennes de langue et d'onomastique (sauf dans les cas où ces cachets auraient 
appartenu à des Syriens ou à des Juifs païens), la nef d'Isis ne pouvant être 
qu'un emblème marin et phénicien, en Syrie et sur la côte. — Je rappellerai ici 
que les bateliers de Lutèce adoptèrent comme insigne le vaisseau d-Isis, qui 
figure encore aujourd'hui dans les armes de la ville de Paris. 

5. Hérodote, liv. II, ch. cxuv; Diod. Sic, liv. I, ch. xxv, éd. Didot; Plut, De 
Iside et Osiride, ch. lxi, éd. Didot; Hor. Apollo, Hiéroglyph., I, xvii; Macrobe, 
Saturn., liv. I, ch. xvii, xviii, xxi. 

C. Philon, Alleg.j liv. II. 

7. Suidas, V. Priap. 

8. Macrobe, loc. cit., c. xvii ; ^Elian., De animal,, lib. I, c. ci. 




AMATHONTE 145 

le soleil printanier, jeune et n'ayant rien produit encore, comme 
l'indique le doigt sur la bouche, geste d'Har-Pe-Krati. De sa 
tempe gauche part une corne, celle d'Ammon : il est le soleil 
qui éclaire l'occident de l'Egypte, la Libye, et il regarde Nefté. 
Nefté, c'est Isis vierge (on le voit à son sein), le sol du désert 
non arrosé, la Libye et ce rivage marin de Canope ' où Osiris- 
Nil a furtivement exercé son action fécondante. Nefté est ici en 
opposition avec Isis mère, et les plumes d'autruche qu'elle tient 
et qui sont probablement Temblème du vent du désert font 
antithèse avec les lotus de sa parèdre ; tournée vers Horus, elle 
semble faire appel à son influence bienfaisante, et rappelle ainsi 
le vers de Virgile : 

Vcre tument terras et genitalia semina poscunt. 

{Géorgiques, liv. II, v. 324.) 

Enfin, le groupe qui suit paraît être une répétition de celui du 
scarabée. 

Toute cette portion de patère que je viens de décrire traduit 
évidemment une croyance hybride égypto-phénicienne, reflet 
de Torigine et des mœurs d'une certaine nationalité. Et celle-ci, 
vu son caractère rien moins que tranché, doit être cherchée dans 
l'île de Cypre. Or, Etienne de Byzance nous l'indique, c'est 
Amathonte elle-même : « Très ancienne cité de l'île, dit-il ^. On 
y adore Adonis-Osiris. Les Cypriotes et les Phéniciens la font 
égyptienne. » D'après cela elle aurait représenté l'élément 
éthiopien des premiers colonisateurs dont parle Hérodote ^. — 
Les riches mines de cuivre et les vins renommés du territoire 
d'Amathonte* durent amener de bonne heure entre cette ville 

I. Plut., j> /siie ^/ Osiride, c. xxxviii, éd. Didot. 
2« Steph. Byz., v. *A(iaOcu;. 

3. Hérod., liv. VII, ch. xc, éd. Didot. 

4. Ovide, Métam.y liv. X, v. 53i. — Les vinsd'Amathonte sont célèbres encore 
aujourd'hui sous le nom de vins de la Commanderie (Pancienne commanderie du 
Temple à Colossi). Ils sont, avec ceux dits de Chiraz/en Perse, les seuls grands 
vins de l*Orient, 

10 



i4fi CHYPRE 

et la phénicienne Citium (ou les autres ports phéniciens) des 
relations suivies et assez étroites pour qu'Amathonte ait été 
regardée, par la suite, comme une colonie asiatique qui aurait 
reçu son nom « soit d'Amathus, fils d^Hercule, soit d'Ama- 
thusie, mère de Cinyras' ». Mais Scylax de Caryande réfute 
cette erreur en faisant la cité autochtone *. — Par suite de cette 
alliance d'intérêts, il est naturel qu'il y ait eu une sorte d'al- 
liance religieuse, avec adoption par Amathonte d'un emblème 
sacré phénicien, et que, par conséquent, le monument lui- 
même soit amathontin. 

Partant de là, c'est tout d'abord dans les annales de Cypre 
que j'ai dû chercher quel fait historique, quel épisode mili- 
taire mémorable était représenté dans la dernière zone de la 
patère. 

Je n'en ai trouvé qu'un qui concordat avec l'œuvre de l'ar- 
tiste : c'est la défense d'Amathonte contre les rois de l'île coali- 
sés, l'an !•' de la 70* olympiade (5oo av. J.-C). 

Comme nous l'avons vu, Amathonte, égyptienne d'origine, de 
mœurs et peut-être de dialecte, dut conserver, vis-à-vis de l'élé- 
ment grec circonvoisin, un sentiment de particularisme égal à 
celui des Phéniciens de Citium et d'Idalie. Aussi, lorsque la 
révolte de Tlonie fit soulever, à la voix d'Onésile, usurpateur de 
Salamine, tous les rois grecs de l'île contre Darius, Amathonte 
et Citium ne bougèrent pas et restèrent fidèles aux Perses. Oné- 
sile, voulant forcer Amathonte à sonir de sa neutralité, vint 
l'assiéger. Le satrape Artybius et les Phéniciens arrivèrent au 
secours de la place, forcèrent les alliés à la retraite, et, peu après, 
l'insurrection prit fin par la défaite et la mort d'Onésile sous les 
murs de Salamine ^. 



1. Steph. Byz., v. *A|iaOoû;. — Cf. la note savante de Th. de Pinedo sur l'éty- 
mologic phénicienne de ce vocable. 

2. Scylax Caryand., Peripl.^ I, 78 {Geogr, min., édit. Didot). 

3. licrodotc, liv. V, ch. cm. 




AMATHONTE 147 

Le siège, la défense et la délivrance d'Amathonte concor- 
dent exactement avec le sujet gravé sur la patère. 

En effet : i* La forteresse attaqués, et dont la tour de 
droite semble assise sur des rochers, domine une ville dont on 
voit les maisons au pied des murs. Or Amathonte présentait 
une même disposition : « Ensuite est la ville d'Amathonte, et 
au milieu est une citadelle nommée Palœa, puis le mont Olympe 
pareil à une mamelle '. » — 2° La défense est soutenue par 
des archers de costume asiatique et des piquiers dont Tarme 
ressemble à la sarisse macédonienne, et dont les casques à 
cimiers et les boucliers sont grecs. Je vois en eux des auxiliaires 
non mentionnés dans Thistoirc, peut-être des soldats de ce Sté- 
sénor, roi de Curium, dont la trahison causa, peu après, la 
défaite d'Onésile et de ses alliés ^. Les guerriers dont les têtes 
paraissent au-dessus des courtines n'ont pas de coiffure et 
semblent égyptiens. — 3" Nous voyons concourir à l'attaque, 
d'abord, des guerriers que leurs casques à cimiers, leurs bou- 
cliers armoriés, leurs tuniques, font reconnaître pour Grecs ; 
puis des hommes montant à l'assaut et dont le costume et les 
petits boucliers sont évidemment africains. Ce sont, je pense, 
des Cyrénéens. Deux pionniers, à gauche, cherchent à les pro- 
téger, par un abatis d'arbres, d'une attaque de cavalerie. 
N'est-ce point là l'armée toute grecque d'Onésile? — 4" A 
droite, un bige sous les chevaux duquel court un chien, deux 
cavaliers (égyptiens quant à l'équipement, mais non quant au 
type) et quatre archers asiatiques, et, à gauche, deux cavaliers 
(archer et lancier) accourant au galop, semblent vouloir attaquer 
non les murs de la place^ mais évidemment, bien plutôt les 
assiégeants. C'est l'armée d'Artybius. 
Le cercle de croisillons entrelacés de ces tQuffes de franges 

1. ...eiT* *A|Mi6oû; ic6).i; xal iiexo^ ycoXi/vt), llvXaià xaXouyisvY); xal^ôpo; [kOLozoïiZii', 
^Xvt&icoc. Strabon, liv. XIV, ch. in. 

2. Hérodote, liv. V, ch. cxui. 



- r. : r T z. 



*- *> ^ •, 



\\v:.t tr. -' \.Tr.z\t irztzzinz *r. 'rjkr=i'jzyt irez k sqjcr qu'il 
tr^t^irt. r r. c d:r-r ps.* et s^cns z:r±::qac oxnsie les lignes 
brl^^t* tt -t* i'^-î.tt tcrsôds* qjc rions zv&ss vues précédcm- 



«« V iv«* •• 



^2. — LA irONDACHE «PL. IX). 



I>i«que de tole de bronze de o*.3o5 de diamètre et 1/2 milli- 
mètre d'épaisseur. Un cône allongé et pointu formé parla feuille 
même du métaL n^ais brisé maintenant, servait d ombilic, de 
o*-07 à o*,o8 de saillie. 

En chacun des quatre points du pounour. équidistants et près 
du bord, sont deux trous, percés à o*,o23 Tun de Tautre. Ils 
servaient, je pense* à fixer par des fils de bronze le disque lui- 
même, sur une armature analogue à celle des rondaches orien 
taies des musées modernes. 

I^s ornements ont été esquissés au repoussé et terminés par 
un trait de gravure. Les plus importants sont : i* la double 
torsade mystique que nous venons de voir sur la patère et que 
celle d'Idalie présentait aussi ; 2*" la zone formée d'une suite de 
groupes représentant le lion solsticial dévorant le taureau équi- 
noxial, sujet fréquent sur les monnaies et les monuments de 
rOricntchaldéen. Parmi ces groupes est un emblème qui me 
paraît représenter le soleil (figuré en demi-pâquerene comme 
celui de la nef isiaque) s'épanouissant en sortant du calice d'un 
lotus, symbole de Teau et dlsis. C'est la naissance d'Har-Pe- 
Krati au solstice d'hiver '. 

I. li cftt curieux du constater qu'aujourd'hui encore, dans les armoiries du 
(IliAliin-C.hAii, le lion persan est surmonte d^une moitié de soleil dont les rayons 
H'ini Ri-parc-H par couples. Ces couples ne se terminent point par des lignes con« 
vrxcs lOMinic dans la nef d'Isis ou les lotus du bouclier, mais par des queues 
ir.u'diidc. Ces tri>'s soleils sont tous de même style et de même figure : éventail 
ou ipiciic lie pno:i employée. 



^ 



AMATHONTE 149 

Cette rondache est identique à celle des Sarrasins, encore 
usitée en Syrie dans la joute au sabre, et qui paraît fort an- 
cienne. Elle ressemble, en effet, beaucoup à la cetra antique. 
Celle-ci était ronde % sonore et bruyante, c'est-à-dire en métal *, 
tantôt ciselée^ tantôt peinte ^, et quelquefois même recouverte 
de peau d'éléphant 4. La cetra faisait partie de l'armement des 
Bretons ^, des Celtibériens ^, des Ibériens 7, des Espagnols et 
des Africains ^ (elle se trouve évidemment dans les mains des 
deux guerriers qui, sur la patère, montent à l'assaut de la forte- 
resse, et me paraissent appartenir à l'Afrique). Connue dans 
toute l'Asie, elle dut être apportée par les Phéniciens Jusqu'en 
Bretagne par l'Afrique, l'Espagne et les Cassitérides. Il est pro- 
bable que ce furent les Ibères qui en firent le plus important et 
le plus constant usage et lui donnèrent son nom, car cetra ou 
cœtra est, selon Freund [Dict, lat.)^ un mot espagnol, traduit 
d'ailleurs d'une manière très indécise par les Grecs (xaiTp&tt, 
xaÎTpai, x^Tpai, xopTtai), Dans tous les cas c'était un bouclier 
très maniable dont on pourvut, dans l'infanterie romaine, les 
soldats armés à la légère appelés cetrati (Ces., De bello civ.^ 
VI, 39 ; I, 70). 

La rondache d'Amathonte est un rare spécimen, le seul peut- 
être, d'un prototype des petits boucliers orientaux (sarrasins, 

1. Lips., Analect,, De mil. rom., lib. III, dial. i; cf. Varro ap. Non., 82, xtiii; 
Dîod. Sic, lib. V, c. xzxiii. 

2. Lucan., Phars., lib. III, v. 348; lib. X, v. 23i ; lib. XVI, v. 3o. 

3. Lucan., Pkars., lib. III, v. 278; Lips., Analect., De mil, rom,, loc. cit.; Silius 
Italicus. — Pour recevoir la peinture, le bouclier devait au préalable être recou- 
vert de toile ou de peau. 

4. Plin., Hist. nat., lib. XI, c. zciii. 

5. « Certabatur Britanni ingentibus gladiis et brevibus caetris. » Tacite, 

Agric,, c. XXXVI. — La cetra bretonne est devenue le target écossais. 

6. •DicXiCovTori ôè... KeXri^iQpoiv ... tivè; 6à xupxiai; xvxXowpwiv à<niiô»v ixov^«iC f* I"" 
^i^. Diod. Sic, lib. V, c. xxxiii. 

7. Lucan., Phars., lib. VII, v. 232; lib. X, v. 23i; Hcsychius, Lex., v. Kai- 
tpéat. 

8. Servi us, Comm, ad Virg, yEn., lib. VII, v. 732. 



i5o CHYPRE 



tartarcs, indiens, chinois et malais), et cela seul suffirait à lui 
donner du prix. 



g 3. — REMARQUES ET CONCLUSIONS. 

De l'examen attentif de l'ensemble de la découverte d'Ama- 
thonte, on peut inférer que : 

l'^A l'exception des anneaux soi-disant monétaires et de la 
patère, les objets sont d'un caractère asiatique accentué; et pour 
ce qui concerne la rondache, le style asiatique se montre, dans 
les figures, très net, très vigoureux et même un peu abrupt ; 

2** Le tombeau fouillé était celui d'un guerrier; 

Z"" ht fourniment de celui-ci (sabre, gobelet, haches, ronda- 
che, flèches et probablement aussi carquois qui a disparu) se 
retrouve en Asie, surtout dans le centre, et les confins de la 
Perse et de l'Inde ; 

4* Le sabre et les pointes de fîèches sont non en bronze, mais 
en feVy probablement en cet acier trempé (damas) auquel les 
Orientaux devaient une supériorité d'armement qu'ils ont con- 
servée presque jusqu'à notre époque ; 

5° I-,es scarabées et cylindres, tous amulettes, ont servi au 
défunt et dénotent qu'il était de religion perse ou assyrienne ' ; 

6" Les guerriers asiatiques étaient représentés sur les monu- 
ments avec des bijoux ; 6r la présence de bijoux dans le tom- 
beau corrobore l'hypothèse que le défunt était Asiatique ; 

7^ Celui-ci n'était pas un simple soldat ; 

8" Son ensevelissement dans une riche sépulture de la nécro- 
pole d'Amathonte a été motivé par quelque chose; 

I. Ces amulettes, enfilées dans un cordon, se portaient soit au cou, soit en 
bandoulière, comme on le voit sur certaines statuettes de prêtres d^Adonis ou 
d'Atys, provenant du temple d'idalie cl d'autres. Les cylindres se portaient le 
plus souvent au cou. 



AMATHONTE i5i 

9** La patèrc, exécutée avec un talent plein de dégagé, de 
verve, de réalisme, par une main grecque ou par un artiste d'é- 
cole grecque, étant, comme je Tai dit, amathontine, le défunt ne 
l'avait pas apportée d'Asie avec lui ; 

loo Le caractère de ce genre de patères trouvées dans des 
tombeaux ou dans des temples (Citium, Curium, Idalie) est 
votif et commémoratif, et c'est aussi celui de la patère qui nous 
occupe ; 

1 1® La présence de cette patère dans cette tombe indique un 
rapport évident entre le défunt et Amathonte, je dirai plus, entre 
le guerrier et le fait militaire gravé sur l'argent ; 

12** Ce qui contribue à donner une grande valeur à cette dé- 
couverte, c'est qu'on peut assigner une date aux monuments 
qu'elle a produits, et qu'elle est comme l'illustration contempo- 
raine d'un fait intéressant de l'histoire de Cypre. 

Je termine en concluant : 

Un guerrier asiatique de Darius, s'étant distingué soit parmi 
les défenseurs d'Amathontc, soit dans l'armée de secours, la 
patère lui fut décernée comme récompense et souvenir honori- 
fique par les habitants de la cité. Il eut ensuite une sépulture 
(honorifique aussi probablement) dans la nécropole, parmi celles 
des autres citoyens. 



CHAPITRE CINQUIÈME 



CURIUM 



LES FOUILLES DE CURIUM' 

• 

La voie romaine qui contournait l'île de Chypre reliait 
Amathonte à Curium parNémésos (Limassol). La distance to- 
tale était de 16 milles romains (carte de Pcutingcr) ou 23 kil. 
700 met., qui, mesurés sur une carte moderne, à partir des 
ruines d'Amathontc, conduisent la pointe du compas jusqu'à 
un lieu dit Episcopi^ non loin de Tembouchure de la petite 
rivière du même nom (l'ancien Lyctis). 

Les ruines de Curium sont sur un plateau rocheux qui 
domine la plage d'Épiscopi. 

Elles sont très importantes. Elles ont été tout récemment 
explorées et fouillées par le général de Ccsnola, dont les inté- 
ressantes découvertes feront le sujet de cet article. 

g I. — CURIUM. 

Curium est à cinq heures de chemin d'Amathonte. Elle était 
bâtie sur le sommet d'une colline calcaire élevée de plus de 

I. Revue archéologique t XXXI II, p. i et suiv. (1877). 



134 CHYPRE 

5oo mètres au-dessus du niveau de la mer et presque inacces- 
sible de trois côtés. 

Au sud et à l'est le rocher a été taillé perpendiculairement 
ou à pic, et la surface en est toute percée d'ouvertures donnant 
accès dans des tombes disposées sur trois rangs. Les unes sont 
voûtées en four, les autres sont des cellulœ carrées. On en voit 
beaucoup d^autres pareilles aux collines avoisinantes. 

La ville était complètement entourée d'un mur de i'",20 
d'épaisseur. Des degrés taillés dans le rocher donnaient , au 
sud, accès à une porte dont les traces sont encore visibles. 
A rouest,.une autre porte, ayant vue sur la mer, était proba- 
blement la principale. Elle était flanquée de deux tours de 
25 pieds anglais de diamètre (7"*,65), servant plutôt de vigies 
que de défense. 

La superficie de Curium parut au général de Cesnola dépas- 
ser celle d'Amathonte et offrir autant de débris au chercheur 
que Néa Paphos. 

Au-delà des murs étaient encore des habitations dont les 
traces sont apparentes. Et à dix minutes de l'enceinte, au nord- 
est, se trouve un vaste hippodrome dont le périmètre est en- 
core très visible. Sa longueur était d'environ 394 mètres; 
l'entrée regardait la ville, — A l'est de ce monument sont les 
restes d'un aqueduc. 

A vingt minutes de chemin au nord-ouest de l'hippodrome, 
dans un lieu que les habitants d'Épiscopi nomment Apellon^ 
sont des ruines que M. de Cesnola reconnut pour être celles 
d'un grand temple. 

M. Charles MuUer place dans cette région, sur sa carte de 
Cypre (Atlas des Petits géographes grecs)^ dans un site dit 
Apollonie (Apellon ?), la ville de Hj^le^ celle dont fait mention 
Etienne de Byzance (v. "if^r.), et où Ion adorait Apollon Hy- 
lates {teste Lycophron). Il se pourrait que M. de Cesnola ait dé- 
couvert là les ruines d'un sanctuaire célèbre dont le dieu était 






CURIUM i35 

encore adoré à Tembrus (Tejjiêpo;), Amamassus ÇAïunuLaoéç) et 
Érystheia (*Epuc6eia), au dire du géographe grec Dionysius de 
Samos (troisième livre des Bassariqiies^ 'Epuo6eia). 

Dans Tenceinte des murs et à cinq minutes de la porte du 
midi, les ruines d'un théâtre (hémicycle de 236 mètres de tour); 
puis beaucoup de décombres réunis en amas (dont M. de Ccs- 
nola compta jusqu'à dix-sept) et indiquant, vu la richesse des 
matériaux (granit et marbre), d'importants édifices. 

Rien n'est resté debout. — Quelle est la cause de ce boule- 
versement? Un tremblement de terre ou les terribles repré- 
sailles des Juifs à l'époque d'Hadrien ? L'un et les autres, ajoutés 
aux excès du fanatisme chrétien, ont sévi dans toute l'île et 
n'ont pas plus épargné Curium que les autres cités. 

Curium s'appelait en grec Koiîptov ou Koupiàç, de Koupéoç, fils 
de Cinyras selon Hérodote. La voluptueuse Curium^ disait-on 
de la ville et de la contrée. Œuvre d'un Cinyrade, la ville aurait 
été phénicienne; c'était une colonie argienne, d'après Héro- 
dote et Strabon. Elle possédait un temple fameux dédié à Apol- 
lon, et un bois sacré peuplé de cygnes et de cerfs '. Les profana- 
teurs de ce sanctuaire vénéré étaient jetés dans la mer du haut 
des rochers d'un cap voisin. Pendant la guerre de l'indépen- 
dance des Grecs contre les Perses, les Curiens et leur roi Stésé- 
nor trahirent l'insurrection à Salamine et la firent avorter *. 
Enfin, d'après des inscriptions que j'ai publiées dans la Revue 
archéologique (février 1875) 3, on aurait adoré à Curium une 
divinité nommée /^^r^e///é [(nEP2ETTH), qui| pourrait bien se 
rapprocher de Persée (patron d'Argos). 



1. Voir plus loin la description de la patcrc dVlectrum. 

2. Steph. Byz., v. Koupiov; Ptolem., Geogr., lib. V, c. xiv; Plin., //. N., lib. V, 
c. XIII ; Hcrodot., lib. V, c. cxui; Sirabo, lib. XIV, c. vu; ^lian., Nat, anim,, 
lib. V, c. Lvi; lib. XI, c. vu. 

3. Voir plus loin. 



i56 CHYPRE 



§2. — LA FOUILLE ET LE TRÉSOR- 



Se trouvant au milieu même des ruines de Curium, M. de 
Cesnola voulut faire dégager une colonne de granit pour la 
mesurer et trouva, au-dessous, une mosaïque rectangulaire 
cantonnée de grandes fleurs de lotus et toute dans le goût 
égypto-assyrien. Elle avait été, conjeaure M. de Cesnola, forte- 
ment endommagée par quelque chercheur de trésors, lequel, 
n'ayant rien trouvé à cinq pieds de profondeur, abandonna son 
travail. 

Après un examen attentif, il parut au général qu'il devait y 
avoir au-dessous une excavation voûtée. A vingt pieds plus bas, 
en effet, les fouilleurs tombèrent dans un passage souterrain 
creusé dans le roc A et long de 1 1 pieds, haut de 4, large de 
4 1/2. Au bout, une porte B, fermée par une dalle et donnant 
accès dans une chambre C en demi-rotonde et remplie de terre 
jusqu'au plafond. Le déblayement commença et amena bientôt 
la découverte d'une seconde porte ouvrant sur une chambre D 
pareille à la première et, comme elle, pleine de terre. La porte 
a 2 pieds anglais 7 pouces de haut, 3 pieds de large, i pied 
4 pouces d'épaisseur. Deux chambres E F furent encore décou- 
vertes, pareilles aux autres, la dernière formant angle droit avec 
les précédentes. Les trois premières ont 23 pieds de long, 
14 pieds 6 pouces de haut, 1 1 pieds de large. La dernière a 
seulement p. a. 2 1 X 14X9. 

Au-delà de celle-ci fut découvert un couloir A qu'on ne put 
suivre, vu la chaleur et la raréfaction de Tair, que sur un par- 
cours de i3o pieds. Sa direction est nord, ainsi que celle de la 
dernière chambre. Les trois premières et le passage d'entrée 
ont la direction est. 




CURIUM 



i57 



Cette accumulation de terre était évidemment intentionnelle 
et faite pour arrêter ou ralentir des recherches dangereuses. Un 




tamisage fait avec soin le démontra et amena la découverte et 
la récollection des objets suivants : 



i** CHAMBRE. — Trésor dor. 

!• Deux bracelets spirale (<7(ptY>tT/;p), or plein, à peu près pa- 
reils et pesant ensemble plus de 3 livres anglaises. Ils sont for- 
més d'un boudin faisant deux spires (i + 1/2 -+- 1/2). Diamètre, 
o", 1 1 ; diamètre du boudin, o",or. 

Dans l'intérieur du cercle est gravée cette inscription en chy- 
priote de première époque : 

Lecture de gauche à droite. 

2* Petits anneaux massifs de même forme, identiques à ceux 
qui, trouvés à Amathonte, Dali, etc., ont paru au général repré- 
senter de la monnaie {/?er. archéol.^ janv. 1876, p. 26) '. 

3* Grosse bague dont le chaton est formé d'une grande amé- 
thyste flanquée de deux tctcs. (Bague sacerdotale ?) Beau tra- 
vail. 



* I. Voir plus haut, p. i38. 



i58 CHYPRE 

4* Chaîne de cou, chaîne souple dite chaîne-cordon. Elle 
se termine par deux têtes de serpent de la bouche desquelles 
sort un crochet. 

5** Pendeloques de cou (amulettes) consistant en : 

Olives allongées en agate-onyx garnies de douilles en or tra- 
vaillé. La plus belle peut se démonter et est flanquée des deux 
plumes qui ornent ordinairement icpschent royal égyptien. — 
Orbite en or d'un œil qui devait être en émail ou en pierre et 
qui n'existe plus. Trois chaînettes y sont appendues ; à chacune 
attiennent deux clochettes coniques et godronnées. — Une 
paire de croissants renversés et dont chaque pointe est ornée 
d'une chaînette et de clochettes comme ci-dessus. Ces croissants 
renversés se retrouvent encore aujourd'hui, dans tout l'Orient, 
comme ornement-amulette sur le poitrail des chevaux ; on les 
fait alors le plus souvent, en Syrie et en Egypte surtout, de 
défenses de sanglier réunies par une monture d'argent. — Une 
paire de disques ornés d'une élégante étoile à six branches dans 
une bordure de perles et de cercles ; l'un et l'autre en filigrane 
d'applique. Les pointes de V étoile forment volutes opposées^ 
entre lesquelles s'épanouissent des palmettes trilobées. Entre les 
branches, à^s figures coniques à silhouette de pomme de pin ou 
de cyprès. — Disque plus grand dont la bélière occupe près du 
tiers du pourtour. Au centre, onyx à deux couches simulant un 
œil à large prunelle, et encadré d'une étoile à seize pointes et 
d'ornements formés d'un grènetis microscopique. Pareil semis 
se voit sur d'autres bijoux et rappelle le travail étrusque. Neuf 
chaînettes à clochettes, comme celles précitées, garnissaient le 
pourtour du disque. Il n'en reste que deux. 

6** Cachets à pivot, or plein, et pierre gravée avec bélière 
pour porter au cou. 

7® Bagues tout or, et bagues à cachet de pierre monté à pivot; 
bagues en or vide, etc. Les pierres représentent toutes des 
divinités égyptiennes ou assyriennes. 



CURIUM i59 

8» Boucles d'oreilles, d'or vide pour la plupart, de différents 
modèles dont presque tous se sont retrouvés en Syrie. L'une 
de ces boucles tient à un morceau de bois provenant évidem- 
ment d'une statue. 

9® Bracelets de bronze recouverts de feuilles d'or (baguette 
ronde formant anneau ouvert); quatre grands, deux moindres. 

10® Gros bracelet fait de même; les deux bouts se terminent 
par une tête de lion à gueule ouverte et par une pointe des- 
tinée à être insérée dans cette gueule. 

Il® Feuilles d'or estampées, fleurons, plaques de boucles, 
bandeaux de front, etc. 

12' Grand nombre de feuilles d'or non estampées et débris 
de feuilles ramassées après tamisage des terres. Je partage l'opi- 
nion de M. Clermont-Ganneau % qui voit dans ces feuilles des 
débris de la dorure de statues qui devaient être en bois, comme 
le ferait supposer le fragment auquel tient une boucle d'oreille 
(voir plus haut). 

i3® Colliers : Collier à un rang, perles d'émail noir avec des 
perles et des tubes d'or; pectoral, une plaque ronde estampée. 
— Collier d'amulettes (grappes de raisin, phallus, statuettes, etc.) 
et perles d'or; pectoral, un aninial. — Collier à deux rangs, 
chaque rang formé de deux perles d'or alternant avec une olive 
allongée; pectoral, petit vase (?) d'or flanqué de deux bulles 
piriformes. — Collier à deux rangs formés d'une alternance de 
perles d'or et d'émail noir de grosseur graduée, les plus petites 
au fermoir; pectoral, une tête ? — Tous ces colliers se retrou- 
vent sur des statues. 

14® Trois petits alabastrons en cristal de roche savamment 
évidé. A l'un d'eux est une garniture d'or qui ferme l'orifice en 
ne laissant qu'un petit trou au centre ; dans ce petit trou s'in- 

• !• Revue critique {ib juillet 187G). 



lOo CHYPRE 

sère une aiguille d*or fixée à un couvercle conique d*or. C'est 
peut-être un flacon à kohL 

i5° Un objet en pierre dure qui, dit M. de Cesnola^ paraît 
être un sceptre. :?\ 

i6» Une patère d*élearuin. 

2* CHAMBRE. — TtiSOT ^OTgenU 

I® Environ soixante bracelets d'adultes et d'enfants. Ces bra- 
celets sont presque tous massifs et de forme serpentine. A cha- 
cune de leurs extrémités est une tête d^aspic. 

2'' Anneaux et cachets à pivot formant bagues. La monture 
de la pierre dans ces derniers est parfois en or. 

3" Amulettes. 

4* Armilles-spirales de tous genres. 

5** Pendants d'oreilles. 

6"* Coupes et patères,. dont douze seulement sont en bonne 
condition. Le reste est très altéré par Toxydation; cinq, entre 
autres, empilées les unes dans les autres, forment un empâte- 
ment irréductible. 

7* Trois patères de vermeil. Elles étaient empilées; celle du 
milieu a seule été p^éser^'ée de l'oxydation et est intacte ; elle 
est gravée planche X. 

8" Patère fortement oxydée. L'intérieur était revêtu d'une 
feuille d'or gravée qui s'est conservée intacte, 

3« CHAMBRE. — Bimbeloterie, 

I® Une lampe et deux fibules de bronze. 

2® Petit bige en pierre calcaire avec un attelage rehaussé de 
couleurs. 

3** Vases et fusaïoles (je ne sais qui a inventé ce nom) d'aï- 
bàtrc. 



CURIUM i6i 

4* Vases en terre cuite : quelques-uns ont la forme d'une 
femme ; sur d'autres, des figures de femmes se détachent en 
relief; d'autres présentent de riches peintures purement orne- 
mentales et de dessins variés. 

5® Groupes en terre cuite représentant des chevaux, des cava- 
liers, des scènes de la vie domestique. 

6" Trois statuettes d' Astarté. 

7" Ivoire. Figure de style égyptien dans l'attitude du som- 
meil. (Couvercle de boîte?) 

4« CHAMBRE. — Trésor de bronze ^ cuivre et fer, 

I" Plusieurs candélabres et lampadaires de bronze de hau- 
teurs diverses. Les uns ont 5 pieds de haut, les autres moins 
d'un pied. 

2® Bassin de bronze de o",3o de diamètre et o",o6 de hauteur 
(calotte de sphère). Une anse de suspension mobile entre deux 
anneaux rivés est fixée à l'extérieur, près du bord. Au centre, 
une pâquerette à 22 pétales que circonscrit la torsade mystique, 
et, sur celle-ci, 12 palmiers (?). Autre torsade circonscrite par 
3i palmiers (?) entre lesquels se voient, à égale distance les unes 
des autres, 4 antilopes (genre oryx leucoryx de Darwin, Des- 
cendance de Vhomme, t. II, p. 263). Enfin le bassin est pourvu 
d'un plat-bord de o",o2 de large et orné de 47 lentilles en relief 
de o",oo6 de diamètre chacune. 

3® Un beau mors de cheval. Bronze. 

4® Une sandale de femme. Bronze. 

5** Trois grands vases avec poignées figurant des lotus. 
Bronze. 

6® Marmites, vases, coupes, miroirs avec ou sans poignées. 
Bronze. 

7* Fers de lance, dague ou poignard. Bronze. 

8** Poignard de fer, presque intact. Il a conservé une partie 
de son manche fait de bois. 



1 1 



iG2 CHYPRE 



9' Six têtes bovines, deux pattes de lion et deux jambes de 
cerf, le tout en fer très ox)'^dé. Le général de Cesnola voit 
dans ces débris les fragments d'un siège. 

io° Cerfs, éperviers, grenouilles en bronze, etc. 



PASSAGE SOUTERRAIN OU TUNNEL. 



On y a trouvé des vases de bronze et beaucoup d'objets en 
forme de boutons (?), en bronze également. 

A tous ces trésors il faut ajouter des cylindres assyriens, dont 
quelques-uns très beaux et en agate blanche. Plus, des amu* 
lettes en hématite dont une représente une rainette. 

Après avoir vainement essayé de creuser des puits dans la 
direction du tunnel pour retrouver celui-ci et y faire pénétrer 
Tair respirable, le général dut s'arrêter devant la dépense et le 
temps perdus. A son grand regret, il dut aussi, par ordre de 
l'autorité, combler les souterrains et niveler le sol, conditions, 
du reste, énoncées dans son firman. Après quoi il retourna à 
Larnaca. 

g 3. — LES PATÈRES. 

J'en ai vu quatre. Elles ^3nt fort remarquables. J'en décrirai 
trois ici; la quatrième (pi. X) fera l'objet d'un autre paragraphe. 

I® Patère d'argent à moitié rongée par l'oxyde. Ce qu'il en 
reste représente : une fleur épanouie, au centre, puis trois zones 
concentriques de scènes curieuses où il est possible, je crois, de 
reconnaître les épisodes d'une campagne militaire. Une étude 
patiente du monument donnerait quelques résultats intéres- 
sants. — Patère importante et dont le mauvais état est des plus 
regrettables. 

2* Patère d'argent oxydée. L'intérieur est plaqué d'une feuille 
d'or pur gravée et que l'oxyde a soulevée en différentes places. 




CURIUM iG3 

Au centre, taureau debout, le globe solaire entre ses cornes. 
Ctsx Apis-Osiris ; il est exécuté avec une maestria admirable. 
— Zone circonscrite contenant plusieurs répétitions du même 
sujet : un cheval paissant ou buvant. Elle est entourée par une 
autre zone reproduisant plusieurs fois la vache allaitant son 
veau, — Il est à noter que ces trois sujets sont des revers de 
médailles (voir les tables de Mionnet). Ils ont été burinés dans 
la patère avec un rare talent. 

Ces deux patères ont la même forme et à peu près les mêmes 
dimensions que les patères d*Amathonte et du Louvre : une 
calotte de sphère de o",20 de diamètre et o",o35 de hauteur 
environ. 

3* Patère d'électrum, intacte bien entendu. Forme : le bonnet 
des Dioscures ou un demi-œuf. Diamètre, o", 14; hauteur, o",o5. 
Cette patère me paraît avoir été un vase à usage, vu sa forme 
profonde. — Au centre, un gros bouton repoussé d*où s'épa- 
nouissent des pétales ou des rayons, puis une zone guillochée 
figurant le sol. Dans ce sol sont plantés, à égale distance, des 
arbres qui me paraissent être des palmiers et qui forment ainsi 
une élégante couronne. Sous ces arbres, à égale distance les uns 
des autres, sept oiseaux aquatiques accroupis. Enfin, circons- 
crivant le tout et formant bordure, une zone d'arbres iden- 
tiques sous lesquels sont couchés des biches et des cerfs. — Ces 
cerfs et biches, dans l'attitude du kief, justifient pleinement le 
passage d'Élien relatif à ceux de ces animaux qu'on trouvait au 
bois sacré d'Apollon à Curium [De nat, anim.^ lib. XI, c. vu). 
Je traduis : « A Curium, quand les biches, ai tkoi(fOi (il y a nom- 
bre de ces fauves, et beaucoup de chasseurs s'emballent à leur 
poursuite), s'enfuient vers un sanctuaire d'Apollon qui se 
trouve là (c'est un bois sacré très étendu), les chiens aboient, 
mais n'osent pas avancer ni entrer. Ne bougeant pas de là et 
broutant leur pâture sans émoi et sans appréhension, les 
biches, par une sorte d'instinct secret, se confient au dieu lui- 



même pour leur propre salut ' . » {Cf. lib. V, c. i.vi.) D'un autre 
côté, le palmier était consacre à Apollon de Délos (Élien, Var. 
Hislor., lib. V, c. vi ; Hymnes homér., lu Apoll., v. 19; 




Hygin, fab. 53 ; Callimaque, In Del., v. 2o5). Cet arbre 
avait emprunté son nom aux Phéniciens, qui le propageaient 
partout où ils allaient. 



I. M. Clcrmont-Ganneau a relevé une citation analogue dans El Moqaddeef 
éd. de Goëje, p. ittS); il s'agit, dans l'auteur arabe, de la monxagne Siddiqa.ean- 
tenant un tombeau du prophète Siddiq et une mosquée, lieu de pèlerinage an- 
nuel ; » J'ai entendu prétendre que le chien poursuivant un fauïc, quand il ar- 
rive à cette limite, s'arrête. » D'après Yaqout (t. III, p. a6, éd. Wûstenfeld), le 
tombeau de Siddiq se voit dans un village de Palestine portant le nom Sylvain 
de Chadjara (arbre). 



CURIUM i65 

Il est naturel d'inférer de tout cela que la patère confirme à 
la fois et commente le passage précité d'Élien, en nous mon- 
trant le bois sacré d'Apollon Curius peuplé de ses biches, en 
nous apprenant que Tessence de ce bois était le palmier, qu'il y 
avait des cerfs avec les biches et qu'il s'y trouvait aussi des cy- 
gnes, seuls palmipèdes, du reste, consacrés également à Apol- 
lon. [Collection Hamilton, Vases, t. II, pi. 12; El. des mon. 
céram.^ t. II, pi. 12 ; Callimaque, /// Apoll., v. 5; /// DeL, 
v. 249; ÈWtn^Denat. ani?n.,l. XIV, c. xiii ; id,^ 1. II. c. 32.) De 
plus, cette patère permet de supposer que, ayant le caractère 
hiératique et apoUinique, elle faisait partie du trésor d'un tem- 
ple d'Apollon dont elle représente le bois sacré, et que c'est ce 
sanctuaire, cité par Élien, que le général de Cesnola a eu le bon- 
heur de découvrir et d'explorer (cf. le bassin de bronze précité). 
Ce fait donne une singulière valeur à tout le reste de la trou- 
vaille, qui alors représente en totalité (?) les ustensiles et les 
ex-voto d'un temple chypriote de second ordre, et peut, après 
étude suivie et attentive, donner lieu à de curieuses remarques, 
voire à d'intéressantes découvertes. 

Tous ces objets ont été enfouis sous une couche déterre, et ce 
aifec soin^ tranquillement et à tête reposée^ c'est-à-dire sous le 
coup d'un danger prévu et non imminent. Ceux qui connais- 
saient la cachette, ou sont morts après la catastrophe, ou ne 
sont jamais revenus. Il est probable qu'ils étaient peu nom- 
breux. Le fait d'avoir voulu sauver des objets de peu de valeur 
intrinsèque (bois, fer, bronze, terre cuite, pierre, etc.) implique 
l'appréhension d'un sacrilège et une préoccupation religieuse 
qu'on ne peut attribuer qu'à des desservants du sanctuaire. 

Pour donner une date approximative à l'enfouissement et à 
l'événement qui y donna lieu, il faudrait examiner attentive- 
ment toute la collection, étudier ceux des monuments qui 
paraissent les moins anciens, reconnaître ainsi leur époque et 
diriger, d'après cette donnée, ses recherches dans l'histoire. — 



i66 CHYPRE 



Les guerres ayant un caraaère religieux sont rares dans l'anti- 
quité, surtout à Chypre ; elles n'apparaissent sérieuses et fré- 
quentes en Orient qu'après la naissance du christianisme. Ce 
sont peut-être alors les annales des deux premiers siècles de 
l'empire qu'il faudrait consulter. 



g 4. — UNE PATÈRE DE CURIUM'. 

Trouvée au temple d'Apollon Curius. — Diam., o"',20 ; 
haut., o",o3. — Vermeil. — Calotte de sphère. — Les figures 
sont repoussées et gravées. — Style égypto-assyrien. — Assez 
bon travail, surtout dans les figures d'animaux. 

EXPLICATION. 

Centre. — El-Cronos aux quatre ailes tue le lion solsticial 
avec une cpée de tous points identique au n** i des trois épées de 
bronze du rocher d'Alies (à Menet, département du Cantal), pu- 
bliées dans la Revue archéologique (déc. 1872, t. XXIV, p. SSy). 

Les deux éperviers qui accompagnent Cronos sont deux 
Horus (voir à l'explication de la deuxième zone, celle du groupe 
d'Osiris), celui d'orient et celui d'occident, qui se résument 
sur d'autres monuments orientaux, à Ptérium, par exemple, 
dans l'aigle à deux têtes (cf. Musée Napoléon III, pi. X, patère 
de Citium, aujourd'hui au Louvre). Cette scène, tout assyrienne 
d'origine, représente l'époque caniculaire, dont Hercule étouf- 
fant le lion est une traduction ultérieure due aux Ty riens ^. 

* I. Revue archéologique, XXXIII, p. 117 et suiv. (1877). 

2. La formation de ce mythe d'Mercule est remarquable en ce qu'elle a été 
méthodique. EflFectivcment : Horus viril, après avoir vaincu le taureau équi- 
noxial, prit ses membres de derrière et se vôtit de sa dépouille (voy. Rev. ar- 
chcoL, août 1874, t. XXVIII, pi. XIV, fig. 3, art. de M. Em. Soldi); puis^ après ce 
laps trimestriel, où tout est fécondé dans la nature (laps symbolisé par une anti- 




CURIUM 167 

El-Cronos, patron primitif de la Phénicie, est fils d'Uranus, 
patron de ces Atlantes qui colonisèrent TEurope par Touest et 
furent les aînés de ces autres Atlantes, les Phéniciens, qui vin- 
rent par rOrient civiliser le vieux monde. Ces Peaux-Rotiges^ 
portés par le grand courant équatorial de Tocéan Pacifique, 
peuplèrent la Malaisie ' et de là, poussant à Touest, abordè- 

lope), il attaqua, chauve et déjà mûr, le lion solsticîal. Celui-ci vaincu, Horus, 
vêtu de sa dépouille, est l'Hercule des Phéniciens, qui devrait être figuré sur le 
déclin de Tâge^ mais qu'une faute orthiconographique et orthomythique a fait 
représenter quasiment adolescent. DansPidée d:s Phéniciens, sans doute, le so- 
leil, au summum de sa force, ne pouvait logiquement prendre un aspect sénile, 
être chauve {hlq = Alc-idcs), comme sur le cylindre précité. 

Le lion solstitial est le lion de Cybèie; la pomme de pin, par exemple, placée 
sous le Cronos en fait foi. Le lion symbolise Tintensité productive de la terre à 
cette époque de Tannée où le soleil, restant au-dessus de Thorizon dix-huit heu- 
res sur vingt-quatre, surchauffe le sol et fait sentir le bienfait de sou vicicieux 
rayon, de son glaive d'or (âa>p), jusque dans les couches souterraines, là où sont 
les racines des plantes. Cet emblème léonin est devenu une constellation. Comme 
tel, il est intimement lié à la destinée du soleil et inséparable d*avec lui. Ainsi 
les armoiries du Chdhin Chah nous en offrent un exemple : le mi-soleil paraît der- 
rière le lion terrestre et celui-ci tient le sabre de victoire, souvenir du Chrysaorius 
d'antan. Le lion est donc Panimal cybélo-isiaque par excellence; il est à la Ft) 
M^p, Mater^iaftnere universelle, ce que Taigle est à Jupiter et le serpent à Escu- 
lape. Aussi est-il funèbre. Avec une tête de femme, il est le sphinx, Neith, la na- 
ture organisée et vivante; avec une tête aquiline, il est le gryphon, ou Vécorce 
du globe. 

Le solstice d'été peut donc être exprimé par un seul ou deux signes : Pun cybé- 
lique et astronomique, le lion; l'autre purement solaire, le personnage aux pri- 
ses avec le fauve. 

La scène du centre de la patère représente donc la pénétration ultime, par le 
rayon solaire, aux approches de la Canicule, du sol productif à Papogée de sa fé- 
condité. Les Phéniciens ont quelque peu modifié ce mythe dans la personne de 
leur Hercule; ils ont d'abord figuré Cronos jeune. Dans la suite, ils ont remplacé 
son glaive par une massue, qui ne pénètre pas, mais assomme et opère sur la 
surface. Quelquefois même Hercule n'est pas armé; ilétreint le lion et V étouffe ; 
il s'en rend maitre. Il est vraiment alors Melk-Arth, le dominateur de la terre. 
Ce Cronos jeune et sans ailes est, en un mot, un Horus. 

I. Les Malais d'aujourd'hui sont une race rouge profondément abâtardie par 
un mélange constant avec les races jaune et papoue. A part cela, leur identité avec 
les Phéniciens est absolue. Comme eux, ils sont excellents matelots, navigateurs, 
industriels, teinturiers, négociants, colonisateurs, planteurs, forbans, etc., etc., et 
de tous points fort intelligents. Thèse à développer. 



i'^ CHYPRE 

rent au golfe Persique, où ils fondèrent^ non loin de Tembou- 
churc du chott El-Arab, Tylos et Aradios, etc. 

L'El-Cronos de la patère me parait être le Jupiter Chn'saonw^ 
(et non Chnsaor, Jupiter chrysaorieii ou à Tépée d or; que les 
Cariens avaient pour patron et adoraient surtout à Stratonicée 
'Chn'saoris . 

Le parèdre femelle d'El-Cronos est, enfin, cette ténébreuse 
déité aux quatre ailes. Méduse, représentée dans un rôle funèbre 
sur le sarcophage d'Athiénau Rej\ archéoL, janv. 1875) ', 
Méduse, dont la tête, reproduaion grimaçante de celle d'Athor, 
est le disque lunaire et se substitue au disque solaire (voir les 
antéfixes de la collection Campana au Louvre) pour marquer le 
temps nocturne. Méduse est le Cronos de la nuit ^. 

Premier cadre circulaire. — La double torsade. Cette tor- 
sade jouej'un rôle considérable dans Tornementation grecque 
et, comme les autres origines de celle-ci^ a un caractère hiéra- 
tique. Nous voyons en effet cette torsade occuper sur certains 
monuments, rares du reste, une place des plus significatives 
et des plus importantes. Ainsi, par exemple : 

I* Sur une lagène à anse de Dali (collection de Cesnola) une 
scène est peinte qui nous représente un petit tronçon de la tor- 
sade posée sur les rayons du soleil placé sur un arbre mystique 
un peu défiguré; deux oiseaux becquètent les volutes infé- 
rieures, et deux prêtresses debout, en tuniques talaires et à 



' I. Voir chapitre deuxième^ II. 

2. Il va sans dire que cette lune demeurant visible, en son pleinj àla clarté du 
jour quand le rayon solaire a vaincu et fait disparaître les ténèbres, est bien le 
Gorgonium séparé de son corps aux quatre ailes sombres par la harpe de Reseph- 
Apollon. 

Le nombre quatre des ailes des deux Cronos est assez difficile à expliquer. 
Peut-être symbolisent-elles la division (toute mariiiuie chez nous), par les Chal- 
déens et par les Phéniciens, du temps en quatre quarts de jour et en quatre 
quarts de nuit. 




CU.RIUM 169 

queue^ touchent les volutes du haut. L'une des figures tient une 
aiguière par le goulot. 

2* Une grande bardaque de Dali (même forme de ballon que 
la première, mais pne tête de femme formant goulot), décou- 
verte par le général de Cesnola et maintenant au Musée de 
Berlin, nous montre la torsade peinte en blanc et encadrant 
une grossière et très curieuse figure d'Isis en tunique talaire, 
debout et tournée à droite. Cette figure est rehaussée de blanc 
aux bras, cou, épaules, poitrine, ceinture. Elle flaire un lotus 
blanc. Devant elle, un lotus blanc aussi. Derrière elle, un lotus 
blanc^ surmonté de deux volutes également blanches^ et sup- 
portant le soleil levant. Cest, en abrégé, Tarbre mystique. Sauf 
quelques pétales de lotus et V astérisque ij) qui pend au cou de la 
figure du goulot, tout le reste du dessin se détache en traits 
noirs sur le fond ocre du vase. Isis et les emblèmes d'Isis 
étant marqués en blanc, j'émets Thypothèse que la torsade, en 
blanc aussi^ et très apparente, est un attribut isiaque. 

3* Un cylindre babylonien publié par M. E. Soldi {Repue 
archéologique^ sept. 1874, t. XXVIII, p. i5i, pi. XV, fig. 5) 
nous montre une Vénus nue debout, le corps de face, la tête 
à gauche. De chacune de ses épaules Feau jaillit. A gauche, en 
haut, une étoile; un peu au-dessous, un objet rond (un 
fruit?). A gauche encore, une figure en tunique talaire 
et coiffée d'une tiare (Astarté ?). A droite, une petite 
figure nue, portant une ceinture (r). De ses épaules jaillit de 
Teau. Au-dessus d'elle, fragment de torsade de 7 tores; au- 
dessous, fragment de 5 tores seulement. — Cette scène est 
l'antithèse de la Vénus conccptive ou aquatique » avec la Vénus 
astronomique. — La position des deux torsades montre que 
celles-ci se rapportent à Vénus et encadrent son Jils Eros. 



I. Voy. Rev. archéol., janvier 1876, t. XXXI, p. 27, note 2 (patère et rondachc 
d'Amathontc). * Chapitre quatrième. 



I70 CHYPRE 

La torsade est bien^ d'après ce cylindre^ un symbole aphro-- 
ditique. 

4* Sur une lagène à anse trouvée à Oromidia par le général 
de Cesnola, une figure qui semble masculine, et tournée à 
droite, forme le sujet principal peint sur la panse du vase. Le 
personnage est coiffé d'un pschent et tient un sceptre de la 
main droite, un oiseau sur le poing gauche. Il est vêtu d'une 
tunique collante ; ses jambes sont nues et écartées. Devant lui, 
une sorte d'arbre (?). Entre ses pieds gît un fragment de tor- 
sade (3 tores). Les deux torons sont assez écartés Tun de 
Tautre et semblent deux serpents entrelacés, accouplés. Cette 
similitude et l'examen du monument précédent m'ont fait 
penser au ceste de Vénus et supposer que la torsade mystique 
n est pas autre chose. 

b^ R. H. Lang a publié dans le Numismatic Chronicle de 
1870 {Coins discovered in Cjyrus) la monnaie suivante, qui 
faisait partie du trésor du temple de Dali : N* 29. Bœuf de- 
bout à gauche. Au-dessus, lettre cypriote. ^. Deux filets de 
grènetis se coupant à angle droit et formant un champ occupé 
presque entièrement par une tête d'aigle tournée àjgauche. Au- 
dessus de cette tête, tombant de l'angle supérieur gauche, une 
feuille de lierre ? Sous la tête d'aigle, fragment de torsade de 
8 tores. Ici la torsade isiaque fait antithèse à l'aigle solaire, 
armoirie monétaire de quelque cité ayant Jupiter pour patron. 
L'importance de ce fragment est évidente et vient à l'appui 
de ce qui précède. 

6" Enfin les plaques de Ruad, rapportées par M. Renan, 
présentent un fragment de torsade sous forme de bandeau au- 
dessus du sphinx et de l'arbre mystique, accosté de deux gr)'- 
phons, sujets isiaques. 

Première \one, — Sphinx accroupi, coiffé du klaft et du 
pschent royal. Au-dessus, dans les deux cartouches carrés, des 



k 



CURIUM 17* 

traits informes simulant des hiéroglyphes^ . Devant et derrière, 
deux cyprès. 

Le sphinx représente ici la reine Isis, l'épouse d*Osiris, la 
nature organisée et vivante sous les regards de laquelle se 
passent les scènes qui forment six groupes distincts , dont 
presque tous sont des revers de médailles : i* lutte amou- 
reuse de deux taureaux; 2® le vainqueur emmène la génisse 
(dont par erreur le graveur a changé le sexe); 3^* vache allaitant 
son veau; 4** lion ayant fait sa proie d'un des bergers et 
attaqué à son tour dans les roseaux par un archer et un piquier ; 
5* cheval paissant ou buvant; 6" berger terrassé par un lion. 

Homère a chanté un épisode de ce genre (une attaque de 
lions) au vers SyS du XVIIP livre de VIliade (description du 
bouclier d'Achille, don de Vulcain) : « {Il y grava)... un trou- 
peau de bêtes bovines au front qui se relève. Elles étaient 
d'or et d*étain. Beuglantes elles se ruaient au sortir de la 
litière vers le pâturage, à travers le torrent qui gronde et les 
roseaux flexibles. Des bergers en or accompagnaient les bes- 
tiaux et ils étaient quatre. Neuf chiens les suivaient d'un pas 
tranquille. Mais voilà que deux terribles lions s'emparent, à 
la tête du troupeau, d'un taureau ruminant. Celui-ci, malgré 
ses mugissements prolongés, est entraîné. Les chiens étaient 
distancés ainsi que les éphèbes. Les lions déchirent la peau 
du grand bœuf et se régalent des intestins et du sang noir. 
Cependant les pâtres les poursuivent, excitant la vélocité de 
leurs chiens; ceux-ci répugnaient à mordre les lions, mais, 
s'arrêtant, aboyaient près d'eux tout en les évitant. » 

Sur la patère, comme on le voit, la scène ne se passe pas tout 
à fait comme sur le bouclier d'Achille ; mais elle est du même 
genre et paraît avoir été un sujet traditionnel. J'y reviendrai à 
la fin de cette notice. 

X. Tous ceux de la '2« zone sont pareils. 



172 CHYPRE 



Deuxième cadre circulaire, — La torsade. 

Deuxième :{one. — i® Premier groupe : Osiris vainqueur. 
Les trois hommes agenouillés et réduits à merci sont les nations 
de rinde, d'Asie et de Thrace. Osiris porte sur la tête le globe 
solaire accompagné des deux plumes et flanqué des urœus. 
Son arme est une massue, car il ne^verse pas le sang. Devant 
lui, Horus lui tend une palme de victoire; derrière lui, sa suite 
représentée par un soldat. Celui-ci, qui, je crois, est Mercure, 
car sur la patère du Louvre il a deux plumes à sa coiffure (les 
ailes du pétase), porte une prisonnière, TÉthiopie, évanouie 
sur son bras droit; sa main gauche tient un arbre, symbole des 
conquêtes, acclimatations et propagations botaniques d'Osiris 
(cf. Musée Napoléon III^ pi. XI, patère de Citium, aussi au 
Louvre ' ). 

Ce groupe est la reproduction, pour ainsi dire canonique^ 
d'un sujet célèbre sculpté sur maints monuments de TÉgypte, 
auxquels je renvoie le lecteur. 

2** Deuxième groupe à gauche : Personnage perçant un gry- 
phon de son glaive. Un petit épervier (omis par le graveur) 
vole derrière la tête de Thomme, qui est ainsi Osiris lui-même, 
Osiris Chrysaorius^ au glaive^ au rayon d'or. Le gryphon, 
c'est le sphinx avec une tête aquiline munie d'aigrettes, qui 
ressemble fort à celle du fameux oiseau secrétaire^ mangeur de 
serpents^ qu'on ne trouve plus guère qu'au cap de Bonne-Espé- 
rance. Le gryphon est un avatar d'Isis. C'est la croûte ter- 
restre qui enfante et dévore sans cesse^ d'où la tête de rapace. 
Elle absorbe aussi le rayon solaire que symbolise Vurceus 
sacré, d'où la tête d'oiseau secrétaire donnée au gryphon ^. 

1. Sur la patcrc de Citium, le mihir plane sur la tête d'Osiris et Horus est re- 
présenté par un épervier voltigeant, de tous points pareil à ceux qui accompagnent 
El-Cronos et qui sont ainsi des Horus. Ces variantes sont de peu d'importance. 

2. L'aigrette du gryphon est, dans la plupart des monuments, triple comme 




CURIUM 173 

Ce groupe signifie donc la pénétration du sol par les rayons 
du soleil, ou le défrichement, le labourage. On le retrouve sur 
une des patères du Louvre. Derrière le gryphon, Tarbre à bran- 
chesbien marquéesle sépare du groupe précédent. Sous le ventre 
de l'animal est une pomme de pin ou un conifère planté en terre, 
et emblème funèbre d'immortalité. Ce cône est évidemment 
ici un attribut géen ou tellurique, c'est-à-dire cybélo-isiaque. 

3' Deuxième groupe à droite : Personnage enfonçant son 
glaive dans le bec d'un gryphon terrassé sur des rochers et ne 
TOUCHANT PAS V arbre mystique placé à côté de lui (cf. patères 
du Louvre). 

Si le précédent gryphon est Vhumus de la croûte terrestre, 
celui-ci est le roc. L'un est fertile et le rayon solaire l'atteint 
jusque dans ses entrailles ; l'autre est stérile et le glaive d'or 
pénètre à peine dans ses fissures. Il n'a pas besoin de boire la 
vie; aussi n'approche-t-il pas de l'arbre sacré placé près de lui ; 
de cet arbre dont j'ai déterminé déjà le vrai sens », et sur lequel 
je reviendrai plus loin. 

4® Troisième groupe à gauche : Deux gryphons dans l'attitude 
consacrée et canonique, reproduite dans l'ornementation archi- 
tecturale, boivent la vie à même l'arbre mystique au moyen de 
deux tiges épanouies en calices de fleurs. 

Au ^Louvre (salle sémitique), une plaque de revêtement 
en marbre blanc, rapportée de Ruad par M. Renan, présente 
ce même groupe sous un semis de vaisseaux d'Isis, et la torsade 
mystique. 

celle de Voiseau secrétaire (voyez, pour Voiseau secrétaire^ le Magasin pittoresque, 
t. II, p. 12, i834). Lorsque Tanimal a un sens custodique il a des oreilles canines 
tendues en avant (voy. le musée égyptien du Louvre). Le gryphon (en grec Ypv4;, 
Ypuirà;i de xpuf(i> pour xpuirrw, couvrir) peut être rapproché de cette divinité assy- 
rienne ailée, à tête d*aigle, tenant un petit cabas et une pomme de pin qu'elle 
présente par la pointe. Ce personnage symbolise, dit-on, la mort. 

I. Voy. Rev. archéol., janvier 1876, mon mémoire sur la patéred'Amathonte. 
(♦ Voir plus haut, chapitre quatrième.) 



174 CHYPRE 

5° Quatrième groupe à gauche : La patère a un peu souffert 
en cet endroit, mais une étude attentive m'a permis de détermi- 
ner exactement le sujet ; c'est un cynocéphale luttant avec un 
lion. Le cynocéphale c'est l'incarnation de l'intelligence, du bon 
sens, du savoir, de la rectitude d'esprit : c'est Thot. Les anciens 
avaient remarque, comme on l'a constaté maintes fois depuis, 
que la supériorité intellectuelle du mandrille à tête de chien 
était reconnue, dans les forêts, par la plupart des petits quadru- 
manes tels que sapajous, babouins, macaques, ouanderous, 
ouistitis, etc., qui le prennent souvent pour arbitre de leurs 
querelles. 11 était tout naturel alors qu'on en fît l'incarnation de 
la sagesse et de la prudence. Le lion, qui signifie intensité ex- 
trême^ force suprême^ pourrait symboliser aussi bien la chaleur 
solaire au solstice d'été que la puissance productrice de la terre. 
Il serait à la fois héliaque et cybélique. Mais, avant tout^ il est 
l'animal de la grande déesse, ainsi que l'indique la pomme de 
pin plantée sous lui. 

La signification du groupe n'est pas douteuse, c'est la lutte de 
r intelligence humaine contre les forces brutales de la nature. 
Une des patèresdu Louvre offre deux variantes du même sujet : 
le cynocéphale est remplacé par un homme vêtu de la peau d'un 
lion et luttant contre un lion; derrière lui, un personnage iden- 
tique l'accompagne, portant sur ses épaules la lionne (dont il 
s'est rendu maître dans deux autres groupes) ; c'est un person- 
nage juvénile qui perce le lion de son glaive ; son acolyte, outre 
qu'il porte la lionne, tient une oie ou un cygne par le cou. 

Je serais porté à voir dans ces groupes delà patère du Louvre 
un personnage substitué au cynocéphale et qui n'est autre que 
Hercule ; celui-ci, le lion de Néméc et un oiseau stymphalide 
symbolisent ensemble la lutte et la victoire de l'intelligence sur 
des forces aveugles, indomptées et nuisibles. Hercule, dans ses 
travaux, c'est Horus qui, ayant quitté le nom solstitial de Melk- 
ylr//z, prend celui de Hor-Aqil^ Hor us-intellect^ Horus-ii^GÉ- 



CURIUM 173 

NiEUR, dont la légende fut, chez les Grecs, la synthèse immor- 
telle de Tépopée civilisatrice et utilitaire de la nation phénicienne 
dans les régions occidentales et maritimes du vieux monde. 
Hor-Aqil, ou Her^acles^ a gardé Tare et les flèches toutes puis- 
santes d'Apollon. C'est une preuve d'identité. 

& Cinquième groupe à gauche : Deux bouquetins dits ibex 
boivent la vie à même l'arbre mystique. Uibex se retrouve sur- 
tout sur les monuments de la Chaldée. J'en ai parlé plus haut à 
propos de la torsade. C'est un animal isiaque, quelquefois 
associé à la pomme de pin, et funèbre. 

7® Troisième groupe à droite : Isis ailée, tenant deux lotus et 
debout devant l'arbre mystique. Nous avons vu cette Isis sur la 
patère d'Amathonte, où elle avait un modiiis sur la tête. 

L'emblème est la modification phénicienne d'un sujet assyrien. 
En effet, un bas-relief célèbre du Musée britannique représente 
la grande déesse assyrienne Anat deux fois figurée debout, des 
deux côtés d'un arbre mystique que je n'ai pas à expliquer ici, 
mais qui est pour ainsi dire l'épopée de l'épanouissement d'une 
palmette à sept pennes paraissant être la partie la plus impor- 
tante de l'emblème, comme l'est, sur l'arbre d'Isis, le double 
éventail ou queue d'oiseau de cinq éléments. 

Presque toujours l'arbre mystique est formé de la super- 
position de deux barques d'Isis (voy. la patère d'Amathonte, 
pi. VIII) ». L'exemple le plus complet que nous en ayons 
est offert par la plaque de Ruad (mission de M. Renan), 
dont j'ai déjà parlé à propos du gryphon. La barque mys- 
tique y figure isolée et en plusieurs exemplaires, comme 
semis de champ, et en deux exemplaires superposés comme 
arbre mystique accosté de deux gryphons. J'ai fait voir cette 
barque, isolée^ sur un cachet rapporté de Palestine par M. Cler- 
mont-Ganncau (pi. IX). Elle figure sur une seconde plaque de 

* I. Voir chapitre quatrième. 



176 CHYPRE 

revêtement rapportée de Ruad par M. Renan et du même genre 
que la première : un semis de vaisseaux accompagne un sphînx- 
Isis-reine sur le Sérapéum. — Une monnaie d'argent du trésor 
de Dali, publiée par M. Lang dans le Numismattc Chronicle 
[Coins discovered in Cj'prus^ ïSyo), présente au droit un bélier 
accroupi ; au revers, tête de bélier à droite dans un carré creux; 
dessous, ligne de grènetis; en haut, dans le coin de droite, le 
vaisseau d'isis^ avec le petit éventail formé seulement de trois 
pennes. — Mais un curieux chapiteau d'applique en pierre cal- 
caire, et venant de Golgos, nous montre l'élément constitutif de 
l'arbre, la barque du Soleil sur le lotus, sous une forme archi- 
tecturale toute particulière. Ce chapiteau a été publié par 
M. Doell ' et consiste en ceci : la barque isiaque renferme, au 
lieu de la portion de disque et de la queue d'oiseau habituelles, 
une tête juvénile et souriante, ornée du collier et de la coiffure 
traditionnelle d'Athor. C'est Athor elle-même, la pleine lune. 
Méduse, ce Cronos nocturne qui a substitué son disque à faciès 
à celui du soleil, comme cela se voit le plus souvent (cf. les anté- 
fixes du musée Campanaau Louvre, etc.). Si Ton compare d'au- 
tres chapiteaux cypriotes avec celui-ci. Celui de la stèle qui ac- 
compagnait le sarcophage d'Athiénau [Rev. archéoL^ i875)',par 
exemple, on voit que la barque, recroquevillée aux deux bouts, 
n'est, en somme, que la réunion de deux étamines du lotus à 
grandes volutes, étamines souvent au nombre de quatre ou six 
et qui parfois embrassent dans leur sinus un sphinx sur une 
palmette; l'ovaire est figuré sous forme de chevrons superpo- 
sés, la pointe en haut, deux, quatre ou six, et renfermant dans 
leur sinus un bouton de fleur renversé (?) seul ou accompagné 



I. Mémoire intitulé D/> Sammlung Cesnola, et lu le 12 décembre i872àrAca 
demie des sciences de Saint-Pétersbourg. Publié dans le recueil des mémoires 
de ladite Académie, Vlh série, t. XXI, n« 4, pi. XIII, fig. 21 (n« 828 du cat. de 
M. Doell, p. 56). 

* 2. Voir chapitre deuxième, II. 



c i; R I U M 



Ï77 



du croissant, aussi renversé et dans la cavité duquel est le 
disque solaire. Sur six chapiteaux de Golgos, toutefois, des 
chevrons gravés au trait et divisés par couples me paraissent 
représenter les pétales de la fleur de lotus. Dans leur sinus il n'y 
a rien. 

Comme le lotus est Timage du sein maternel d'Isis, cette figu- 
ration de la barque isiaque [portant le soleil) au moyen de deux 
* étamines de la fleur paraîtra toute naturelle si Ton songe qu'a- 
près tout le soleil est Y époux et le fils de la même déesse. Un 
autre emblème de celle-ci, le croissant^ est représenté sur la 
patèred'Idalie dans un rôle analogue et plus étendu encore, c'est- 
à-dire englobant les neuf sphères ou tous les mondes. Et sur 
cette patère il présente cette particularité d'affecter la forme des 
pirogues de papyrus et d'en porter les ligatures équidistantes. 
Donc la barque est le sein d'Isis, comme c'est le croissant d'As- 
tartésur le monument d'Idalie. Je dirai plus : c'est le croissant 
lui-même, et les anciens l'ont compris ainsi. En effet, le chapi- 
teau d'applique de Golgos, avec ses volutes ioniques, sa gon- 
dole sacrée et cette Gorgone qui se substitue si souvent au dis- 
que solaire, est traduit sur un monument assyrien, reproduit 
d'après Layard dans Touvrage de M. Chipiez ', p. 90, fig. 58, 
de la manière suivante : Un fût avec base et chapiteau à vo- 
lutes; celui-ci surmonté d'un grand croissant, les cornes en 
haut et dans la concavité duquel est le disque solaire, avec une 
croix grecque inscrite. — La preuve est décisive, je pense. 

La tige de la fleur de lotus dans l'arbre d'Isis est bifurquée à 
sa base, et chaque branche porte un fruit. Ce fruit ressemble à 
celui de nos nympha;as, à la châtaigne d'eau ; c'est l'ovaire de 
la fleur même. Il joue un rôle important dans l'arbre mystique, 
car tous les animaux qui s'accotent à celui-ci appuient leurpattc 
sur le fruit, comme sur un marchepied, pour poser leurs becs 

I. Histoire critique des origines et de la formation des ordres grecs, gr. in-8"; 
Paris, Morel, 1876. 

12 



17» CHYPRE 

OU lèvres sur les calices supérieurs communiquant avec le 
Soleil et tombant de chaque côté sur les deux pointes de la 
barque. 

L'arbre mystique, dédoublé et accosté soit de sphinx, soit de 
gryphons, est devenu Tun des ornements les plus beaux et les 
plus célèbres de l'architecture grecque. Un chapiteau de pilastre 
ionique du temple de Minerve à Priène nous montre, sur une 
de ses faces latérales, deux gryphons ailés accotés à l'arbre 
mystique, où la queue d'oiseau est devenue l'élégante et classi- 
que palmette. Sur la face principale, ce même arbre mystique 
est accompagné de deux volutes symétriques, à droite et à 
gauche, soutenant deux demi-palmettes '. 

La demi-palmette n'est autre, elle-même, que Yaplustre des 
navires, le porte-bonheur des marins. 

De tout ce qui précède nous trouvons un résumé et une 
interprétation concluante et confirmative de la mienne sur les 
monnaies sassanidcs : à partir d'Izdegerd II (400-428 ap. J.-C), 
le globe solaire qui surmonte la coiffure royale est accompagné 
d'un croissant, pointes en haut, embrassant l'astre sacré; mais 
ce globe, figuré sous forme d'étoile dans le croissant à l'exergue 
des pièces et sur le bonnet de Chosroès II (591-628), devient, 
sur la tête de Cavadès(628-63o) et du dernier souverain Izde- 
gerd IV (632 -661), /a véritable palmette à cinq pennes qui figure 
aujourd'hui encore comme aigrette sur les coiffures royales des 
sultans orientaux. 

8** Quatrième groupe à droite : L'arbre mystique, étant, d'a- 
près les explications qui précèdent, l'arbre du Soleil, est bien 
réellement, comme tel, l'arbre de la vie où bouquetins, gry- 
phons, sphinx cherchent à boire celle-ci. La vie, c'est le rayon 
solaire ; la coupe, c'est la Baris ou la Lune. 

L'arbre de ce quatrième groupe est réduit à sa plus simple 

I. Ces pilastres ont été reproduits dans Patlas du Manuel Roret d'archéologie 
d'Ottfiied Mttller, pi. 14, tig. 147 et 147 bis. 



CURIUM 179 

expression : un lotus à volutes ' et quatre fruits très volumi- 
neux. Au-dessus, la barque sacrée avec le Soleil qui projette 
par-dessus les poulaines du navire deux fruits que cherchent à 
mordre deux sphinx ailés. 

Les sphinx ont une patte posée sur la pomme de pin, symbole 
d'éternité, d*immortalité et, par cela même, isiaque et funèbre. 
L'autre patte, posée sur la mâcle du lotus, affirme l'apparte- 
nance de celui-ci à Neith-Isis, la nature organique et animée, 
au sphinx. Celui-ci cherche la régénération et la vie dans le fruit 
émané du soleil et projeté au dehors, fruit qui semble symbo- 
liser le rayon vivifiant de l'astre divin. 

Il y a analogie évidente entre ce tableau et le mythe d'Eve 
mordant au fruit de l'arbre de la science du juste et de l'injuste, 
du vrai et du faux, du bien et du mal, cette science que les 
philosophes ont de tout temps regardée comme une étincelle 
divine, comme un rayon d'en haut, etc. 

Le cercle qui encadre cette dernière zone me paraît formé de 
fruits du lotus, fruit qu'on retrouve à l'état ornemental sur 
d'autres monuments ' et qu'on a à tort pris pour la fleur du 
papyrus. 



1. La volute de lotus ne fait qu^un tour sur les monuments primitifs ; elle est 
devenue, sur les chapiteaux grecs, la volute ionique à plusieurs spires; dans la 
liturgie, le lituus augurai z plusieurs spires également; cette volute se retrouve, 
chose singulière, dans la coiffure des prêtresses d'Astarté, à Citium et à Idalie. J'ai 
eu entre les mains plusieurs têtes en pierre intactes, mais petites; d'autresen terre 
cuite intactes aussi, presque aussi grandes que nature et peintes; tous les détails 
de la coiffure étaient scrupuleusement reproduits sur toutes ces têtes : presque 
toutes avaient en avant de Toreille, soigneusement indiqué, cet ornement de che- 
veux que les Phéniciennes de Gadès ont transmis aux femmes espagnoles et qui 
s^est propagé dans les modes des deux mondes, que Ton nomme accroche-cœurs. 
Les têtes dont je parle provenaient toutes de Citium et dldalie. Les plus belles, 
en terre cuite^ furent trouvées dans le temple de Voppidum d'Idalie. J'en ai des- 
siné quelques-unes. 

2. Pareille couronne encadre sur une des patércs du Louvre le réseau orne- 
mental du centre. 



i8o CHYPRE 



NOTES ET REMARQUES. 



Le caractère de cette patère est essentiellement hiératique. 
Elle se rapproche en cela de la patère d'Idalie, d'une des deux 
du Louvre, de celle du British Muséum, et elle était votive 
bien évidemment, ainsi que toutes celles trouvées au même 
lieu, sauf celle d'électrum, qui me paraît, vu saforme^ avoir été 
un ustensile. 

Un des traits distinctifs des patères, votives ou non, déjà 
connues, c'est de présenter gravé, au centre, un sujet le plus 
souvent solaire,/?///^ rarement isiaque. 

La patère d'Idalie, la patère d'Amathonte, la patère d'élec- 
trum et celle de bronze, et une patère militaire d'argent dé 
Curium décrite dans mon compte rendu des fouilles, ont au 
centre cette pâquerette épanouie que j'ai prise d'abord pour 
une fleur de lotus, mais qui représente le soleil^ car nous 
retrouvons cette pâquerette à seize pétales, embrassée par le 
croissant^ au revers de certaines tessères de la Palmyrène 
(voyez, par exemple, de Vogué, Inscriptions sémitiques, Syrie 
centrale^ Palmyre^ p. 86, tessère 147, et pi. XII, tessère i36). 
Il est à remarquer qu'un segment de cette pâquerette donne la 
portion de disque surmontée de la queue d'oiseau qui émerge 
de la barque sur Tarbre sacré. 

La patère d'argent doublée d'or trouvée à Curium porte, 
gravé au centre, Osiris-Apis^ avec le disque solaire sur le front. 
Celle de vermeil porte El-Cronos^ et une de celles du Louvre, 
Osiris vainqueur. 

D'autre part, une patère de bronze du Musée britannique, 
reproduite en photographie par M. J. Thompson et publiée 
par M. W.-A. Mansell, porte au centre une fleur épanouie qui 
me paraît, cette fois, être bien un lotus. Il consiste dans la 
classique rosace à six branches formée avec le rayon du cercle 
comme ouverture du compas. Cette rosace se détache sur trois 



CURIUM i8i 



autres superposées et formant ainsi le calice de la fleur. L'élé- 
ment formatif de cette rosace est le losange cyclique qui est 



aussi rélément formatif de Télégant réseau qui forme le fond 
d'une des patères du Louvre. Ce réseau se retrouve sur un 
fragment de pavage de seuil du palais de Sargon (Louvre). Que 
le losange cyclique, en six exemplaires, forme la rosace, ou, 
sans nombre, forme le réseau, on le retrouve sur des monu- 
ments funéraires. Je citerai, entre autres exemples, les ossuaires 
iiiifs publiés dans la Revue archéologique par M. Clermont- 
Ganneau *. Tous ces ossuaires portent la classique rosace, soit 
simple, soit ornée ou modifiée. Un seul porte le réseau divisé 
en deux portions carrées égales et adjacentes (voir la figure). Le 
losange cyclique, étant funèbre, est donc nécessairement un 
emblème isiaque. C'est, à mon sens, la porte de ce monde, du 
sein de la femme qui laisse passer l'être vivant ; et ce qui m'a 
induit à assumer cette opinion, c'est que ce même sens s'est 
conservé, dans le moyen âge religieux, à cette figure géomé- 
trique. Dans nombre de localités d'Irlande, un personnage 
grossièrement sculpté et pourvu d'une manière significative du 
losange cyclique se voit sur les portes d'églises. Ce person- 
nage s'appelle Sheela na-Jig ou gig^ en hibernien. On explique 
sa présence et son singulier aspect par ce fait que le diable a 
plus peur de l'organe femelle que de la croix, parce que celui- 
là est la porte par laquelle le Fils de V Homme, son plus grand 
ennemi^ est entré dans le monde. Cela explique alors pourquoi 
la forme de losange cyclique a été si souvent donnée à des 
sceaux d'abbayes. 

La description, dans Homère et dans Hésiode, des boucliers 

I. T. XXV, p. 398, juin 1873. 



iSi CHYPRE 

d^AchilIe et d'Hercule, fait voir que ces œuvres de Vulcain por- 
taient, comme les patères prémentionnées (et surtout celles 
en calotte de sphère), des sujets de guerre, de chasse, de mys- 
tères religieux. J*ai pensé alors que ces patères pourraient bien 
avoir figuré dans les temples comme boucliers votifs transfor- 
més ainsi par motif d'économie et d'organisation intérieure des 
sanctuaires. En effet, la calotte de sphère est exactement Vumbo. 
Des sujets gravés sur cette convexité ' étaient plus difficiles à 
saisir dans leur ensemble pour Toeil du spectateur que s'ils 
eussent été tracés dans la partie concave. Aussi c'est cette der- 
nière disposition qu'on adopta pour les patères. Rien n'indique 
sur celles-ci qu'elles aient été suspendues comme les cltpet 
du même genre qu'on consacrait en commémoration de faits 
importants. L'absence totale d'ornements sur la surface bom- 
bée me fait supposer que celle-ci était cachée dans un encas- 
trement, ou bien encore que les patères étaient simplement 
adossées à une surface verticale, en face du jour, et réunissaient 
ainsi dans leur concavité brillante les rayons lumineux qui les 
faisaient étinceler. 

Il y avait dans le temple d'Apollon Curius ample provision 
de cette précieuse et jolie vaisselle qui ajoutait à l'éclat des au- 
tels, des luminaires, des ustensiles du culte, des riches orne- 
ments sacerdotaux. — Le lecteur en a jugé en lisant, en tête de 
cette notice, le succinct résumé des belles recherches du général 
de Cesnola à Curium. Mais il pourra apprécier de visu le trésor 
du temple d'Apollon en allant examiner au musée de New- 
York, qui vient d'en faire l'acquisition, les objets qui le com- 
posent. 

I. La statue de bronze de Brescia, qui représente une Victoire (?) gravant sur 
la convexité d'un bouclier , prouve que ce mode était en usage. 



CHAPITRE SIXIÈME 



ÉPIGRAPHIE 



NOUVELLES INSCRIPTIONS GRECQUES 

DE CHYPRE 

§ I. — INSCRIPTIONS PUBLIÉES EN 1874». 

LARMACA. — DALI. — VAL DE LYlfPIA. 

Dans quelques localités de Tîle de Chypre, notamment à Lar- 
naca, à Dali et au val de Lympia, les fouilles ont, pendant ces 
six dernières années, fourni diverses sortes de monuments funé- 
raires, entre autres un assez grand nombre de cippes ou colon- 
nes portant de courtes inscriptions, lesquelles se terminent 
presque toutes par la rubrique XPHCTE ou XPHCTH XAIPE, 
une de ses variantes. 

Ces colonnes sont en pierre calcaire. Elles sont rondes et plus 
ou moins ornées. Elles consistent en un fût soit tout à fait lisse, 
soit agrémenté de filets ou listels et reposant sur une base ornée 
de nombreuses moulures : filets, tores, cavets, baguettes, talons, 

• I. Revue archéologique ^ XXVII, p. 69 et suiv. (1874). 



84 



CHYPRE 



etc. ; sur le fut est une sorte de chapiteau tantôt droit, tantôt 
évasé, et composé aussi de filets, gorges, doucines, etc. 

Sur la surface supérieure est le plus souvent pratiqué, au 
centre, un trou carré ou rond dans lequel se fixait, au moyen 
d'une courte tige, une pomme de pin (emblème funéraire) en 
pierre calcaire, ou bien encore une sorte de cône renversé éga- 
lement en pierre et orné de filets, moulures et cannelures torses 
ou droites 




V0 
CM 



4- 




CM 



Les inscriptions sont gravées sur le fut, et généralement d'une 
exécution hâtive et négligée. 

Ces cippes étaient posés sur le sol ou sur un soubassement, 
ou encastrés dans celui-ci au moyen d'une tige (rarement). 

Voici la description de ceux de ces monuments que j'ai pu 
recueillir. Presque tous appartiennent à la colleaion de Ces- 
nola. 

N' I. 

Hauteur, o",775. 

Sur le fût et dans un médaillon creux et ovale est sculpté, en 
haut relief, un buste d'homme. Figure imberbe, cheveux courts; 
les plis de la tunique montent jusqu'au cou. Travail médiocre. 

Au-dessous, cette inscription : 

APTCMIAOPeXPHCTeXAIPe 



Au premier mot le graveur a mis un O pour un CO. (Voyez 



n'^S.l 



EPIGRAPHIE i85 

Hauteur, o'",75. 

Sur le fût, et dans un médaillon creux et d'un ovale plus al- 
longé que le précédent, est sculpté, en haut relief, un buste de 
femme. Figure âgée, coiffure en bandeaux. Au cou, un collier. 
Travail médiocre. 

Sous le portrait, cette inscription mal gravée : 

KPATHAXPHC 
THXAIPe 

Kpaxyla est une forme dialectique de Kpareia. 
Cippc trouvé avec le précédent. 

N^ 3. 

Hauteur, i'",i3. 

Le haut du fût est entouré d'une couronne sculptée en très 
haut relief, fermée par un disque ou rosace formant chaton et 
composée de pommes de pin géminées. 

Dessous, rinscription suivante : 

APTeNIACOPe 
KYNHreXPHCTC 
XAIPE 

Au premier mot le graveur a mis un N pour un M . 

Hauteur, i",o8. (Voir pi. XI, n" i.) 

Le haut du fût est orné d'une couronne pareille à la précé- 
dente. 

Au-dessous : 

GN YACniANe 

xPHCTexepe 



i86 CHYPRE 

Au premier mot on serait tenté de suppléer : GMTYMC Mais 
il est plus probable que les six dernières lettres sont les finales 
d'un nom propre qui ne s'est pas rencontré Jusqu'ici '. 

Au dernier mot le premier C remplace la diphtongue AI. 
Cette substitution se trouve répétée deux fois sur une stèle funé- 
raire trouvée en Syrie (collection Péretié). Voici cette stèle ' : 

Hauteur totale, o",32. Fût rond terminé par une couronne de 
feuilles d'eau et posé sur un socle carré portant cette inscription : 

AMMIAXP 
HCTHKCAA 

Ynexep£ 

Le graveur a conformé son orthographe à la prononciation, 
ce qui prouve que, comme aujourd'hui. Al et € avaient dans cer- 
tains pays, surtout à l'époque impériale, un son identique. 

N« 5. 

Hauteur, o",775. (Voir pi. XI, n** 2.) 

Sous la base est une tige courte servant à la fixerdans l'alvéole 
d'un socle. 

Au milieu du fût est un listel plat, et, entre celui-ci et le chapi- 
teau, cette inscription : 

evvvxi fw 

XIANCOY 
AlCAGANA 
TOC 

Les caractères sont négligemment tracés. 

Le premier mot est CY^YXl, « sois tranquille d'esprit ». — Le 
second est un nom propre, à moins, ce qui est d'ailleurs peu 
probable, qu'il ne soit pour un mot CYCOXIANC^ impératif de 
eùwj^iovû), dérivé de eùwyia, et tout à fait inconnu jusqu'à présent. 

* I. Peut-être : OATMIIÎANE? 

* 2. Cf. E. Renan, Mission de Phcnicie, p. 397. 



KPIGRAPHIE 187 

Le sens de ce verbe serait « festoyer », ce qui donnerait à Tépi- 
taphe un sens trop gai. Le précepte s'adressant au mort comme 
le démontrent les inscriptions suivantes, eùwyiavg est donc de 
toutes façons impossible à suppléer ici. 

Mais pourquoi cette apostrophe à un mort ? Le point de dé- 
part de la conception de cette formule est, je pense, l'idée de la 
satisfaction qu'exige Vœtl de l envieux^ idée qui aurait existé en 
Orient Jadis comme aujourd'hui : l'àme du défunt jalouse les 
survivants. Inquiète, il faut la calmer : « Dors en paix, un tel, 
personne n'est à l'abri de la mort. » 

On peut supposer également que l'épitaphe fait allusion à la 
prochaine réunion du mort avec les êtres chers qu'il a laissés sur 
terre. Toutefois l'autre hypothèse me paraît plus plausible. 

Hauteur, o",435. 

Architecture grossière et bâclée. L'inscription est tracée à la 
pointe en caractères hâtifs, informes et peu visibles : 

KAAAAICON 

evyvxiovAic 

AGANATOCCN 

O05i; est ici pour où^ei;. EN est probablement l'âge du défunt, 
55 ans. 

N»7. 
Hauteur, o", 60. 

Cippe grossièrement taillé. Un petit cône renversé le sur- 
monte. Inscription mal tracée : 

cYyvxi 

APICTO 
NIAINHOY 
AICAGA 
NATOC 



iSS CHYPRE 

N* 8. 

Hauteur, o",35. 

Facture grossière. 

Un petit cône renversé surmonte le cippc. 

L'inscription, tracée à la pointe, dénote une incroyable né- 
gligence. Plusieurs lettres sont de travers ou tout à faithorizon- 
tales, et à peine reconnaissables. 

e<-6<XIA 
e?OAICIA 
0<AlCA<t>AMA 
TOC 

La lecture est facile. 

La forme du p est curieuse : une barre verticale terminée par 
un petit rond. Le a la figure d'un ç majuscule. Quant au « du 
second et du dernier, la prolongation à droite des deux traits 
qui forment Tangle de gauche donnerait la figure de l'aleph phé- 
nicien. 

Cette épigraphe dénote une grande inexpérience des caractè- 
res grecs. Si Ton fait attention à ce fait que ce monument, ainsi 
que le précédent, vient de Citium, il est supposable que l'ou- 
vrier qui a taillé la pierre et tracé Tépitaphe était ou un étran- 
ger ou un Phénicien de la ville même. 



Hauteur, o™,74. 



N»9. 

TIMCON 

XPHCTE 

XAIPE 

Gros caractères. Inscription plus soignée que la précédente. 
Les £ ne sont pas lunaires, mais anguleux. 



Hauteur, o'",64. 



épigraphil: 189 

N** 10. 

AnOACO 
NIAH 
XPHCTE 
XAIPE 



Même remarque pour les e. 



Hauteur, o'",49. 



N* ji. 

ncNrcNiA 

XPHCTH 

XAipe 



N** 12. 

Hauteur, o'",59. (Voir pi. XI, n° 3.) 

Le sommet est un cône tronqué très évase et très bas. 

MAPKNNA 
XPHCTHXePe 

Le premier mot est sans doute MAPKIANA. Au dernier mot E 
remplace Al. (Voir plus haut, n** 4.) 

N« i3. 
Hauteur, 1 ",!(). 

ONHCIKPA 
THXPHCTC 
XAIP£ 

Caractères soignés et terminés en queue d'aronde. 

N*» 14. 
Fragment. Partie supérieure. 



!'/> CHYPRE 

Hauteur. o^.Sj. 

KYPIAC 
XPH£Te 

Le dernier mot XAIPE manque. Au deuxième, on a mis un C 
pour un C. 

X* i5. 

Hauteur, i",io. 

Le fût, la base et le chapiteau sont surchargés de moulures 
[baguettes, filets, tores, gorges. etc.\ 

RACII /THXPHCTC 
XAIPe 

Le premier mot est sans doute lenomTTACIKPATHC.cité dans 
Plutarque, Alexandre, 29. (Voy. encore Phot Codd- 200; 
Mionnet, 3. i66-iq6.; 

V 16. 

Fragment Partie inférieure. 
Hauteur, o^.SS. 

<t>IAOKP 

XPIHC 

XAIPE 

Le premier mot est probablement <t>IAOKPATHC. Au second 
mot, TE doit être ajouté à la fin et I effacé. 

N* 17 

Fragment. Partie inférieure. 
Hauteur, o™,26. 

AHNHTPIA 
XPHTHXePe 



ÉPIGRAPHIE 191 

Lettres informes, peu lisibles, bâclées, tracées à la pointe. 

Au premier mot, N est pour M. Au deuxième mot, le C a été 
omis. Au troisième, E pour Al. 

Inscription reproduite moins exactement par Sakellarios 
(p. 49). 

N'» 18. 

Sur la base carrée d'une stèle ronde surmontée d'une cou- 
ronne de feuilles d*eau. — Brèche de couleur rosée, et dure. 
Hauteur, o",45. 

AzT-nAmMovr 

AAIOYCXPHCTE 

KAlAAOmE 

XAIPE 

AfF iz 36i . Année d'une des ères usitées à Chypre. 

TTANHMOC (qui s'écrit aussi par un A et par un E à Rhodes 
et à Corinthe) est un mois commun à plusieurs calendriers do- 
riens et à celui de Macédoine. 

ï = 10. Quantième du mois. 

AAIOYC est pour AAIOC, nom propre qu'on retrouve dans 
Homère [Odyss,^ Vin, 119). 

A l'avant-dernier mot, 01 est évidemment mis pour Y, en 
vertu probablement d'un iotacismc du dialecte local. Les E sont 
anguleux, et, chose remarquable, les O et les C aussi. 

Quelques personnes m'ont dit que ce monument venait de 
Caramanie. 

LARNACA. 

N« I. 

Petit piédestal en brèche rouge et blanche. Ce morceau sem- 
ble avoir été la moitié longitudinale d'une stèle de o™, 1 1 environ 



192 CHYPRE 

de diamètre, montée sur une base ronde de o",i25 de diamè- 
tre, et dont la stabilité était assurée par un évidement de 
o'°,07 de diamètre. 

La hauteur du fût égalant son diamètre (o™,! i) et la base 
ayant 0^,075 de haut, la longueur de ce petit monument est 
donc de o'",i85. 

Le fût a été retaillé en doucine; sur Tévasement de ladoucine 
pose un abaque dont les côtés ayant o", 1 1 lui donnent la forme 
carrée. 

La portion de piédestal me paraît avoir été destinée à être en- 
castrée dans un mur et à tenir ainsi en saillie le petit piédouche 
sur lequel devait être fixée une statuette. 

Le côté droit du bandeau de Tabaque et la partie antérieure 
de celui-ci et de la doucine portent, tracée en lettres allongées 
et maigres (époque impériale), l'inscription suivante : 

APTCMIAIIIA AAlAOAYMniA 

NOCCYAAIMCON YnePeYTATPlAHC 

BCPIANHC 

Lecture de M. Piérides, de Larnaca. 

Ce monument a été trouvé aux Salines, où s'élevait probable- 
ment un temple à la Diane des rivages ('ApT£(jLi5i napaXia), divi- 
nité tutélairc des sauniers » et des caboteurs citiens. 



N"2. 



Petite stèle carrée en marbre rouge. Hauteur totale, o™,o9. 
Elle se compose d'un dé carré de o",o3 de haut sur o"", 075 de 
large, reposant, par un évasement, sur une plinthe de o",095 

I. « Ad Citium in Cypro... cxtrahunt (salcm) e lacu, dein sole siccant. » Plin., 
Hist. nat.y lib. XXI, c. xxxix. EnliSjo on a découvert en ce lieu une jarre con- 
tenant 1400 statcres d*or d'Alexandre et de Philippe. 



ÉPIGRAPHIE 193 

de long. Celle-ci se raccorde par une surface inclinée à une 
base de o",o3 de haut sur o", i35 de long. 

OHAONI 

MEAANGini 

KATArPA<D02 

YnEPTOYYIOY 

KATArPA<DOY 

CYXHN LC 

Provenance : les Salines.' 

Là était vénéré et avait peut-être un sacellum le Mélanthus 
susmentionné : était-ce un des premiers colonisateurs de l'île et 
son nom serait-il devenu légendaire à Citium comme celui de 
Teucer à Salamine, de Golgus à Golgos, etc. ? Rien ne l'indi- 
que. Toutefois Ovide, dans ses Métamorphoses (3, X), cite un 
Mélanthus parmi les pirates d'Acestes, à bord duquel se trou- 
vait Bacchus, aux parages de Naxos : 

Hoc Libys, hoc fiavus, prorse tutela, Mélanthus, 
Hoc probat Alcimedon 

{Hoc désigne ici le projet de dépouiller le dieu dont la clair- 
voyance détourna le péril, et qui changea les voleurs en dau- 
phins.) 

Que signifie cette légende ? i" Que Mélanthus, compagnon de 
route de Bacchus, était pirate ; 2'' qu'il était blond (flavus), c'est- 
à-dire de cette race dorienne qu'on retrouve encore en Crète ; 
3® qu'il fut, lui et les autres matelots d'Acestes, transformé en 
animal utile, c'est-à-dire pris à solde par le conquérant indien. 
Mon hypothèse qui fait de ce personnage un des colonisateurs 
grecs de Chypre est donc vraisemblable, et d'accord d'ailleurs 
avec l'inscription et l'assertion d'Hérodote sur la population de 
l'île (vu, 90). 

KaToypaçoç signifie proprement : « ci-dessus gravé ». Dési- 
gne-t-il l'image du père et du fils représentés sur une plaque 

i3 



194 CHYPRE 

surmontant le monument, ou est-il employé comme nom propre 
(ce dont il n'y a point d'exemple jusqu'ici) ? Cettedernière hypo- 
thèse me semble la plus conforme aux usages et par conspuent 
la plus probable'. 

Le chiffre qui suit EYXHN est mal tracé. Il paraît se composer 
d'un A et d'un Ç zz 36. Age d'un des personnages ? 

N« 3. 

Petite stèle de marbre blanc. Même provenance que la pré- 
cédente. 

Hauteur, o",i7. 

Colonnette de 0^,09 de diamètre à quinze cannelures à arêtes 
vives. Lerbas du fût est lisse sur une hauteur de o",o5 pour re- 
cevoir l'inscription. Il se raccorde par un plan incliné à une 
base ronde de o",i6 de diamètre. La surface inférieure de cette 
base est légèrement concave ; elle porte à son centre un trou 
carré et tout autour une légende en caractères martelés et illisi- 
bles. Monument rond. 

API2TArOPA2 
ZnZANAPON 
TONEAYTOYYION 
OnAONIMEAANein 
EYXHN 

Un I a été omis après l'avant-dernier mot. 

N« 4. 

Morceau quadrangulaire de o",2 1 de haut, en pierre calcaire 
et grossièrement taillé en forme de statuette. La tête manque. 
Les mains, réunies sur la poitrine, soutiennent un vase. 

* I. Par la suite Tauteur penchait plutôt pour la première hypothèse. 



ÉPIGRAPHIE 195 

Largeur aux épaules, 0°, i o ; aux pieds, o"',o8 ; dos plat. 
Trouvé aux Salines. Sur le ventre, inscription mal tracée et 
peu lisible : 

N I KAN A 
POCYneP 
TOYYIOY 
TIMAPXOY 



athiénattJ (golgos). 

N» I. 
Grtii&to sur bloc de calcaire (grand temple). 

AHMHTPi , OAAnN 

T'MOAnPOC 

N- 2. 

Graffito sur bloc de calcaire (grand temple). 

APIMOKIA 
TIMOAnPC 

Le premier mot est peut-être AHMOKPAfTHZJ. 

N» 3. 

Piédestal double en pierre'calcaire. 

Longueur, o"',72; hauteur, o",3o; largeur, o'",i9. — Prove- 
nance : grand temple. 

Graffito. Caractères mal tracés et, assez profondément gravés. 

Dans le champ, à gauche, quelques caractères chypriotes tracés 
à la pointe. 

TIMOAQPOYACK 
AP.IMOKIAABI- 
enPIATO-»- 



196 CHYPRE 



N*4. 



Fragment de pierre calcaire légèrement convexe (éclat de co- 
lonne), de o",25 de haut sur o°',29de large, portant une inscrip- 
tion en caractères assez négligés et ébauchés seulement au poin- 
tillé aux trois premières lignes. 

Au bas de l'inscription sont deux couronnes juxtaposées entre 
deux palmes. 

eiceeoc 

TOM£riCTA 
WONTOCMAOjO 
(Ta)TONONOMA 

BOHernACiAeo 
Meee 

Dans la couronne de droite est le mot 

HAIOC 

La forme des M est remarquable et affecte celle d'un H. A la 
troisième ligne le Z a la forme archaïque d'un . A l'avant-der- 
nière ligne BOHei est pour BOHOEI. 

Inscription trouvée à Athiénau et évidemment chrétienne. — 
Il y avait à Ch3rpre un évêque de Golgos. 



DALI. 



N' I. 



Piédestal de marbre noir. 

Longueur, o",75 ; largeur, o",52 ; hauteur, 0^,27. 

Ce piédestal supportait une statue plus petite que nature, 
à juger d'après la dimension des pieds. Ceux-ci étaient en- 
castrés dans des alvéoles peu profondes, épousant leurs con- 
tours, et solidement fixés au bloc au moyen de chevilles métal- 



ÉPIGRAPHIE 197 

liques dont étaient pourvus les talons et qui pénétraient dans 
des trous encore visibles. — La statue était probablement en 
bronze. 

L'inscription est gravée avec beaucoup de soin et en très 
beaux caractères. Elle est nette et intacte. 

MNA2EA2AyHT02METEIPA2YPEP 
AYT0YKAIT0YYI0YrHPY2M0N02 
APOAAnNIAMYKAAiniEYXHN 
ETOYZnZKITIEIZArOYZINMZZANAIKOYZ 

Ce monument a été trouvé avec plusieurs inscriptions phéni- 
ciennes et chypriotes par M. Lang,enmars 1869, dans le temple 
situé au pied des collines d'Ambelliri. Si Ton fait attention que 
Dali faisait partie du royaume phénicien de Citium, on ne doit 
point s'étonner de la présence dans cette inscription d'un mot 
phénicien. 

En effet, dans le Recueil des antiquités helléniques de Rangabé 
(417), nous trouvons un décret où est cité un Tyrien du nom 
d'^^Dfiç, proxène des Athéniens. Toutefois la forme du génitif 
est ''Aij'ou dans ce décret. Ce nom est, d'après le savant hellé- 
niste, dérivé de la racine sémitique ''Aij;, qui signifie « terme »(?). 
— rHPYîMflN est un nom nouveau '. 

Apollon Amycléen avait-il une chapelle au temple d'Idalie ? 
Peut-être. Cependant il n'est pas impossible qu'un dévot de ce 
dieu, venu en pèlerinage au sanctuaire de Vénus, y ait accompli 
un vœu fait probablement pendant le voyage. 

L'ère mentionnée ici est celle de Citium, non encore détermi- 
née ^. C'est en Tannée 47, le 7 de Eav^wtoç, que fut consacré le 



* I. Phénicien : ^'SwNIA, Gercchmoun, ««hôte du dieu Echmoun ». Cf. *A63vÇ- 
Tioûvov (gênitifj, « serviteur d'Echmoun »», à Sidon (Waddington, Jnscr,gr.et!at. 
de la Syrie y n* 1 866 c], 

* 2. Fixée depuis à 3 12 av. J.-C. (Clcrmont-Ganncau, VÈre autonome de Ci- 
/im;i, dans V Instruction publique, 6 mars 1880.) 



198 CHYPRE 

monument. Celui-ci est postérieur à Alexandre, car ce furent 
ses successeurs qui introduisirent à Ch}'prece mois macédonien 
de HovOixo;. 

Pierre calcaire. Fragment. 
Largeur, o",io; hauteur, o",07. 

APZINOEIO 
ANAPAZIA 

Beaux caraaères. Temple d'Ambelliri . 



PYLA. 



Les inscriptions découvertes à Pyla viennent du temple dé- 
blayé par M. Lang en 1868. 

N" I. 

Piédestal monolithe en pierre calcaire. 

Hauteur totale, o",69. 

Trois des côtés vont en diminuant légèrement de la base vers 
le haut jusqu'à un listel ou bandeau de o™,o65 de largeur, sur- 
monté d'une corniche ou couronnement évasé de o"*,i25 de 
haut. 

La base a o",54 de long sur chaque face. 

Ce bloc a son quatrième côté vertical et à peine dégrossi. Il 
était donc adossé à la muraille de Tédifice. 

Le bandeau porte une inscription sur la face principale et 
sur la face latérale de droite : 



M]NA2IA2PNYTIAoY 
A]PoAAnNIMAriPin 



(DIAAIMENHCnNYTIAOY 



ÉPIGRAPHIE 199 

Les caractères de Tinscription de gauche sont d'une très bonne 
époque et identiques à ceux de l'inscription de Dali n** i . 

Le texte de droite est de beaucoup postérieur à Tautre. 

Comme on le voit, Apollon était adore, au temple de Pyla, 
sous le singulier surnom deMAPIPIOZ, cuiseur (ou maturateur 
des fruits ?), inconnu jusqu'à présent. 

N" 2. 

Bloc de calcaire grossier. . 
Hauteur, o",54; largeur, 0^,37. 

ANAKPeON 
AnOAAONI 
ANeOHKeN 

Caractères profondément gravés et très soignés. 

N^ 3. 

Bloc de calcaire grossier, brisé à son sommet. 
Longueur, 0^,75 ; hauteur, o",3o; largeur, o™,i3. 

Il-A 
APOAAnNI 
MArEIPiniEYXHN 

Caractères identiques à ceux de Tinscription de Dali n** i . 
MAfElPIOZ, au lieu de MAflPIOZ. 

N« 4- 

Bloc de pierre calcaire. Vers le sommet les côtés sont dé- 
gradés. 
Longueur à la base, o"*,335 ; hauteur, o*",i95. 



200 CHYPRE 

L'inscription, en caractères hâtifs et négligés, occupe le haut 
de la face principale. Longueur de la partie écrite, o*,28. 

AnOAAnNIAAKCCnHIAPICCTOYC 

MANTIAPXOCYnePKAeONOC 

TOYYIOY 

ANeeeKeNeNTYXHi 

L'épithète donnée ici à Apollon est inédite et très difiScile à 
déterminer '. 

Sur Testampage on voit qu'une lettre a été ajoutée au-dessus 
de AA. 

Dans le recueil de M. Waddington (n* 2796), il est fait men- 
tion d'un MANTIAPXH2. 

ANeeeKCN pour ANeeHKEN. 

SALAMINE (SAlNT-SERGHl). 

Piédouche en marbre blanc, plat et percé d'un trou ayant 
probablement servi à fixer une statuette. 

Longueur, o™,275; largeur, o™,i9; épaisseur, o",o8. 

La tranche est légèrement concave sur les faces, arrondie, 
très bombée aux parties latérales. 

Sur la surface supérieure : 

AEONTIO' 
ERAPXIKo 

C'est le nom du personnage à qui est dédié le monument. Au 
dernier mot il faut ajouter un I. 

Dans la concavité de la partie antérieure de la tranche est le 
nom de l'artiste (voir pi. XI, n** 4) : 

EPMOAAOC 
E n OIOYN 

* I. Peut-être : AAKCEIIHI = MAFEIPIÛI. 



EPIGRAPHIE 



201 



Enfin, sur la convexité de la partie droite de la tranche est un 
mot tracé en caractères singulièrement soignés et présentant cette 
bizarrerie que les traits de chaque lettre sont renflés à leurs 
extrémités et s'épanouissent en queues d'aronde, que les Y sont, 
à la base de leur bifurcation, traversés par un trait horizontal, 
et que le C final affecte la forme carrée (voir pi. XI, n° 5) : 

y¥XAPO¥C 

Ce mot est peut-être le nom du donateur. 




\EONTJ0j 



..iL:i3. 



— ^ 



Ce monument a été publié plusieurs fois, entre autres par 
MM. Waddington et Sakellarios, mais non d'après Toriginal, 
aujourd'hui au musée du Louvre. 



202 CHYPRE 

PROVENANCES INCERTAINES. 

N» I. 

Graffito sur pierre calcaire. Caractères tracés à la pointe, 
hâtifs, presque illisibles : 

EYXHNEMlAZAPOAAuiNI 

Golgos ? 

N» 2. 

Fond d'un vase rond en terre cuite. 
Diamètre, o"',o6. Caractères tracés à la pointe : 

XA 
PITCO 
NOC 

N» 3. 

Fragment de pierre calcaire. 

Hauteur, o",29. 

Inscription fruste dans sa moitié droite. Caractères assez 
négligés et creusés assez profondément à gauche. Le texte pa- 
raît composé de distiques : 

PHIC 

HPnAC0ii 
MHACNAnATPIA 

TACOCCHniKPO 
KeiMAlYROXeONITII 

TOYCnPINAnOIXOM[/rai>c 
KvOKYCOrONeCONI P 

COIXAPICeYZ[a|*r,v? 
CYNACONHAH YNO 
AhKeTATP' 

Provenance : Golgos ? 



ÉPIGRAPHIE 2o3 

Fragment de stèle, marbre blanc, orné d'un fronton flanqué 
d'acrotères. 

Hauteur, o°,23; largeur à la base du fronton, o°*,29. Très 
beaux caractères. 

inrENHi 

inKPATOY 
ITEY2 

Au dernier mot il faut probablement UpiTeucraç ou 'UpTiTeuaaç. 



g 2. — INSCRIPTIONS PUBLIÉES EN iSyS*. 

Le général de Cesnola a bien voulu m'envoyer récemment 
le résultat épigraphique de ses fouilles dans Tîle. Le lecteur 
jugera si la moisson a été intéressante et fructueuse *. 

LARNACA. 

NM. 
Stèles rondes ou colonnes funéraires en pierre calcaire ^ : 

I. 2. 3. 

AHoAONlAH PHTCINA AHMHTPIANH 

XPHCTE XPeCh XPHCTH 

XAiPE xepe xepe 



• I. Revue archéologique, XXIX, p. 95 et suiv. (1875). 
^ 2. Ce sont des copies seulement^ et non des estampages, qui m'ont été 
envoyés. 

3. Voir, dans mon article Un sarcophage (VAthiénau (* plus haut, chapitre 
deuxième^ II), ma note sur ce genre de monuments). 



204 



f- 



i 


CHYPRE 




4- 


5. 


6. 


rozECOz 


EYOAIA 


NlKOnOAl 


XPHCTE 


XPHCTH 


XPHCTE 


XEPE 


XAIPe 


XEPE 


7- 


8. 


9- 


AHMHTPIANH 


cvnpAriAXPH 


AHDAACONA 


XPHCTHXAIPE 


CTHXAIPe 


xPHCTexepe 


10. 


II. 


12. 


APTCAJllACOPe 


OIPMEXPH2TE 


EnhKThTE 


xpHCTexAipe 


XAIPE 


XPhCTE 


i3. 


14. 


i5. 


AGHNeAP 


ANTI 


enAOPO 


xiepeoY 


nATpe 


AeiTe 


xPHcie 


XPHCTe 


XPHCTe 


XAipe 


XAipe 


XAipe 


i5. 


«7- 


18. 


ZOIA IHXPH 


AY3HTE 


AnOAACO 


CTHXEPE 


XPHCTEXAIPE 


NIAAHMH 


OYAEICAeA 


0APC(h)OYA(«O 


PFIOYXPHC 


NATOC 


A0ANATOC 


THXAIPE 


19. 


20. 


21. 


TEIMCON 


AHMHTPICON 


APTEMIACO 


XPHCTE 


XPHCTe 


PeXPHCTC 


XEPE 


XePAI 


XAIPe 


22. 


23. 


24. 


MAPKGAAe 


POACON 


MAPKeAe 


XPHCTe 


XPhCTAI 


XPHCTe 


XAipe 


XAIPe 


XAipe 





ÉPIGRAPHIE 


2C 


î5. 


26. 


27. 


ECOCICOP 


OACOpe 


KAPne 


CAtpe 


XPHCTC 


XPHCTC 


CTet€ 


XAipe 


XAiPe 


28. 


29. 


• 

3o. 


EnAOPOAEITE 


DNHCIME 


AAlnE 


XPHCTE 


XPHCTE 


XPHCTE 


XAIPE 


XEPE 


XAIPE 


3i. 


32. 


33. 


AOPOAICI 


OIAOKYnPE 


APTEMEIACOPE 


XPHCTE 


XPHCTE 


XPeCTC 


XAIPE 


XAIPE 


xep€ 


34. 


35. 


36. 


TYXIKh 


XPYCOrONH 


ZDIAA 


XPhCTh 


CCOOPCON 


XPHCTH 


XAIPE 


xAipe 

37. 

ANAPONlKe 

XPHCTC 

X€P€ 


XAIPE 



Dans ces trente-sept inscriptions, les variations d'ortho- 
graphe viennent de ce que les graveurs écrivaient comme on 
prononçait. Il en résulte que le son E ou E était commun aux 
voyelle et diphtongue suivantes : 

H (n® 2, ligne 2 ; 25, 1. 2 ; 33, 1. 2). 

Al (2, 1. 3 ; 3, 1. 3; 4, 1. 3; 6, 1. 3; 9, 1. 2; 19, 1. 3; 25,1. 3; 
29, 1. 3; 33, 1. 3; 37, 1. 3 ; 23,1. 2; 20, 1. 3). 

L'iotacisme se faisait sentir dans £1 (2, 1. i; i5, 1. 2 ; 16, 1. 3; 
28, 1. I ; 33, 1. i) et aussi dans H (12, 1. i). 

Remarquer la forme cruciale des deux X au n* 25. 



2o6 CHYPRE 



N'2. 



Stèle plate de marbre blanc. Le haut forme pignon. 

rozEiAnNioz 

HAIOAflPOY 

T 

Tablette très fine de marbre blanc. (Salines.) — Distique 
(hexamètre et pentamètre). 

CCMNONACIZHCACBIOTON 
MAKAPAPTCMIACOPe 
CCO0POCYNHNAIACHN 
XAIPeKAICNOeiMCNOIC 

N'4. 

Colonne de grande dimension (stèle ronde). — Distique (voir 
le précédent). 

eiKAIMOlPIAIONTEAOC 

HrecerHCYnoKOAnoYc 

CCOnATPECeMNCeANCON 
XAIPeKAICNOeiMCNOIC 

N'5. 
Pierre sépulcrale carrée (Salines). 

IVIIAOlVM 
PIIDONATA 
HSEST- 

lOYAlAOAYMnOYAnE 

AEYeEPAACONATA 

XPKTHXAIPE 



ÉPIGRAPHIE 207 

Remarquer la traduction grecque de la troisième ligne du 
texte latin. 

Lagènes à anses, en terre cuite; dessins et inscriptions rouges 
et cuits dans la pâte. (Salines.) 
La première porte à la naissance du goulot le mot : 

KITIAC 

La deuxième, sur la surface supérieure de la panse, le mot : 

epcoc 

MÉLUSSA. 

Petit village situé à environ trois kilomètres N.-E.-E. d'A- 
thiénau et à Test de Golgos. Il s'appelle en grec de Chypre 
Me^oucria, selon M. de Mas-Latrie. C'est du village même que 
viennent les deux inscriptions suivantes : 

NM. 
Pierre carrée. 

MHAOYXeATfîNï (^ «{Xiç ou 6%oç ^v^ eHKeN ATA 
eHITYXHI 

Le premier mot est Tethnique du nom antique de Mélussa. 
Ce nom devait être MHAOTX€A ou MHAOrxiA (si inscription 
porte bien un X au lieu d'un 2). On ne le trouve mentionné 
nulle part dans les anciens auteurs. Dans l'appellation moderne 
X aurait-il été changé en 2 ? Toutefois les Turcs de Tîle pro- 
noncent Melouscha ^. 

• I. Peut-être : IH^^Sd?? 

2. Le village de Mélousia n'est probablement pas le seul en Chypre qui ait 
conservé son appellation antique. 






2o8 CHYPRE 

Pierre carrée. 

ONHCArOPACY GPTHCrYNAIKOCNIKIOY 
KAITHCevrATPOC YA0POAITHIMY 

KHPOA PCOMHCeAIKoYCHC 

Un estampage serait nécessaire pour étudier ce monument. 



KYTHRJEA. 



En relief sur une coupe en verre à anses et ornée de guillo- 
chures, palmettes, disques, etc. 

I. 2. 

CNNI MNHe 

coNcn HOAro 

O e PA2W 

N 

Une tasse de verre du Musée de Modène, décrite par Cave- 
doni {Annales de Vlnst. de corr. arch., t. XVI, p. i63), porte 
la même inscription (n* 2) : Mv7Î<ï6tï d œ^ofoom {Empture me- 
mento). 

Un 2 manque au premier mot de l'inscription n* 2. 

'Evvtcûv, nouveau nom d'artiste verrier. 



MARIUM. 

En relief sur un gobelet de verre en forme de baril, et sépa- 
rées Tune de l'autre : 

I. 2. 

MerHC MNHceH 

€nohceN OAroPACAC 




KPIGRAPHIE 209 

Voyez le monument précédent. — Méftiç, nouveau nom 
d'artiste verrier. 

IDALIE. 

Petit aryballe en verre. La panse est formée d'une tête 
d'éphèbe très bien modelée et d'un joli dessin, et surmontée 
d'une portion cylindrique ou petit calathos (?) très bas, duquel 
s'élève le goulot, évasé et aussi haut à lui seul que le reste 
du vase. 

Sur le calathos est tracé en relief le mot : 

eYTGN 

et, formant bordure ou collerette autour du cou, les deux mots : 

MeAANeEYTYXI 

Panotka {Recherches sur les noms des vases grecs) cite un 
aryballe de Locres qu'il suppose avoir été un vase à parfums 
ou une fiole de toilette. Le nôtre avait probablement eu la pre- 
mière destination. 

CURIUM. 



N*» I. 



Piédestal de pierre calcaire, auquel tient encore la partie 
inférieure d'une statue. 
Hauteur, o",o6. 
Largeur, o",i9. 

AHMOXAPHZ 

nEPZEYTHI 

EYXHN 



aïo CHYPRE 



N«2. 



Piédestal de pierre calcaire. A la partie supérieure, dans une 
Ivéole, était fixée la statuette. 
Hauteur, o"*,i6. 
Largeur, o'",23. 
Longueur, o",23. 

AHMO ro 

PATIZ A2 

nEPZEYTHIEYXHN 

Un piédestal de même genre, avec une inscription chypriote 
de quatre lignes, a été trouvé à côté de celui-ci. 




DEUXIÈME PARTIE 



SYRIE 



STÈLE INÉDITE DE BEYROUTH 



Dans Tété de i86g, en passant dans une des ruelles qui se 
trouvent derrière le cimetière français de Beyrouth, j'avisai, 
à la porte de la maison du colonel Abdallah-Bey, deux pierres 
placées de chaque côté du seuil et servant de montoirs. L'une 
était un fragment d'entablement en calcaire et portant encore 
des traces de sculpture (tores, oves, etc.). L'autre était une stèle 
en pierre de liais, tronquée à son sommet et figurant un cube 
posé sur une base. Le colonel Abdallah-Bey me fit don de ce 
monument. Le voici : 

L'une des faces du cube porte l'image d'un foudre (?). La face 
opposée est lisse et devait être appliquée contre le mur. Les 
deux autres faces portent deux inscriptions : 

I. 

KPONOY 
H A I O Y 
BCOMOC 

Autel de Kronos Hélios. 

* I. Revue archéohf^ique, XXIH, p. 233 et suiv. (1872). 



214 SYRIK 

Kronos est ici considéré comme avatar du Soleil et identifié 
avec lui. II est tout naturel que les anciens aient transformé et 
qualifié leurs dieux selon les rôles dans lesquels ils les envisa- 
geaient. Cette association de Kronos (Saturne, le Temps) avec 
Tastre du jour se retrouve dans les 365 couronnes qu'on suspen- 
dait, aux Daphnéphories nonannuelles de Thèbes (Paus., liv. 
IX, ch. i; Procl. Chrest, ap. Plot.), autour du globe symbolique 
d'Apollon Isménien ; le soleil, chronomètre du temps, a fini par 
être identifié avec le temps lui-même, auquel est liée la fatalité. 
Les Parques fatales dépendirent alors de ce Soleil-Kronos, et 
répithète de chef des Parques ou Mœragète fut, par suite, 
donnée à Apollon (Paus., liv. X, ch. xxiv) '. 

Le monument était un autel votif, BCûMOC. Le sommet, 
tronqué, devait donc être approprié à cette destination et for- 
mer un évasement creux, identique peut-être, pour la forme, 
à la base elle-même. 



2. 



MePKOYPIC 

YnepccoTH 

PIACNIKHC 

ANeOHKCN 

AYTOKPATOPCON 

Mercurius a consacré pour le salut de la victoire 

des empereurs. 

Les recueils d'inscriptions latines nous offrent fréquemment 
ce nom de Mercurius dans les listes de souscriptions mili- 
taires. L'idée belliqueuse qui a^présidé à la consécration de la 

I. Creuzer(trad.Guigniaut), t. H, p. 229, dit que : c les Grecs traduisent Baal 
par Cronos et les Romains par Saturne, sans doute à cause du rapport de ces 
divinités avec Tidée de temps. » P. 23o : « Dans la Carthage romaine, qui con- 
serve ses anciens dieux tout en changeant leurs formes et leurs noms, le Sa- 
turne latin semble prendre la place du phénicien Baal. » 



STÈLE INÉDITE DE BEYROUTH 2i5 

Stèle me fait croire que le donateur a pu être un soldat. La 
dernière lettre de la première ligne est un O brisé parla cassure 
de la pierre. Le C a disparu. 

Le dernier mot mentionne des Césars qui, évidemment, 
régnaient simultanément. Le vœu formé pour leur victoire 
indique qu'ils avaient à soutenir une lutte contre un ennemi 
probablement étranger. D'un autre côté, le caractère paléo- 
graphique du monument révèle une assez basse époque (le 
m* siècle de notre ère). AYTOKPATOPCùN désignerait ici soit 
Caracalla et Géta, soit Gallien et son associé officiel Odénath 
qui lutta contre les tentatives d'invasion des nations limitro- 
phes de l'Empire, soit Carus et Carin, ou Carin et Numérien, 
qui guerroyèrent sur les frontières orientales contre les Perses; 
soit Dioclétien et ceux qui partagèrent le pouvoir avec lui. 

Le sens des deux inscriptions montre qu'elles sont entières. 
Le haut des lettres de la première ligne, un petit espace au- 
dessus de celle-ci et le couronnement de la stèle manquent. En 
donnant à celui-ci à peu près la hauteur du socle y compris la 
cymaise, l'autel entier devait avoir environ o'°,65 de haut. Ce 
qui reste du déa o'",2*2 de haut, o",225 de large sur chaque face. 
La base a, de haut, o™,i25 pour le socle seul et o",o85 pour la 
cymaise (en tout o",2i). Chaque face du socle a o'°,3i de long 
(i pied hellénique). 

D'où vient ce monument? A-t-il appartenu au même temple 
que le fragment d'architecture qui l'accompagnait? — Aux 
alentours je n'ai vu aucune trace d'édifice. Les seuls dé- 
bris antiques qu'on remarque, à quelque soixante mètres 
de là, sur les rochers que baigne la mer, sont des restes de 
maçonnerie formée de gros blocs, bien équarris, bien appa- 
reillés et de l'époque gréco-phénicienne (?). Sur ces ruines, des 
empâtements de maçonnerie (petits moellons noyés dans le 



2i6 SYRIE 

ciment) témoignent que, sous la domination romaine, des 
constructions importantes bordaient le port. Peut-être faut-il y 
voir des vestiges d*édifices construits par Justinien pour dé- 
fendre la côte, car ces blocages paraissent avoir fait partie 
d'une forte muraille qui défendait la ville du côté de la mer. 
Un peu plus loin en effet, vers Test, ce mur se rattachait à un 
édifice de même appareil qui semble avoir été une grosse tour 
avancée. Le circuit de cette tour est bien conservé. C'est un 
carré long avec une abside en hémicycle dont la convexité est 
battue par les flots. 

La maison d'Abdallah-Bey est sise dans des terrains où 
s'élevait autrefois un faubourg de Beyrouth. Il est possible 
qu'une chapelle, consacrée à Kronos-Hélios, ait été bâtie en ce 
lieu pour desservir le quartier de la marine '. 

Plus loin, à 700 mètres de là, après la pointe de Ràs-Bey- 
routh, derrière l'ancien hôtel Bellevue, des tronçons de co- 
lonnes couchés, un fragment de base, révèlent l'existence d'un 
édifice assez considérable. J'ai ouï dire qu'une des maisons 
voisines (celle de Djebrail Chentireh) avait été construite sur les 
restes d'un temple enfoui. Ce temple desservait un quartier 
tout maritime. 

Dans le jardin de la maison en question se voit une base 
servant de seuil et sur laquelle est gravée cette inscription 
publiée par M. Waddington, dans la partie épigraphique du 
Voyage de Philippe Le Bas =» : 

I. Cependant^ diaprés un passage d'Etienne de Byzance (Br,p;«Tà;, iràXic 4K>tvtxn;, 
ix (iixpâç (te-fdXT), xtiayjo. Kpdvou), il semble que l'on regardait Kronos comme le 
fondateur et le patron de la ville. On peut supposer alors^que^cette chapelle a 
été le premier temple consacré à Saturne, au lieu même où s*éleva la ville nais- 
sante. I^ vieille Bér)'te aurait alors été fondée sur le terrain où se trouvait ma 
stèle, là où les vestiges de grand appareil, cités plus haut, semblent témoigner 
en faveur de cette hypothèse. Ces vestiges, débris de la cité primitive, auraient 
été respectés pendant toute Tépoque romaine jusqu'au temps où l'on assit, sur 
ce qui en restait, les murs de défense dont les traces se voient encore. 

* 2. N« 1842 a. 




STÈLE INÉDITE DE BEYROUTH J17 

POMPONIO 
RVCCIOTRIARIOI 
LIOSERYCCIARIC 
LMVCIMEIVSPFCARDICi 
SACERDOTIANVS 

Peut-être encore ma stèle provient- elle, comme cette base, 

de ce temple dédié alors à Kronos-Hélios. Une fouille bien 

conduite donnera, j'espère, un jour, la solution de cette ques- 
tion. 



II 



SEPULTURE DES ENVIRONS DE BEYROUTH 



En creusant pour asseoir les fondations de la maison que 
Fachri-Bey fait construire sur la route prussienne, un peu avant 
d'arriver à Thôpital allemand, à gauche, les ouvriers ont mis à 
découvert un grand cippe dont je vous envoie le fac-similé. 



D n 



TU 



[ 



M 



VIBIAE 

AVRELIAE 

CONIVGI 

KAR1S SIMA 

AELIVSDIOSCORVS 

CONSECRAVIT 

Ce monument est intact. A quelques pas de là on a découvert, il 
y a quelques années, une de ces sépultures qu'on rencontre fré- 

* I. Revue archéologique, t. XIX, p. 224(1869). 




SÉPULTURE DES ENVIRONS DE BEYROUTH 219 

qucmment aux environs de Beyrouth, surtout vers Ràs-Bey- 
routh. Elles consistent en un cercueil de terre cuite enveloppé 
d'une chemise de plomb qui est en somme un autre cercueil, et 
qui porte, estampés sur ses quatre faces, des ornements de di- 
vers genres: têtes de gorgones, corbeilles de fleurs, figures de 
nymphes, de dieux, de déesses, etc. Les monnaies qu'on trouve 
dans ces fouilles ne remontent guère au-delà de Probus. On en 
trouve très souvent des successeurs de cet empereur jusqu'à 
Théodose, et presque toujours ce sont des petits bronzes. 



III 



LÉONTOPOLIS DE SYRIE- 



Lorsque de Beyrouth on veut aller au Nahr-el-Kelb (Lycus), 
on prend la nouvelle route carrossable qui passe un peu avant 
Toctroi, entre deux massifs ruinés de maçonnerie romaine dits 
Fontaine Saint-Georges. 

Des tuyaux de terre cuite sont encore engagés dans le massif 
de gauche. L'autre massif affecte la forme d'une maisonnette 
carrée et se trouve, en contre-haut de la route, dans un champ 
de mûriers. Derrière ce débris est une grotte creusée de main 
d'homme dans le rocher même de la colline dite de Saint-Geor- 
ges. Cette grotte ne semble pas avoir eu de destination sépul- 
crale. La route descend, après Toctroi, vers le Nahr-Beyrouth 
(Magoras) ^, qu'elle franchit sur un pont d'origine romaine, res- 

♦ I. Revue archéologique y XXIII, p. 169 etsuiv. (187a). 

2. Pline .'liv. V, ch. xvii) : <i At in ora etiamnum subjecta Libanofluvius Mago- 
ras, Berytus colonia, etc. » — Ce fluvius ou grand cours d*eau, entre Beyrouth 
et Sidon, ne pourrait être que le Damour ou Tamyras. Mais comme il est inad- 
missible que Pline ait pris pour un autre ou dénaturé ce dernier nom, il faut 
supposer qu'un renseignement erroné lui a fait donner au Damour le nom qui 
doit être attribué au Nahr-Beyrouth, cours d'eau plus digne que lui du nom de 




LEONTOPOLÎS DE SYRIE 221 

taure sous les Sarrasins et refait, pour ainsi dire entièrement, il 
y a six ans, par le gouvernement turc. A vingt minutes de là 
sont les sables. 

On appelle ainsi une grève qui borde la baie de Saint-Georges. 

Au bout de cette grève est un chemin qui monte, l'espace de 
quatre-vingts mètres environ, jusqu'à deux petits khans se fai- 
sant vis-à-vis. On a annexé deux maisons à celui de gauche. 
Une pierre taillée en forme de sarcophage et servant de banc a 
été trouvée en cet endroit. Ici les dernières roches d'un contre- 
fort du Liban rejoignent la mer et sont traversées par le che- 
min qui mène au Lycus. 

Les sables bordent des terrains cultivés et parsemés de villa- 
ges adossés à la montagne. Ceux-ci ont probablement remplacé 
des sites antiques disparus, mais peu importants, puisque les 
auteurs anciens n'ont pour ainsi dire cité aucun d'eux. 

De simples filets d'eau, des ruisseaux sourdent de la grève ou 
descendent du versant voisin. Un seul mérite l'attention, c'est 
le Nahr-Antélias. 

Ce cours d'eau n'tsl jamais à sec. 

Toujours guéable en été, en hiver il est rapide, peu profond, 
mais dangereux à franchir près de son embouchure, à cause de 
ses sables mouvants. Autrefois, en cet endroit, on pouvait le 
passer sur un pont dont il ne reste qu'un fragment de culée sur 
la rive droite. Ce pont m'a paru fort ancien. Il était construit 
en blocage formé de petits moellons noyés dans un très solide 
ciment. Aujourd'hui l'on est obligé de remonter le cours d'eau 
pendant près d'un quart de lieue, afin de gagner un autre vieux 
pont situé dans un bourg nommé, comme la rivière, Antelias. 



fluvius (car le Damour est souvent à sec Tété); ou bien, si Ton considère que la 

nonnenclature de Pline ne commence qu'à Beyrouth^ une interversion aura eu 

lieu dans le texte, et il faut alors restituer ainsi : c At in ora etiamnum subjecta 

Libano, Berytus colonia... Fluvius Magoras, etc. » Cette hypothèse me semble 

a plus probable. 



224 SYRIE 

mais par rapport à Sidon, ce qui pour l'instant est secondaire. 

4* Une ville de Léontos ou du Lion a existé au nord de Bey- 
routh, assise sur une rivière de même nom, et cette ville ne peut 
être qu'Antélias. 

Une ville de Léonton ou des Liofis a pu également très bien 
exister entre Beyrouth et Saîda. 

Pline paraît s'être enquis avec soin des sites des villes de la 
côte (de Beyrouth à Tripoli et au delà). L'exactitude de sa no- 
menclature le prouve. D'un autre côté, Scylax, malgré la muti- 
lation de son texte, semble, par l'évaluation qu'il fait particu- 
lièrement de la distance qui sépare Omithopolis de Léontonpo- 
lis, n'avoir point fait erreur sur le site de cette dernière localité. 
Donc, si Pline et Scylax ne se sont point trompés, il y a eu deux 
Léontopolis distinaes, l'une au nord, l'autre au sud de Béryte. 

5® Il est très supposable que le Lion, symbole solaire, servît 
d'armes parlantes et de racine onomastique à plusieurs villes de 
la côte placées sous le vocable du Soleil, comme maintenant ont 
été mis sous celui de Saint-Hélie plusieurs villages du Liban. 
Cela viendrait corroborer mon h3rpothèse par rapport au nom 
antique d'Antélias. 

La voie romaine qui longeait la côte de S3n:ie passait par Bey- 
routh et le Nahr-el-Kelb. Construite sur un terrain solide, elle 
suivait le pied du Liban et, nécessairement, traversait Antélias. 
Une borne milliaire devait, dans ce bourg, marquer cinq milles 
romains à partir de Beyrouth, c'est-à-dire près de 7 kil. 400 
mètres. 




IV 



LE MONUMENT DE SARBA 



(djouni de phénicie) 



ET LE SITE DE PALiEBYBLOSi 



Lorsque, venant de Beyrouth et se dirigeant vers le nord, on 
arrive au bord du Lycus, on peut traverser la rivière soit à gué, 
soit au pont, un peu plus haut. On continue sa route en lais- 
sant à sa droite un moulin, à sa gauche une petite fabrique, et 
en cheminant dans un sentier pierreux qui côtoie des champs 
de colocasses et de mûriers. Ces champs dépassés, on n'a plus 
autour de soi que des rochers et des pierres. La route est péni- 
ble; on Tabrège en galopant sur une grève étroite, le long de 
la mer, jusqu'à un bouquet de pins-parasols. Là on remonte 
sur la route qui tourne à Test en côtoyant la rive sud de la baie 
de Djouni, qu'on a à sa gauche. Devant vous se dresse un haut 
contrefort du Liban, au pied duquel s'étagent des maisons blan- 
ches disséminées dans la verdure des mûriers. A droite, des 

• I. Revue archéologique^ XXX V, p. i et suiv. (1878). 



maisons en contre-haut annoncent les approches d'un village, 
et des rochers taillés indiquent l'emplacement d'une localité 
antique. Quelques pas encore, et la route descend, en passant 
devant un petit café, jusqu'à une plage sur laquelle se voient 




A. Biie de Djounr. - 
Zoiii. — E. Chtmî 
H. Pont.Mamiltcin 
L. A[n Warka. 
_ P. CbemÎD I 
pk. - V. Ani' 
Z.DJ011 



.ycus. - C. Cbemia dt DiébeH. - D. Chemin de 
e antique. — F. Rla MamiUeîn. — G. Rocbere — 
iltein. — I. Montie de Ghaiir. — K. Ghulr. — 

M. Ruines d'un temple. — N. Chemin en licsli. — O. Mont Clim». 

:>riB3ii. - Q. Detr Bkerki. - H. Zouk Mitall. - S. Sarbi. — T. Tem- 



e pins 



- T. Rochen Uilljs. - 



constamment des barques en construction ou en réparation. On 
est à Djouni, sur la grande place. 

Le chemin tourne ensuite au nord en longeant la rive est de 
la baie et le grand contrefort dont j'ai parlé, franchit trois lits 
de torrents, passe au pied de la montée de Ghazir, et là tourne 
à l'ouest sur la rive nord de la baie. A partir de cet endroit il 



LE MONUMENT DE SARBA 227 

se trouve resserré entre la mer et des rochers formant l'extré- 
mité d'un autre grand contrefort qui abrite la rade des vents du 
nord et du nord-est. Quelques pas plus loin le chemin franchit 
le Nahr-Mamiltein sur un pont antique, puis, au Râs-Mamil- 
tein, s'infléchit au nord, dans la direction du Nahr-Ibrahim 
et de Djébeïl, le long de la côte de Syrie. 

Le sentier pierreux qui part du Lycus occupe, selon moi, à 
peu près l'emplacement de la voie romaine. Celle-ci, qui fait 
suite au sentier et le continue, est très distincte jusqu'au Râs- 
Mamiltein et n'est autre que la route actuelle. 

Djouni occupe une vaste étendue de terrain, car ses maisons 
sont très éparpillées. La plupart sont adossées à cette grande 
montagne ou contrefort dont j'ai parlé et qui, courant du nord- 
est au sud-ouest, défend la rade des vents d'est et de sud-est. 
Ce contrefort, dont les pentes sont extrêmement raides, se ter- 
mine brusquement, à Djouni même, en une sorte de promon- 
toire séparé des collines de Zouk par le ouâdi Antoura, dont le 
fond est un lit de torrent, à sec l'été. Ce ouâdi est dominé, à son 
entrée, par le Deïr Bkerké, construction de caractère féodal 
et des plus solides. C'est la résidence d'hiver du patriarche ma- 
ronite. — Un peu plus haut se voit une petite chapelle miracu- 
leuse. — Ces deux édifices sont, pour ainsi dire, accroches au 
versant sud du promontoire précité. Quelques arbres les do- 
minent et les environnent. Au sommet sont des rochers, et un 
chemin qui mène au pays haut par Harissa, Ghosta, etc. Ce 
chemin ne communique qu'avec Djouni par un sentier prati- 
qué sur le versant ouest, en vue de la baie, et dont l'entrée m'a 
paru avoir été évidemment pratiquée de main d'homme dans 
les rochers de crête. Ce sentier descend le flanc de la montagne 
en lacets réguliers, nombreux, relativement peu rapides, tra- 
verse le village en faisant quelques sinuosités et vient débou- 
cher sur la place, non loin d'une filature. — Les maisons bâties 
sur une petite hauteur, au sud de la baie, et que Ton a à sa 



228 SYRIE 

droite en venant du Lycus, forment un petit groupe, une sorte 
de hameau, nommé Sarba. 

La baie de Djouni est plus profonde au nord, où l'ancrage 
est plus sur (et où j'ai vu une fois au mouillage une corvette 
anglaise), qu'au sud, où le fond est sablonneux. Toute grande 
ouverte à l'occident, elle n'est exposée qu'au vent d'ouest, vent 
de pluie, vent d'hiver moins violent et moins dangereux que les 
vents du nord et de l'est. J'ajouterai que la rade est accessible 
de nuit pour les barques habituées au cabotage le long de la 
côte, et le serait pour tous autres bâtiments si un feu de port 
était établi dans une position convenable. Mais les bâtiments 
de commerce ne viennent pas à Djouni, et Djouni restera tou- 
jours ce qu'il est malgré son port, qui est en somme le seul qui 
mérite ce nom de Péluse à Alexandrette. Pourquoi cela ? C'est 
que Djouni n'a point de territoire, étant resserré entre les mon- 
tagnes et la mer, et par conséquent n'est pas dans un pays de 
production. De plus, Djouni et son magnifique port, que quel- 
ques travaux rendraient le plus sûr du littoral syrien, sont pour 
ainsi dire isolés du reste du pays, ne communiquant avec le 
nord et le sud que par les défilés de Mamiltein et du Lycus, 
avec les pays hauts et les vallées voisines, à l'est, que par des 
sentiers de montagne. Djouni est donc resté village tandis que 
Tripoli, Djébeïl, Beyrouth, Saïda, Sour, Acre, possédant des 
territoires d'une grande étendue, productifs, et d'un accès et 
d'un parcours relativement faciles, sont devenues des villes 
opulentes. 

Djouni est à peu près à égale distance de deux villes impor- 
tantes : Djébeïl et Beyrouth. Approximativement il y a, par la 
route ordinaire : i^'de Djouni à Djébeïl 17,93g mètres; 2* de 
Djouni à Beyrouth 1 8,488 mètres; ce qui donne pour la dis- 
tance totale de Djcbcïl à Beyrouth environ 36,377 mètres. 

La partie de Djouni nommée Sarba est comme un petit fau- 
bourg à part. Il occupe la croupe terminale d'un massif rocheux 




LE MONUMENT DE SARBA 229 

dont la hauteur varie de 1 5 à 20 mètres et au bas duquel passe 
la route. Les rares maisons de Sarba (quatre ou cinq) regardent 
toutes le nord, c'est-à-dire la baie. Sauf le petit café dont j'ai 
parlé, elles sont bâties au bord du plateau que forme le sommet 
de la colline et qu'occupe un champ cultivé appartenant au 
scheikh Nauphal. Pour y parvenir, on tourne à droite lorsque, 
venant du Lycus, on arrive sur la plage près des barques. On 
monte ensuite un sentier qu'on trouve bientôt à droite et qui 
débouche sur la hauteur, longe le champ Nauphal au levant, 
et conduit au seuil de chaque demeure. — La principale habita- 
tion est celle de MM. Khadra. C'est la dernière à l'ouest. Elle 
attient à une petite propriété sise au couchant et consistant en 
plates-bandes de terrains de culture, s'étageant sur la pente de 
la colline au moyen de murs de soutènement en pierres sèches, 
peu élevés (i à 2 mètres). Le premier palier est en contre-bas du 
champ Nauphal et la différence de ni veau est d'environ 6 mètres. 
Il n'y a point de mur de soutènement. Celui-ci est remplacé par 
la paroi d'un grand édifice rectangulaire dont les trois autres 
côtés sont engagés et enfouis dans le terrain Nauphal, et qui 
maintient parfaitement les terres. 

Ce monument, évidemment antique, est plat à sa partie supé- 
rieure et dallé de grandes pierres taillées avec soin; mais cette 
terrasse est presque entièrement recouverte par un énorme amas 
de moellons gros, en moyenne, comme un pavé. Elle était bor- 
dée par une corniche dont on voit des restes presque au niveau 
du sol, dans le champ Nauphal. Ces restes appartiennent à la 
façade sud, maintenant enfouie, et qui regardait Beyrouth. — 
Si l'on descend dans le premier terrain Khadra, la façade nord 
apparaît tout entière, regardant la baie et les rochers de Mamil- 
tein. Elle est, pour ainsi dire, intacte, et permet de se faire une 
idée exacte du monument. 

L'édifice se compose de deux massifs de maçonnerie superpo- 
sés. Comme celui du haut est en retrait sur l'autre, ce retrait est 



2 



3o 



SYRIK 



ménagé par une cymaise renversée, plate, et dont l'obliquité est 
d'un peu moins de 45°. Le massif inférieur ou base se compose 
de cinq assises (la plus basse visible au ras du sol), toutes 
cinq de hauteurs inégales et en pierres taillées de dimensions 
qui varient de 5 mètres de long à o",5o et même moins. — L'as- 
sise dans laquelle est pratiquée la cymaise, et les trois dernières 
qui forment le massif supérieur, sont entre elles d'inégale hau- 
teur. A cette partie supérieure de l'édifice des pierres manquent 
au parement extérieur, à l'est et à l'ouest; la partie médiane n'a. 




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pour ainsi dire, pas souffert, et permet de restituer l'ensemble. 
— A l'angle inférieur occidental du monument, la première 
pierre de la seconde assise fait une forte saillie et est, dans sa moi- 
tié supérieure, pourvue d'une sorte de tenon de mortaise comme 
si elle eut dû s'encastrer dans un autre bloc et être, en quelque 
sorte, l'arrachement d'une maçonnerie. Cette seconde assise, 
comme on le voit sur la planche XII, se dédouble jusqu'au roc 
qui paraît vers l'extrémité est. De gros moellons bien équarris et 
en deux rangs superposés remplacent une pierre absente, entre 
la pointe du roc et la troisième assisse. Enfin des pierres de 
taille font suite jusqu'à l'angle oriental de l'édifice. — A l'est, 
c'est-à-dire à la gauchedu spectateur, au tiersenviron (io",5o) 



LE monumi-:nt de sarba 



de la longueur totale de la façade et entre les deux assises du 
massif inférieur, immédiatement sous la cymaise, est une niche 




"i ^êa,é^-^ 






'"IfM' 



rectangulaire, large de o",39, haute de o'°,89, profonde de 
o°,64. Cette niche a été taillée dans les deux blocs superposés 
de gauche, ceux de droite formant simplement paroi. Du 



a32 



SYRIE 



milieu de cette paroi de droite se détache un petit cîppe carré, 
haut de 0*^46 et se présentant comme une console ou un support 
sculpté (avant sa pose?) dans le bloc de la seconde assise. 
Ce cippe consiste en un dé haut de o'°i2, ayant une base de 
o",i7 composée d'une cymaise plate et d'une abaque. Le cou- 
ronnement est pareil. Sur la face médiane ou antérieure, regar- 
dant la paroi de gauche, se présente de profil une tête de génisse 
de style assez primitif, sculptée en relief sur le dé et la cymaise 
supérieure. 0^,09 séparent la base du cîppe du sol de la 
niche, et o",34 séparent le plafond de celle-ci du dessus de la 
console. 
A gauche de la niche, vers l'angle est de l'édifice, est une 










brèche produite par Tenlèvement de pierres du parement exté- 
rieur appartenant aux cinq dernières assises du haut. Un des 
blocs ou dalles de terrasse, déplacé, a basculé et recouvre obli- 
quement cette brèche, qui donne accès dans un couloir. Celui-ci 
est rempli, comme doit Tètretout Tintérieurdu monument, par 
des pierres, dont les plus grosses ont été édifiées en un mur ver- 
tical pour empêcher toute descente ou toute tentative de dé- 
blayement. Le plafond, de i™,85 de large, est formé par les 
dalles de terrasse, dont une est longue de 3'",45. Les parois du 
couloir vont en s'élargissant vers le bas, car les assises surplom- 
bent de o",o8 à o",io Tune sur l'autre. Celles-ci sont, comme 



^ 



LE MONUMENT DE SARBA 233 

le reste de Tédifice, de grand appareil (une pierre mesure 2"",57 
de long), mais de hauteurs inégales : celle du haut a 0^,57, la 
seconde 0^,69, la troisième o^^Sy. 

J'ai mesuré le monument avec un décamètre-ruban ; aussi 
mes cotes sont-elles approximatives. J'ai trouvé 28'",5o (54 cou- 
dées philétériennes) pour la longueur du massif intérieur, ce qui 
donne pour celui du haut 27" ,60 si Ton déduit de chaque côté 
environ o'",45 de retrait. — La largeur de la terrasse est d'en- 
viron t4",69 (27 coud, phil.), et celle du bas de l'édifice, par 
conséquent, est d'à peu près i5'",0o. La hauteur du monumenc 
prise à l'ouest, depuis le haut jusqu'à la base de la pierre d'ar- 
rachement, est de 6™,27. A Test, les hauteurs additionnées des 
six pierres d'angle superposées donnent (les quatre assises du 
massif supérieur étant d'épaisseur égale) : o'",84 X 4 -h o'",88 
-H i",i4 = 5'",38. La moyenne d'élévation serait de 5",82 
(i I coud, phil.), mais la mesure vraie ne pourrait être obtenue 
qu'en déblayant et mettant à nu le rocher qui sert de base à 
l'édifice. 

La pierre dont est bâti celui-ci m'a paru être un calcaire 
blanc, dur et compact, de même nature que la roche environ- 
nante. 

Les débris antiques que j'ai reconnus autour du monument 
sont les suivants : 

I" A l'angle ouest, gisant sous une broussaille, un fragment 
d'une corniche de grande dimension, de style simple et sévère, 
d'exécution vigoureuse. Je crois ce morceau très ancien et 
d'époque grecque. (* V. page suivante, la première figure.) 

2* L'angle oriental se rattache à la maison Khadra par un 
mur de soutènement en pierres sèches, dans lequel sont en- 
châssés des tronçons de colonnes de granit gris, de o'",70 de 
diamètre. 

3** Dans le champ Nauphal sont deux citernes, antiques, m'a- 
t-on dit : Tune proche du monument et que je n'ai pas vue; 



2?4 



SYRIE 



Tautre au sud-est, près du sentier de communication, et dont 
rorifice, carré, est presque entièrement recouvert par un bloc 






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à bossages de i",76 de long, i mètre de large et o",84 de haut. 
Tout à côté gisent dans Therbe : un fragment de petite corniche 




en pierre blanche, et deux portions de petits frontons, d'archi- 
tecture grecque, dont Tun porte une tête radiée d'Apollon. — 
Je n'ai pas vu d'autres débris aux environs. 



LE MONUMENT DE SARBA 



Les rochers de la côte présentent, comme je l'ai déjà dit, des 
vestiges de travaux antiques, tous groupés dans le voisinage 




immédiat du grand édifice et sous la maison Khadra, parallèle- 
ment à la route. 

A gauche, en venant du Lycus, tout au bord de la mer, une 
alvéole circulaire, avec un trou central, avait dû recevoir une 
meule de moulin. 

Plus bas, un rocher brisé et tombé dans l'eau a été entaillé 
comme pour recevoir des assises de maçonnerie. 

Enfin, les roches voisines portent les traces du travail de 
l'homme. 

Sous ia maison Khadra, une paroi de roc bien taillée et assez 
haute est peut-être celle d'une citerne, ou indique, plus proba- 
blement h mon sens, qu'on avait adossé là une habitation. 

Un peu plus bas est une citerne à cîel ouvert. Elle est carrée 
et d'environ 4 mètres de côté. 

A peu près à 33 mètres de là, au levant, sont six alvéoles 
sépulcrales pratiquées dans le rocher. Quatre sont dans la di- 
rection nord-sud (parmi elles est une tombe d'enfant) et deux 
dans la direction est-ouest. Une de ces deux est une tombe de 
tout petit enfant. 



A trois pas de là, vers l'est, est une chambre avec trois tombes 
d'adultes, orientées nord-sud. Celle du milieu présente une par- 





^!i 




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fc. . la 


■HH MraraîijTmifiiiiiiiLuiiiBiiiB'iiiEBiiiBiiiHiii 1 



ticularité curieuse : sa longueur est de 2",i i ; sa largeur à la 
suriace du roc, de o^iGG •, sa profondeur, de o",74 ; un listel ou 
baguette carrée saillante, qui règne sur tout le pourtour de la 
paroi interne, à o",26 de distance du fond, divise horizontale- 




ment le tombeau en deux parties égales et permettait, en ser- 
vant de support à une dalle intermédiaire, de superposer deux 
cadavres. 

Enfin, plus bas, à quelques pas de la route, est une excavation 
ou chambre taillée dans le roc. Elle affecte la forme d'un trapèze 



LE MONUMENT DE SARBA 



23; 



allongé dont la base, de 3",i5, est au levant. Le côté sud est 
de 4°,3o; le côté nord, de 4'°i75. Dans la paroi ouest, qui 



■ -- i^.' 




peut avoir 2", 80 de large (je n'ai pu la mesurer), s'ouvre sur 
toute la hauteur une sorte de conduit ou cheminée dont la sec- 
tion est un carré long de 2"*,5o sur i mètre. — Au-dessus de la 
paroi est sont quelques marches d'un escalier qui s'interrompt 
brusquement. — A un pied et demi, à peu près, au-dessous, un 
rebord a été ménagé horizontalement dans la pierre et se pro- 
longe sur toute la longueur de la paroi sud. — Dans la partie 
inférieure de la chambre, toujours à l'est, ont été taillés, dans 
les encoignures nord et sud, deux escaliers, le premier de trois 
marches, l'autre de quatre. Tous deux tiennent à un palier ; à 
celui du sud est jointe une sorte de console ou palier annexe en 
contre-bas de l'autre de quelques centimètres. — Au-dessus de 
cet escalier, dans la partie sud, ont été creusées, l'une un peu 
au-dessus de l'autre, deux niches, la plus basse cintrée, la plus 
haute à voûte angulaire. Elles étaient probablement fermées, car 
des trous de clous encore visibles indiquent des garnitures d'en- 
trée. — Sur la même paroi (au niveau de la seconde marche) est 
une sorte de boyau qui servait, je crois, de rampe ou de point 
d'appui. — La paroi nord n'a que le tiers environ de la hauteur 
de celle du sud. Elle est couronnée par un parapet assez bas 
qui permet de voir toute la chambre. — Le long de ce parapet. 



un sentier et quelques degrés descendent sur la route. Le fond 
de l'excavation est un lit de sable que vient sans cesse mouiller 




le flot de la baie entrant par une anfractuosité de rocher. — 
Cette chambre est, à mon sens, un curieux spécimen d'une cave 
marine de maison antique. Je crois en effet que le lit de sable du 
fond recouvre une cavité ou un bassin où l'eau était sans cesse 
renouvelée, ce qui permettait d'y tenir du poisson en réser^-e '. 



1. A Beyrouth même, vers Ràs-Btyrouih, les roches de côte qui ft'ftenjeni 
depuis les cimetières (non loin du Port à charbon) jusqu'à une petite anse, vers 
la ville, offrent de nombreuses traces du travail de l'homme. Outre des débris 
de maçonneries de plusieurs époques, on peut voir, dans les endroits où le roc 
est aplani, des bassins carrés, en communication avec la mer au moyen de 
goulets étroits de deux ou trois doigts, ou rigoles, qui permettaient à l'eau de 
se renouveler sans cesse. Sauf un ou deux, ces bassins ne sont pas assez pro- 
fonds pour qu'on puisse s'y baigner. Aussi je les considère simplement comme 
des réservoirs à poissons. Quelques-uns présenteul sur leurs bords des traces de 
feuillures, ce qui me fait supposer que des fermetures à claire-voie pouvaient 



LE MONUMENT DE SARBA 239 

La cave, étant fermée du côté nord par une muraille qui con- 
tinuait la paroi et le parapet, était recouverte d'un plancher 
portant sur ce mur et sur la feuillure du rocher à Test et au 
sud. On arrivait sur ce plancher par les degrés cités en premier 
lieu. Une trappe et un escalier de bois permettaient de descendre 
sur les paliers de pierre et, par les marches, jusqu'au réservoir. 
Les niches renfermaient les ustensiles et le luminaire. Quant 
à la cheminée, elle servait à Taérage, à puiser de Teau, monter 
le poisson, etc. 

Avant d'étudier le monument de Sarba et de dire un dernier 
mot sur les antiquités qui l'environnent, il est nécessaire de 
préciser, dans la mesure du possible, le passé de Djouni. 

Rien d'antique dans ce nom de Djouni. Il s'écrit j^^ et est le 
relatif de ^i», dont la racine est ^l^, être blanc ou rouge; ^^^ 
signifie baie^ bras de Varc (voy. Dict. de Kaiimirski)^ et ces 
deux sens rapprochés rappellent ce vers de Virgile : 

Portus ab Eoo fluctu curvatur in arcum. 

(Enéide, liv. lU, v. 533.) 

^^ veut donc dire golfien. C'est le village de la baie, nom 
d'origine tout arabe. 

Les Itinéraires anciens ne m'ont fourni aucun renseignement 
sur le site de Djouni ; mais Pline l'Ancien m'a donné un nom 
sur lequel j'ai pu baser des conjectures : « At in ora etiamnum 
<c subjecta Libano : fluvius Magoras ', Berytus colonia quae Félix 

s'y encastrer. — Je crois que sur d'autres points des côtes de Phénicie on pour- 
rait reconnaître, dans les roches travaillées, des réservoirs identiques. 

I. Il me semble hors de doute que 3/ j^orj5 doit être une appellation grecque 
duTamyras, et ne désigne pas le Nahr-Beyrouth comme je l'ai cru moi-même, 
en supposant une interversion dans les manuscrits (voir Rev, archéol, 1872, 
Léontopolis de Syrie) [* p. 220]. En effet: 

I* Pline, ne mentionnant que les étapes et sites remarquables de la côte, devait 
omettre Nahr-Beyrouth (qui probablement tirait alors comme aujourd'hui son 



240 SYRlt 

^^Julia appellatur, Leontos oppidum, dumen Lycus, Palae- 
« bybios, dumen Adonis, oppida B\'blos, Botrj's... » (liv. V, 
ch. xvir. Palaîbvblos se trouvait donc entre le Lvcus et T Adonis. 
Strabon est plus explicite encore : eÏTa juTa TflcJTTv (Bybios) 

pLo; xal Br.fjTo; (liv. XVI, ch. xjx . D'après ce texte, la route, en 
allant nord-sud, passait d abord au pied dumontClimax,^ifi> 
à Palaîbyblos. Toutefois la cane de Peutinger seule m'a donné 
par ses chiffres une solution satisfaisante. En effet, en allant du 
sud au nord nous y voyons après Beritho le chiffre VIL A ce 
septième mille se trouve justement le village actuel d'Antelias^ 
le Leontos oppidum de Pline. Ensuite Palœbyblos^ sans aucun 
chiffre, et enfin Biblo suivi du chiffre X//, représentant le 
nombre de milles qui séparent cette station de la précédente. 
Or les 17,939 mètres que Ion compte entre Djébeïl (Bybios) et 
Djouni équivalent kdou^e milles romains de 1,481 ",481, plus 
un dixième. Le site de Djouni est donc celui de Palaebyblos, que 
je suppose avoir occupé la rive sud de la baie. — Lorsque des 
Phéniciens, partis de Test, furent portés, malgré eux peut-être', 

nom de Ja ville même), beaucoup trop près de Beyrouth pour former une station 
distincte, et se confondant avec la cité. 

2* Pline mentionne )e Magoras comme le premier point de la côte (en venant 
du sud) où le Liban se rapproche de la mer. Or ce point est justement le 
Tamyras, 

3* Dans son routier du littoral, Pline ne devait pas omettre le Tamyras, halte 
obligée avant d'arriver à Beyrouth, et célèbre comme limite de l'ancien royaume 
giblite, dont Pautre frontière était V Adonis. 

4<> Il est à remarquer que Pline donne Tépithète de flumen au Lycus et à 
V Adonis, rivières qui ne sont jamais à sec. Le Nahr-Beyrouth étant dans le 
même cas, si le nom de Magoras Teût désigné, Pauteur Peut aussi appelé 
flumen, c cours d^eau ». Mais il le qualifie defluvius, «torrent». Donc le A/o- 
goras ne peut être que le Tamyras, qui est un torrent, et il n^existe aucune 
interversion dans les leçons des manuscrits. 

50 Le mot Magoras étant familier aux oreilles des Grecs, ceux-ci, aidés par 
l'assonance des deux noms {Tamyras, Magoras), ont adopté celui dont le sens 
leur était le moins étranger. 

I. C'est ainsi qu'à une époque moderne les Hovas, partis de la Malaisie, 



LK MONUMENT DE SARBA 241 

par les courants et les moussons des mers de Tlnde jusque dans 
le golfe d'Oman, ils continuèrent à pousser leurs praos vers 
Touest et, trouvant la route fermée au fond du golfe Persique, 
s établirent sur les côtes d'Arabie, non loin de l'embouchure du 
Chatt-el-Arab, où ils fondèrent Tylos et Arados {îlesBahreïn; 
Pline, Hist. nat.^ VI, xxviii). Intelligents, vifs et entreprenants 
comme des Américains, ils prirent pied sur le continent, s'éta- 
blirent en Chanaan, et, avançant vers TOccident, sans doute 
d'après l'opinion (peut-être de source atlante) qu'ils devaient, 
par cette voie, retrouver leur lieu d'origine, ils arrivèrent aux 
bords de la Méditerranée. Essentiellement marins, ils s'établi- 
rent naturellement au seul port du littoral syrien, celui qui prit 
le nom de Byblos. — Byblos est donc la plus ancienne ville 
de Phénicie. Etienne de Byzance l'affirme {v. BYBA02 : B\>6>.oç 
Tzo'kiç çotvixTj àpyaioTaTV) raacov, Kpovou xTi(j[JLa, « Byblos, ville 
phénicienne, la plus ancienne de toutes, fondation de Chronos »), 
ainsi que Sanchoniathon (édition Orelli, p. 29: ...6 Kpovo;... 
lupcirYiv iro>.iv xTi^ei t7;v iizX <l>oivi)cy,; Bué>.ov, « Kronos fonde la 
première ville qui soit en Phénicie, Byblos »). Ce premier comp- 
toir donna naissance à deux autres colonies, Gébal et Bérytus. 
Baaltis, dite aussi Dione^ Neptune et les Cabires eurent leurs 
temples dans les nouvelles cités (Sanchon., éd. Orelli, p. 38-3y). 
Ces premiers Phéniciens ou Chananites étaient agriculteurs, 
pêcheurs et, j'ajouterai, métallurgistes. Mais ce fut surtout à 
Sidon et à Tyr, fondations plus récentes des Chananites, que 
l'industrie et la marine prirent le plus beau développement. 
Les habitants de Byblos étaient aussi maçons et charpentiers 
(III Rois^ V. 18 ; Eiéchiel^ xxvii, 9). 

Je vois dans le mont Climax (ou mont Échelle) de Strabon 
cette montagne sur le flanc de laquelle s'étagcnt les nombreux 

atterrirent à Madagascar^ dont ils se sont en partie rendus maîtres par leur in- 
telligence et leur énergie. 



342 SYRIE 

lacets du sentier dont j'ai parlé, lacets comparables aux enflé- 
chures dune échelle. Ce chemin, je pense, a fait donner au ver- 
sant qui le porte le nom de Climax et est très ancien. Autrefois, 
comme aujourd'hui, il était la seule voie de communication de 
la ville avec le pays haut. Il est large de deux mètres environ en 
moyenne, ce qui est assez considérable pour la contrée ; il est 
très usé, pratiqué avec soin sur cette pente rapide, et il forme 
des zigzags égaux. Enfin, un débouché sur le plateau lui a été 
taillé dans le roc, au-dessus de Bkerké. Tout ceci vient bien à 
l'appui de mon opinion, d'accord en tous points, du reste, avec 
le passage de Strabon. 

Il reste à savoir pourquoi un nom, celui de Sarba^ a été spé- 
cialement donné à un coin de Djouni, là même où était la ville 
de Palœbyblos. Sarba s'écrit U-w ou \»yo et n'a aucun sens. Ce 
n'est donc pas un nom arabe. C'est, à mon avis, un vocable de 
tradition dont les trois lettres mères Srb sont identiques à 5fy, 
constructives du mot Serapis, Sarba tire donc son nom du Sé- 
rapéum de la vieille Byblos, là où fut le tombeau d'Osiris et le 
berceau de la civilisation phénicienne. 

On connaît la légende : Isis, à la recherche du corps de son 
époux, prend Anubis pour pilote et met à la voile * vers Byblos, 
où le cercueil d'Osiris, miraculeusement enfermé dans une co- 
lonne â!ericea scoparia^ fait partie delà construction d'un palais. 
Isis demande le coffre et l'emporte en Egypte. Le roi Malcandre 
et la reine Astarté exposèrent la colonne dans un temple élevé à 
Isis (Plutarque, De Iside et Osiride^ c. xvi), et on l'y vénérait 



I. En plaçant Anubis dans leur panthéon, les Égyptiens lui donnèrent une 
tête canine, symbole de flair, d'aptitude à retrou\rer une piste, un sillage, une 
route de mer. Cependant ils firent honneur de l'invention de la voile à Isis 
(Hygin; Fulgence; Diod., Hv. I, ch.xv; Ératosth., 35), ainsi que du premier vais- 
seau (Hygin, Fab,^ 277; Fulgence, liv. I, ch. xxv). Isis ne fut que l'importatrice 
de la première, car la voile, caractère majeur de la navigation de long cours, 
est phénicienne comme ccllc-ci, et c'est par son voyage à Byblos que la déesse 
la connut. 



LE MONUMENT DE SARBA 243 

encore du temps de Plutarque, au deuxième siècle après Jésus- 
Christ. 

Ainsi donc, à Byblos était un Sérapéum (cf. Lucien, De dea 
Syra^ c. vu) qui fit de la cité une Médine phénicienne. Celle-ci, 
cependant, comme Djouni et pour les mêmes causes, devint dé- 
serte et se réduisit à un simple village, tandis que Gébal s'éleva 
en pays découvert et accessible. Pour y attirer le commerce, la 
légende d'Isis, modifiée et pliénicianisée^ y fut installée, et, 



I. Osiris devint Adonaï, Isis s'appela Astarté ou mieux Astareth^ et Typhon 
se changea en sanglier. On sait la légende. 

n est à remarquer que la reine de Byblos porta, outre les noms de Saosis et 
de Nemanun, celui d'Astarté. D'après une ingénieuse hypothèse, le nom divin, 
qui doit s'écrire H y c^^^ x , vient de la racine sémitique trilitère yLm qui veut 
dire vêtir, et signifierait alors : la vêtue. Dans ce cas le ^ serait une lettre 
euphonique analogue à celle que l'on met forcément en français, par exemple, 
devant les mots qui commencent par st, sp, se, — Astareth serait donc une 
simple épithète donnée d'abord à Isis à cause du voile noir ou multicolore qui 
la couvre, puis attribuée postérieurement à l'autre reine (temporelle) de Byblos, 
Saosis ou Nemanun. Sur le nom précis de celle-ci, au dire de Plutarque {De 
Iside, c. xv), on n'était pas d'accord. Il est probable que plus tard on a con- 
fondu les deux personnalités. Astareth était bel et bien, à Gébal même, la déesse 
égyptienne (cf. la stèle de Byblos) adorée conjointement avec Nephtys (Renan, 
Mission de Phénicie, p. 201 ; cf. p. 214). Astareth fut aussi le nom de la Vénus 
Uranie, divinité sidérale chaldéenne toujours représentée complètement et même 
richement vêtue (cf. la Patère d'Idalie, dans la Rev. archéoL, nov. 1872 et janv. 
1873) [• voir p. 83 et suiv.]. Cclle<i avait un temple à Sidon (Luc, De dea 
Syra, c. iv). — Comparez la statuette de Golgos de la collection Cesnola (Mé- 
moire de M. Doell, dans les Mém, de VAcad, des se. de Saint-Pétersbourg, 
7* sér., t. XIX, no 4, pi. I, fig. 2). Cette statuette remarquable, gravée pi. XIII, 
ne représente pas assise sur un trône la déesse phénicienne. Celle-ci est debout 
sur une sorte de pavois, sous lequel sont encore fixées deux petites têtes dont 
les corps ont disparu. Il y avait quatre têtes. Ces quatre cariatides étaient, je 
pense, des prêtresses. — La déesse est debout en grand costume. Au front, un 
riche bandeau. La chevelure tombe en tresses nombreuses par derrière et de 
chaque côté (cette mode s'est conservée jusqu'à présent chez les Arabes). Au 
cou, deux colliers symboliques : un cercle et un triple rang de perles fermé par 
un chaton carré. L'avant-bras, nu, est orné aux poignets de bracelets ouverts, 
se fermant par pression et dont les deux bouts sont garnis de têtes d'antilope. 
Un vêtement de dessus, fait d*unc étoffe souple et fine, s*ouvrc par devant en 
formant de chaque côté de symétriques petits plis. Des manches à agrafes cou- 
vrent le haut du bras. La robe, tombant par devant jusqu'au cou-de-pied seule- 



i44 SYRIE 

avec elle, un sanctuaire, des fêtes et un pèlerinage furent établis ' . 
La ville devint importante et Test encore. 

La vieille cite consena ses souvenirs et son temple; c*est le 
grand monument que j'ai décrit qui fut ce sanctuaire. Son étude 
attentive nous fera connaître comment il se fait qu'il soit encore 
debout. 

Comme je Tai dit, Tappareil des cinq assises inférieures diffère 
de celui des trois assises du haut. En haut, c'est Tappareil dit 
isodomon; en bas, c'est le pseudisodomon (Pline, Hist. nai., 
liv. XXXVI, ch. Li; Vitnive, II, vnr, iv). Celui-ci est de beau- 
coup le plus ancien, car on le retrouve dans la construction du 
Trésor d* Atrce et de la porte des Lions à Mycènes. Il est évident 
alors que la grande ruine de Sarba appartient à deux époques 
bien distinctes, et mon opinion est que la portion inférieure est 
un reste de Tédifice primitif, d'architecture probablement égyp- 



ment, couvre les talons et est pounue d*une queue que la maîa. gauche tient et 
ramène en avant (les femmes bédouines portent encore des robes à queue). 
Aux pieds nus, des sandales à courroies. L^ensemble de cet accoutrement est 
lourd, et parait bizarre. La déesse rappelle ainsi la squaw d^un peau-rouge. 

I. Voy. Luc, De dea Syra, c. v, vi, vu, viii. Il appert de ces passages : i*que 
sous ses modifications phéniciennes le mythe de Vénus et d* Adonis resta égyp- 
tien (c. V et vu); 2* que Gébal se substitua, sous le rapport religieux, si complè- 
tement à Byblos, qu'elle finit par lui prendre même son nom (Byblos devient 
alors Palœbyblos). Même histoire arriva pour la Paphos de Chypre. 

Gébal semble avoir été respectée par le christianisme, car on peut lire dans 
Benjamin de Tudéle (éd. Asher, liv. LX et XXVIU) : c Et de là à une journée de 
voyage est Tautre Gébaîl, qui est la Géboul des fils d'Ammon (Ammonites). 
Elle contient environ i5o juifs et est gouvernée par sept Génois, dont le chef 
est Julianus Embriaco. On trouve là l'ancien sanctuaire des Ammonites et leur 
idole est assise sur un trône en pierre richement doré. Deux figures de femmes 
sont à côté de son trône à droite et à gauche, et devant est l'autel sur lequel les 
Ammonites offraient des sacrifices et brûlaient de Fencens dans les temps an- 
ciens. — La ville contient environ 200 juifs, et est sur le bord de la mer de la 
terre d'Israël. > — Celte idole est évidemment V^énus-Uranie ou Astaroth, car on a 
trouvé à Chypre des groupes de l'époque grecque, représentant la déesse com^ 
platement vêtue , coiffée de la tiare (le modius) et assise sur un trône flanqué de 
deux prêtresses. — Le fanatisme a, depuis longtemps, fait justice du monument 
de Byblos ou plutôt de Gébeîl. 



LE MONUMENT DE SARBA 



tienne. Ce devait être un énorme cube 
allongé, couronné par un tore et un 
évasement, et simulant ces coffres où 
se trouvent enserrés les cercueils de 
momies (on voit de ces coffres dans les 
musées). L'appareil isodomon repré- 
senterait une réfection exécutée à une 
époque grecque, comme l'indique la 
corniche moulurée du couronnement 
dont on voit des restes au sud. 

Il n'existe aucune trace d'escalier 
extérieur, et cette particularité s'est 
retrouvée sur plusieurs autres tem- 
ples du Liban. Les débris de colonnes 
dont j'ai parlé plus haut et le morceau 
d'entablement que j'ai décrit me sem- 
blent avoir appartenu soit ù une co- 
lonnade surmontant le monument 
même, et soutenant une corniche et 
peut-être un toit, soit à un temple 
pourvu d'une cella. Dans la première 
hypothèse, l'édifice tout entier devait 
ressembler un peu au célèbre tombeau 
de Myiasa de Carie, décrit par Ch, 
Fellows [Lycia), tombeau consistant 
en une base carrée renfermant la 
tombe et une sone de temple ou plutôt 
de colonnade formée de piliers carrés. 
La deuxième hypothèse me semble 
plus probable, et je pense que les pre- 
miers Séleucidcs firent élever sur le 
cénotaphe d'Osiris un temple dédié 
à Isis, la patronne de Byblos et la divinité la plus inv 



I . 



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1"H 



oquéc ( 



2.j6 SYRIK 

marins. En un mot, ils façonnèrent le coffre de pierre en sou- 
bassement de temple grec \ construisirent celui-ci et conservè- 
rent ainsi à l'ensemble de Tédifice son sens primitif : Isis sur 
la tombe de son époux ^. Les colonnes, d'ordre ionique très 



1. Ce serait alors pour conserver à l'édifice entier ce caractère d*un tombeau 
surmonté d'un naos que Ton a supprimé Pescalier, auquel on suppléait par une 
échelle mobile. En vertu de cette conjecture, le monument de Sarba peut avec 
raison être rapproché du tombeau de Mylasa, précité. — Mon opinion est aussi 
que les soubassements des temples, avec ou sans escaliers, sont des réminis- 
c.*nces de tombeau. 

2. Un fragment de plaque de revêtement en albâtre, rapporté de Ruad par 
M. Renan (Louvre, Salle asiatique), nous montre, sous un semis de vaisseaux 
isiaques portant le soleil (voy. Rev. archéoL^ janvier 1876, p. 26-3g) [* cf. 
chapitre iv] et surmonté de la torsade mystique, un sphinx ailé à tête de femme 
coiffée du pschent royal Cl couché SUT \c Sérapéum. — Le sphinx^ avatar d^Isis, 
est la Neith des égyptologuçs ou la nature organisée et vivante. Ici il est Isis 
elle-même, Isis reine, Vépouse d'Osiris sur la tombe de son mari. 

Le sphinx, représentant Tépouse d'Osiris, est toujours, comme tel, placé im- 
médiatement sur le tombeau du dieu, et porte alors un attribut royal. Mais il 
en est tout autrement lorsque, coiffé simplement du klaft, il est destiné à des 
sépultures de mortels. En effet, Neith, la vie organique, sur un tombeau, sym- 
bolise la résurrection ou plutôt la palingénésie. Or les Égyptiens, dont les idées 
étaient nettes et précises, sachant que cette palingénésie ne s^accomplit point 
directement, mais par un intermédiaire nécessaire, n'ont jamais placé immédiat 
tement sur des tombes des figures de sphinx, mais ils ont stulcment juxtaposé 
celles-ci aux monuments funéraires. Ces monuments alors étaient ^re^^ue toujours 
surmontés de la pyramide. La pyramide est la sixième partie du cube, qui donna 
son nom à Cybéle ; c'est l'image du tu mu lus, de la Terre-Matière (nj fi^p, 
Mater-ia), cet intermédiaire nécessaire où tout se régénère, se recompose, et que, 
dans cette idée de réfection^ on accumulait sur le cadavre. Celui-ci était même 
introduit au sein de la matière elle-même, c'est-à-dire de la pyramide, tout 
comme Pest un œuf de scarabée dans sa boule. Gizeh, Saqqarah, Oaschour nous 
offrent des exemples de ce fait, ainsi que les trois pyramides situées à trois 
stades nord de Jérusalem et dans lesquelles Hélène, reine d'Adiabène, se fit 
inhumer avec ses deux fils (FI. Jos., B, J., V, 11, 2}. Lorsque la pyramide était 
placée sur un cercueil (elle formait alors, sur le couvercle, un toit à double pente 
et à deux pignons inclinés), elle était souvent cantonnée de sphinx (sarcophage 
d'^Amathonte, par exemple, etc.) ou, à défaut, de cornières offrant des figures de 
sphinx en bas-relief, remplacées elles-mêmes très fréquemment par Isl palmette 
grecque (qui n'est autre que le soleil de la barque isiaque, laquelle symbolise la 
résurrection, ou mieux, la vi>). J'ajouterai que le grand sphinx de Gizeh n'est pas 
un tombeau, mais que, juxtaposé à des tombes royales, il représente la déesse 
vénérée dans le temple qu'il recouvre. — Enfin le sphinx, multiplié de manière 



LE MONUMENT DE SARBA 247 

probablement, pouvaient, vu leur élévation ( 6 mètres environ, 
leur diamètre étant de 2 pieds philétériens ou o'",7o), être, avec 
le haut du temple, aperçues du large et servir ainsi aux na- 
vigateurs de point de repère», d'amer, en un mot. Et je crois 
même que Tidée utilitaire ne fut pas étrangère à la réédification 
grecque. 

La niche de la façade nord est sensiblement reportée vers 
Test. Cette disposition, qu'il était facile d'éviter, a bien évidem- 
ment été voulue, et ce pour un motif religieux : vers le levant 
aussi regarde la tête bovine du petit cippe, et sur cette console 
était, je pense, une figure tournée aussi au levant. — Mais 
quelle .figure ? — Le monument renfermait un cercueil de 
l'Égyptien Osiris, mort et inconnu jusqu'alors au pays, et était 
consacré à Isis, vivante, populaire et vénérée. Il est donc tout 
naturel qu'on ait, de préférence, invoqué la protection de celle- 
ci sur un travail commencé. Aussi le petit tabernacle, ménagé 
dans les premières assises, dut-il, comme par une dédicace an- 
ticipée, recevoir l'image d'Isis, qui devint ainsi le talisman pro- 

à former des avenues conduisant à des sépulcres, intervertit son rôle et semble 
signifier alors la vie préface de la mort. 

Ainsi donc la véritable Isis-Épitymbie des mortels est la pyramide (qui, comme 
r^- Vénus matérielle, prend à Paphos la forme conique), que les hiéroglyphes, 
d^ailleurs, nous montrent posée sur un tombeau. Le sphinx ne peut que lui être 
juxtaposé, superposé même, mais ne la remplace que sur le Sérapéum. 

Faut-il conclure de toute cette note que la plaque de Ruad reproduit le primitif 
monument de Sarbar Non. Car celui-ci, cénotaphe, n'est que commémoratif de 
Sérapis (toutefois, oubliant ce point, on revendiquait plus tard, chez les Giblites, 
la dépouille même d'Osiris; Luc, De dea Syra^ c. vu), dont il ne contenait 
aucun morceau. Le sphinx royal n^est donc pas admissible ici, et je pense qu'au- 
dessus de rétui d'éricéa, qui avait contenu le coffre d'Osiris, se trouvait un 
simple naos dédié à la déesse. 

I. Le monument des Machabées à Modin, en Palestine, servait aussi de point 
de repère aux navigateurs : c . . . . ensuite il établit au-dessus des colonnes des 
panoplies pour immortaliser leur nom y et, devant ces panoplies, des navires 
(rostres?) sculptés afin d*ctre aperçus de tous ceux qui naviguent sur la mer, » 
(Machabées, ch. xiii, v. 29 ) L'angle droit que formaient les navires avec les 
colonnes en rendait, effectivement, la vue plus distinct*. On sait quel rôle basique 
jouent les amers dans le pilotage. 



248 SYRIE 

tecteur de Tédifice. Comme le cippe semble tout frais épannele, 
qu'il est blanc encore de Toutil du manœuvre, et absolument 
intact, il est évident qu'il est resté longtemps caché. Aussi est-il 
probable qu'une dalle murait la niche ' et n'a disparu qu'à une 
époque relativement récente. C'est, je crois, pour conserver ce 
talisman qu'on n'a point remanié la partie construite en pseu- 
disodomon et que l'on a eu recours à l'artifice de la cymaise 
pour obtenir les dimensions philétériennes de la plate-forme. 
La conclusion de tout ce qui précède est que l'habitacle et ce 
qu'il y a dedans datent de la fondation du temple. La rudesse et 
la simplicité primitives du cippe et de la tête de génisse attestent 
d'ailleurs une époque très reculée et corroborent mon opinion. 

Si, maintenant, l'on regarde à distance cette façade nord dé- 
chaussée jusqu'au roc, on constate que le sol primitif devait 
tout au moins aftleurer le bas de la niche (en recouvrant, par 
conséquent, la pierre d'arrachement en saillie à l'angle nord- 
ouest) et marquer le niveau du seuil de la porte d'entrée du 
tombeau (pratiquée au milieu probablement de la façade sud) 
ainsi que la hauteur du sol de la salle intérieure. Celle-ci et le 
couloir se trouveraient, d'après cela, avoir à très peu près sept 
coudées égyptiennes d'élévation, soit 3'",()75. 

Mais l'édification du temple grec dut amener l'abandon du 
Sérapéum proprement dit =*, que l'accumulation des débris et 



1. Cet usage de murer dans les fondations ou la maçonnerie des édifices des 
statuettes de vierges se retrouve au moyen âge. Mais le populaire a transformé 
ces vierges en jeunes filles et fabriqué, comme commentaires à Tappui, de cu- 
rieuses légendes et des histoires atroces. 

2. Le culte d^Osiris, toutefois, ne fut pas délaissé, comme le prouve l'ins- 
cription en l'honneur de Z€VC CIIOVPAMOC découverte à Sarba même par 
M. Renan. Ce Zeus avait^ je pense, près ou au dedans du temple, une chapelle 
à laquelle il est possible qu'ait appartenu le fragment de fronton de marbre 
blanc à la tête radiée que j'ai décrit plus haut. 

Z€rC €lI0rPAiNI0C est la traduction littérale de Baal Semin, adoré dans toute 
la Phénicie araméenne, à partir du Tamyras, limite de l'ancien royaume giblite. 
Au sud on adorait surtout Vénus et Hercule, à Sidon et à Tyr. 



LE MONUMENT DE SARBA 249 

rexhaussement du sol ne tardèrent pas à recouvrir presque 
complètement. C'est ainsi que Ténorme massif de pierres de 
taille s'est conservé intact jusqu'à Tépoque, inconnue du reste, 
mais relativement récente ', où la formation, pour la culture, 
de plates-bandes étagées fit débla3'er la partie nord et jouer 
ainsi au monument, comme je Tai déjà dit, le rôle de mur de 
soutènement. Il faut aussi reporter à la même date la décou- 
verte de la niche, la démolition partielle de Tédifice, et l'accu- 
mulation de pierres dans son intérieur (voy. la relation de 
Brocchi). 

Les travaux exécutés dans le roc, aux abords du temple et au 
bord de la mer, sont un indice de séjour permanent qu'on pour- 
rait attribuer sans invraisemblance, à cause de la proximité du 
sanctuaire, à des personnages sacerdotaux. Mais il ne me paraît 
pas possible de formuler une hypothèse pour attribuer à ces 
excavations une date même approximative. 

En résumé, j'ai, dans cette notice, établi nettement : lo que 
la montagne de Bkerké est très probablement le mont Climax; 
2" que DJounî\ et particulièrement le lieu nommé Sarba^ est 
bien le site de Palœbyblos^^n m'appuyant sur les données de la 
carte de Peutinger ; 3" que la grande ruine, dont j'ai donné des- 
cription et détails, ne peut être que le Sérapéum de la vieille 
cité qui resta, après sa décadence au profit de Gébeïl^ un centre 
religieux illustre et vénéré ; 4" que les tombes et autres travaux 
exécutés dans les rochers de la côte et avoisinant le temple doi- 



I. Le comte de Choiseul-Gouffier, qui explora, il y a cent ans, cette portion de 
la Phénicie, n'a pas vu le monument de Sarba. L'ingénieur Brocchi s'arrêta à 
Djouni et le visita, le i*' janvier 1824, à son retour de Djébeïl. (Voy. t. III, 
p. 319-20 du Giornale délie osserva^ioni faite ne' via^f^i in Ef^itto, Striai etCf 
Bassano, 184 1-184?, 5 vol. in-8» et atlas de 20 pi.) Il parait être le premier 
voyageur qui ait vu, à piu près dans Tctat où il est maintenant, le Kalaal 
Sarba. Je crois donc rester dans les limites du probable en reportant aux pre- 
mières années de ce siècle IVpoque de la découverte de PédiHce. 



23o SYRIE 

vent naturellement être attribués aux habitants du lieu, peu 
nombreux et dont le séjour n'était motivé que par le service du 
sanctuaire. 

J'ajouterai qu'un déblayement de Tédifice, pour l'isoler, amè- 
nerait, entre autres découvertes intéressantes, celle de la porte 
d'entrée. Si, comme je crois l'avoir bien établi, 1 édifice est un 
Sérapéum, et si, en outre, sa construction est conforme aux 
traditions funéraires de l'ancienne Egypte, il faut considérer le 
monument tout entier comme un mastaba (voy. Rev. archêoL^ 
janv. 1869, les Tombes de F ancien empire^ par A. Mariette), le 
couloir comme un serdab muré et isolé de toutes parts, et la 
chambre principale comme la seule partie communiquant au 
dehors par une porte centrale. — Ces points ne pourront être 
éclaircis que lorsqu'on aura complètement vidé l'intérieur de la 
ruine des pierres dont on l'a rempli. 

Le temple de Sarba n'est pas le seul édifice de grand appareil 
que j'aie vu dans cette partie du Kesrouan. Pendant un séjour 
que je fis en septembre 1868 au couvent-forteresse maronite 
A' Ain- Warka^ situé dans un vallon non loin et au sud-est de 
Gha^ir^ je fis l'ascension d'une montagne boisée dominant le 
monastère et haute de plus de 700 mètres. Au sommet étaient 
les ruines d'un édifice important. Un énorme pan de mur était 
encore debout, construit en grand appareil isodomon. Je ne sais 
si ces débris ont été vus avant moi et depuis. Mais à mon retour, 
ayant jeté les yeux sur la carte et interrogé des gens du pays, je 
sus qu'il y a, de ces ruines à Djébeïl^ une journée de marche. 
Or un temple célèbre était situé dans la montagne, à la même 
distance de Byblos, au dire de Lucien [De dea Syra^ c. rx) : 

'Aveêviv $à xal e; tov Aiêavov h. B'j6>.ou o^ov rjjjtipY)ç i7uOo|JLevo; 

aÙToOi ip/aîov lepov 'AçpoSiTr.ç £»x[jL£vai to KivuprjÇ eicaro xai eîiov to 
lepov xal âpyaîov y.v ' Ta Je [Jt-ev scTi Ta ev tt, Supiv; àpyaia xai pieYaXa 
Upa. « De Byblos, je montai au Liban' jusqu'à une journée de 
là, ayant appris qu'il s'y trouvait un ancien temple d'Aphro- 



LE MONUMENT DE SARBA 25i 

dite fondé par Cinyras. Je vis ce temple. Il était vraiment an- 
cien. Ce sont là les vieux et grands sanctuaires qu'il y a en 
Syrie. » 

Lucien n'indique point la direction qu'il prit; mais, le monu- 
ment que j'ai vu se trouvant dans la vieille Phénicie et proche 
de Palœbyblos, vers Tyr et Sidon, une identité avec le temple 
de Cinyras (le Cypriote) s'établit en sa faveur. 



TROISIÈME PARTIE 



EGYPTE 



INSCRIPTION DU CAMP DE CÉSAR 



A NIGOPOLIS (EGYPTE)» 



L'inscription dont nous donnons ici un fac-similé ^ fut décou- 
verte en 1860 au camp romain dit camjt? de César ^ antique ruine 
située à quatre mille trois cent cinquante mètres nord-est d'A- 
lexandrie d'Egypte, sur l'emplacement de l'ancienne Nicopolis, 
au bord de la route qui conduit à Ramlé et à Aboukir ^. 

Le marteau des Arabes l'a quelque peu mutilée. Il est cepen- 
dant facile de reconnaître dans la partie du texte encore intacte 
un monument épigraphique curieux et d'une réelle valeur. 

L'ensemble du bloc sur lequel il est gravé indique un piédes- 
tal de statue. C'est un prisme quadrangulaire en marbre blanc, 
haut d'un mètre cinq centimètres environ. A cinq centimètres 
du sommet, une corniche, dont on voit un fragment sur la face 
latérale gauche, ornait les quatre côtés, dont chacun a soixante- 

* I. Revue archéologique, X, p. 211 et suiv. (18O4}. L'auteur paraissait dispose 
à apporter quelques modifications à cet article^ qui fut sa première publication 
archéologique. 

2. Voir la planche XIV. 

* 3. Voir remplacement de ce camp romain sur W plan de la planche XV. 



■ibb EGYPTE 

trois centimètres de largeur jusqu'à vingt-huit centimètres vers 
la base, à partir de la corniche. De ce point à la base le reste du 
bloc forme un retrait d'un centimètre et demi et n'a plus que 
soixante centimètres de largeur. 

La date de l'érection de ce monument est indiquée par l'ins- 
cription même et correspond à Tan 199 deJ.-C. En effet, Sep- 
time Sévère ayant été reconnu empereur le 2 juin 193, son 
septième tribunat correspond bien à Tan 199 de J.-C, et les 
monuments épigraphiques de Tépoque nous apprennent que, 
cette même année, il fut salué imperator pour la onzième fois. 
Consul pour la première fois sous Marc Aurèle* en 171, avec 
Aufidius Hérennianus pour collègue, Sévère le fut pour la 
seconde fois en 194, avec Clodius Albinus César, et pour la 
troisième en 202. Toutes ces dates sont d'accord entre elles. 

Deux lignes manquent. La première, formant tête de l'ins- 
cription, devait, selon l'usage, contenir les mots IMPERA- 
TORI CAESARI, soit en toutes lettres, soit en abrégé, et en 
caractères plus grands que ceux du reste de l'inscription. La 
seconde ligne, où l'extrémité inférieure des premières lettres 
paraît seule, contenait le nom du personnage dont FILIO, 
mot initial de la troisième ligne, est le complément obligé, 
personnage qui n'était autre que Marc Aurèle, dont Sévère se 
flattait d'être l'émule et le fils adoptif. 

Il est infiniment probable que les mots DECVRIONES (offi- 
ciers) et ALARES (soldats) étaient suivis du mot ALARVM, 
devant déterminer d'une façon précise les deux corps mention- 
nés à la ligne suivante : les vétérans gaulois et la troupe nommée 
Prima Thracum Mauretana. On ne pourrait en effet, supposer 
qu'on eût écrit simplement ce que nous lisons sur la partie res- 
pectée par le marteau, car nous aurions eu alors une expression 
défectueuse et vague, équivalant en français à cette phrase 
elliptique : les soldats du « 32*' de ligne » pour : les soldats du 
(f 32* régiment de ligne ». 



INSCRIPTION DU CAMP DE CÉSAR 257 

En conséquence des hypothèses que nous avons énoncées ci- 
dessus, nous proposons la restitution suivante de la partie dédi- 
catoire de notre inscription : 

[IMPERATORI • CAESARI] 

[DIVX . m(aRCi) . AVR(eLII) . ANTOXIM . GERMANICI . SARMATICI .] 
FILIO . DIVI . COMMODI . FRATRI . DIVI . ANTONl[vi .] 
PII.NEPOTI . DIVI . HADRIANI. PRONEPOTI. DIVI 
TRAIANI . PARTHIc(l) . ABNEp[OTl] . DIVI . NERVAE . 
ADNEPOXI . (lVCIO) . SEPTIMIO . SEVERO . P[l0] . 

PERTINAC(i) . AVG(vSTo) . ARABIc(o) . ADIAB[E]Nir[o] . PONT(iFICi) 
MAX(lMO) . TRIBVNIC(iAe) . POTESTATIS . vTl . IM[pERATORI . XÎ] 
CO(n)s(vLI) . ITERVM . p(aTRI) • p(aTRIAE) . PROCONSVI.(l) 
DECVRIONES . ALARES . [ALAR(vm) . ] 

VETERANAE . GALLIC(ah) . et . T . THRACVM . MAV[RETANAE] . 

Viennent ensuite les deux colonnes de noms, que nous croyons 
inutile de reproduire ici. Dans notre opinion, c-eux de la pre- 
mière colonne à gauche sont les noms des décurions, ainsi que 
les deux noms placés en tête de celle de droite et séparés des 
suivants par une lacune. Nous voyons par leur nombre que 
tous les officiers gaulois et que les autres décurions des deux 
alae^ moins deux, étaient présents. 11 est permis de supposer 
que les huit ou neuf premiers appartenaient au corps maurita- 
nien, bien qu'aucun signe, aucune division ne puisse nous 
guider d'une manière certaine. Dans la colonne de droite, au 
contraire, les noms des soldats gaulois qui ont coopéré sont 
nettement séparés par une lacune des Mauritaniens marqués 
plus bas. Trois Gaulois seulement auraient payé le stip^^^ tandis 
que neuf Mauritaniens auraient pris part à l'érection du mo- 
nument. 

On remarquera que l'orthographe de ces noms est en général 
défectueuse. Ainsi, à la troisième ligne de la première colonne à 



»7 



258 EGYPTE 

gauche, l'artiste a mis une S initiale au lieu d'un C au surnom 
(SESARION pourCAESARION). 

A la ligne suivante, VIPIVS est vraisemblablement, ainsi 
qu'à la quatorzième ligne, pour VIBIVS ou VLPIVS, et plutôt 
pour ce dernier nom, car dans l'autre colonne l'L du mot 
PLOTIVS n'a pas été non plus pourvue de son trait inférieur, 
etl'onaccritPIOTIVS. 

A la dixième ligne, le surnom VITALIVS est pourVITALIS 
et nous remarquerons la même substitution de la terminaison 
IVS à la terminaison IS dans la cinquième ligne de la. colonne 
de droite (MARTI ALI VS pour MARTI ALIS ). 

Dans cette même colonne de droite, le mot ASCLEPIODO- 
TVS était accompagné (comme nous l'indique l'expression QVI 
ET) d'un autre nom, grec comme lui probablement, et qui peut- 
être était CHARISTIO, en supposant que la lettre presque en- 
tièrement effacée qui suit le C ait été une H. 

A la sixième ligne, HERACLIDIS est pour HERACLI- 
DES. 

A la ligne suivante, AGRIPPAS est pour AGRIPPA, et à 
la dixième ligne enfin, ANTESSTIVS pour ANTISTIVS. 

Remarquons, pour .terminer, qu'un nom, AELIVS, rem- 
place, à la neuvième ligne, le surnom qui aurait dû accompa- 
gner le nom AVRELI VS. 




II 



LE TEMPLE DE VÉNUS ARSINOÉ 



AU CAP ZÉPHYRIUM 



(environs d^alexandrie d'Egypte)» 



En décrivant la côte entre Alexandrie et la bouche canopique 
du Nil, Strabon s'exprime ainsi ^ : 

« Entre la mer et le canal s'étend une étroite bande de terre, 
où se trouvent la petite Taposiris après Nicopolis, plus le cap 
Zéphyre, dont la pointe porte un petit temple d'Arsinoé Aphro- 
dite. C'est là, dit-on, qu'aurait été autrefois une ville de Thonis, 
qui portait le même nom que le roi de qui Ménélas et Hélène 
auraient reçu l'hospitalité. » 

Si, en sortant d'Alexandrie par la porte de Rosette, on suit le 
rivage en marchant vers Test, on atteint au bout d'une heure de 

* I. Revue archéologique, XIX, p. 268 et suiv. (1869). Le mcmoirc est daté de 
Beyrouth, i»» août 1868. 
2. XVII, I, 16. 



26o EGYPTE 

marche les débris d*un grand monument que Ton reconnaît, à 
son appareil, être une œuvre des Romains. Cette grande ruine, 
dite Camp de César, marque l'emplacement de Nicopolis. Et 
bien que, jusqu'à présent, aucune inscription ne soit venue 
confirmer cette assertion, Tétude attentive des auteurs, le calcul 
des distances ne laissent aucun doute à cet égard. Nicopolis 
était située à 4,3oo mètres environ des murs de Tancienne 
Alexandrie, à 20 stades, au dire de Strabon (liv. XVII, ch. xvii) 
et de Josèphe (liv. IV, ch. xi). Pline, qui lui donne le nom de 
Juliopolis, évalue cette distance à 2,000 pas romains. 

Si Ton s'avance vers Canope, on arrive au bout de cinq mi- 
nutes sur les hauteurs de Ramlé, tumulus qui cachent proba- 
blement les ruines de Taposiris Parva, et qui sont maintenant 
couverts d'habitations de plaisance des riches Alexandrins. Des 
sarcophages de marbre d'un assez bon travail ont été trouvés 
en ce lieu; des nécropoles, des vestiges d'habitations ont été et 
sont encore mis à jour lorsqu'on construit quelque nouvelle 
villa. Des fouilles sérieuses opérées depuis le Camp de César 
jusqu'au promontoire le plus voisin donneraient une moisson 
abondante de monuments intéressants et précieux. 

En marchant en avant, le long de la mer, on atteint bientôt 
un monticule de terres couvrant probablement aussi des rui- 
nes. Ce tertre nous cache Textrémité d'un cap. Gravissons- 
le. Nous dominons les restes d'un petit temple dorique, entiè- 
rement déblayé et surplombant presque les flots. Il est séparé 
par une baie d'un autre promontoire où ne se voit aucun ves- 
tige de construction et d'où la vue du sacellum qui nous occupe 
a été prise '. 

Le texte de Strabon est explicite. Le sacellum de Vénus Arsi- 
noé, dite aussi Vénus Zéphyritis (Pline l'Ancien, liv. XXXIV, 
ch. xiv), était sur le premier cap que l'on rencontrât en venant 

I. n. XV, I. 




LE TEMPLE DE VÉNUS ARSINOÉ 261 

d'Alexandrie. Sa distance de Nicopolis est d'environ i,25o mè- 
tres (soit 7 stades, 0,89), et de la ville, de 27 stades, 0,89 (soit 
environ 5, 600 mètres). Taposiris Parva se serait étendue alors 
vers Test sur une largeur d'un kilomètre environ (de Ni- 
copolis au cap Zéphyrium, en admettant que ce cap fût sa li- 
mite), et elle touchait sans doute, au sud, au canal de Canope, 
que séparait de la mer, depuis cette dernière ville jusqu'à 
Alexandrie, une bande de terre ', et dont nous n'avons pas ici à 
faire la description. 

Ce cap Zéphyrium, ainsi nommé parce qu'il était exposé au 
zéphyr ou vent d'ouest, partageait cette dénomination avec plu- 
sieurs autres caps qui l'avaient reçue pour le même motif; il y 
avait un cap Zéphyrium en Bruttium près de Locres, un autre 
en Cilicie, un autre en Paphlagonie. 

Ce promontoire est, comme nous l'avons dit, le premier que 
Ton rencontre en sortant de la porte Canopique. Il ne peut être 
autre que celui dont parle Strabon, car aucune autre langue de 
terre, aucune colline s'avançant dans la mer, n'arrête le vent 
d'ouest auquel il est tout entier exposé, et le nom de Zéphyrium 
lui convient parfaitement. Les colonnes qui se dressent en- 
core sur l'espèce de plate-forme ménagée à son extrémité sont 
bien, selon toute apparence, celles du sacellum dont parle Stra- 
bon, et qui a été bâti en l'honneur de la seconde fille de Ptolc- 
mée T', sœur et femme de Ptolémée Philadclphe, et déifiée 
après sa mort. 

Pline raconte (ff. A^., XXXIV, xiv) que son frère et mari 
la fit adorer sous le nom de Vénus. L'architecte Dinocharès fut 
chargé de lui élever un temple que la mort l'empêcha de bâtir. 
Au lieu d'un grand et beau sanctuaire, Arsinoé n'eut qu'une 
modeste chapelle. 

Le soubassement de l'édifice, construit tout entier avec la ro- 

I. PI. XV, 2, 



che tendre de la côte, qui n'est que du sable agrégé, est un rec- 
tangle de r o^igî de long sur 7'°,3o de large et o'^So d'épaisseur. 
Il supporte, sur chaque grand côté, quatre colonnes espacées 




entre elles de i",i5, et deux seulement, espacées entre elles de 
i",i7, sur chacune des deux faces ou petits côtés. 

L'entrée du temple regardait l'ouest, c'est-ù-dire Alexandrie. 
Le soubassement en cet endroit n'existe pas, et les colonnes 
s'appuient sur des dés de pierre de niveau avec le soubassement 



LE TEMPLE DE VÉNUS ARSINOÉ 263 

susdit et de même épaisseur, et laissent entre elles un passage 
de plain-pied donnant accès à l'intérieur. 

Aux angles du monument, le toit s'appuyait sur quatre mas- 
sifs de maçonnerie, carrés et présentant dans l'alignement des 
colonnes des fûts identiques engagés à moitié. Deux de ces pi- 
liers ont disparu : celui de droite en entrant et celui de gauche 




au chevet de l'édifice. La première des quatre colonnes du côté 
droit a également été rasée. Les autres sont plus ou moins bri- 
sées, sauf une seule, la quatrième à droite, au fond, qui a con- 
servé encore la moitié de son chapiteau. Sa hauteur, qui nous 
donnera celle de toutes les autres, est de 5 mètres environ ; son 
diamètre à la base est de o"',7o5, sa circonférence de 2",2 1 5. 

Depuis leur base jusqu'à une hauteur de i^iSS, les colonnes 
étaient revêtues d'une chemise de mortier ou stuc blanc, lisse, 
et effritée en grande partie sous l'influence des brises de mer. De 
ce point au chapiteau, vingt cannelures à arêtes vives ornent le 
fût, qui s'évase à son sommet pour recevoir une abaque ou ta- 
ble carrée sur laquelle reposaient les solives. 



EGYPTE 



C'est à l'ordre dorique du Parthénon qu'appartient ce temple, 
1 et la sévère élégance de ce style était parfaite- 
ment en harmonie avec le lieu isolé et mélan- 
colique où on l'a bâti. 

A trois pas du temple, un silo ou citerne en 
maçonnerie, bouché maintenant, servait peut- 
être aux besoins du culte '. La côte tout au- 
tour est éboulée en plusieurs endroits, et les 
sables et roches désagrégées forment des talus 
en pente vers la mer. 

Comme nous l'avons vu, Dinocharès ne 
put exécuter le plan qu'il avait conçu. II est 



* I. Ce passage donna lieu plut tard à u 
tion sans fondement, que réfute la lettre suivante publiée 
dans le tome XXXVl de la Revue archéologique, p. 390 

(décembre 1878) : 

s Monsieur le Directeur, 

a En parcourant récemment le d* i3 du Bulletin de 
rinstitut égyptien (années 1874-1875), je fus surpris d'y 
voir mon nom cité plusieurs fois par NérouCsos-Bcy ce ce 
à propos du temple de Vénus Arsinoé, décrit par moi dans 
une notice de la Revue archéologique (datée de 1868), 

( Voici comment s'exprime Nérouisos-Bey : ■ Cepcn- 
I dant il ne faut pas s'y méprendre, comme cela est arrivé 
t dans le temps avec Colonna-Ceccatdi, qui désigna comme 
t crypte ou chambre mortuaire le silo en maçonnerie qui 
• se trouve ù une distance de quelques pas de l'entrée du 

■ petit temple, et qui n'est autre chose qu'un four i chaux 
E tris moderne, datant de onze ans. » 

n Mon mémoire porte sitnplement ceci : f A trois pas du 
n temple, un silo ou citerne en maçonnerie, bouché 

■ maintenant, servait peut-£tre aux besoins du culte. » 
a De tombeau, pas un mot. 

■ Néroulsos-Bey parle peut-être sans avoir vu le mo- 





le Directeur, de vouloir bien insérer cette rec' 
le ma considération la plus distinguée. 

<• G. CoLONMA-CECCkLDI. • 






LE TEMPLE DE VÉNUS ARSINOÉ 265 

permis de supposer que Ptolémée II, qui avait décerné Tapo- 
théose à Arsinoé, réduisit son plan à de plus modestes propor- 
tions, lorsque le temps eut un peu refroidi son enthousiasme. A 
moins, toutefois, que Ptolémée III Évergète, fils de sa pre- 
mière femme, ne se soit chargé de la construction du sacellum, 
plus peut-être par respect pour la mémoire ou les dernières vo- 
lontés de son père que par dévotion pour la nouvelle déesse. 
Cependant, Pline dit expressément (liv. XXXIV, ch. xiv)que 
Philadelphe ajouta le nom de Zéphyritis à celui de Vénus. Le 
monument du cap Zéphyrium serait alors véritablement son 
œuvre, et les matériaux dont on se servit furent primitive- 
ment, sans doute, plus riches que ceux dont on voit les restes 
aujourd'hui. 

Quoi qu'il en soit, cette chapelle, dont la silhouette blanche 
s'apercevait d'assez loin, était, par sa position sur le cap le plus 
rapproché d'Alexandrie en venant de Canope, un point de re- 
père pour les navigateurs. Ce fut sans doute pour cela que, ré- 
paré et entretenu avec soin, il subsista jusqu'à présent dans un 
lieu où des bourgs populeux et florissants, des villes même, 
n'ont pour ainsi dire pas laissé de traces. 



APPENDICE 



LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE' 



La terre à pots est excellente à Chypre, et les fabriques de cé- 
ramique y prirent un très grand développement. Aujourd'hui 
encore, on exporte des poteries du pays sur tout le littoral de la 
Syrie et de TAsie Mineure, et si les produits des fabriques ac- 
tuelles sont moins élégants peut-être et moins ornés que ceux 
d'autrefois, beaucoup de modèles néanmoins (grandes pièces 
principalement) sont restés les mêmes qu'il y a trois mille ans. 

Les vases indigènes se reconnaissent à leurs ornements carac- 
téristiques, parfois bizarres et sauvages, n'appartenant spécia- 
lement à aucun style, mais dont quelques-uns portent les traces 
évidentes d'une influence étrangère, assyrienne et égyptienne 
principalement. 

Le trafic avec les peuples circonvoisins amena l'introduction 
dansl'ile de poteries étrangères, grecques, syriennes, romaines, 
égyptiennes même, dont les dernières fouilles ont fourni de 
nombreux spécimens de toutes grandeurs et de toutes formes. 

Une particularité curieuse à noter c'est que, dans la plupart 
des tombeaux où Ton a découvert des poteries, les anciens 
avaient enfoui avec leurs morts non seulement des vases à usage 

* I . Étude et fragments inédits retrouvés dans les papiers de Tauteur. 



270 APPENDICE 

et de dimensions souvent respectables, mais encore des réduc- 
tions de ces mêmes vases fabriquées probablement dans un 
but purement funéraire et par un motif d'économie. 

VASES TENDRES 

A PAROIS ÉPAISSES, NON TRAVAILLAS AU TOUR ET PARAISSANT 

ÊTRE DE FABRIQUE TRES ARCHAÏQUE. 

Ils sont formés de glaise fine et onctueuse qui, une fois cuite, 
a pu, en raison même de sa contexture, recevoir un poli doux 
et brillant. 

Cette classe peut se diviser en deux catégories : 

i** Vases d'un rouge éclatant ou d'un beau noir, ornés de 
nombreux et élégants dessins gravés à la pointe, et aux traits 
remplis de blanc; 

2° Vases unis, moins fins et de couleur ocre jaune foncé, mé- 
langée de taches livides ou coups de feu. 

L'ornementation de la première catégorie a pour caractère 
distinctif des faisceaux de lignes parallèles, très rapprochées (et 
figurant pour ainsi dire des hachures), formant des zones droi- 
tes ou faites de zigzags, des damiers, des carrés, des cercles, des 
disques, des losanges, etc. Des lignes simples et des points s'y 
montrent aussi. 

Cette classe ne comprend guère que des ustensiles de ménage, 
bouteilles à anses et à cols allongés, évasés ou terminés en becs 
de burettes recourbés; coupes hémisphériques, bouteilles àdou- 
bles goulots jumelés au moyen d'appendices ou traits d'union ; 
doubles fioles; bocaux à col cylindrique dont le diamètre égale 
quelquefois la moitié ou les deux tiers de celui de la panse elle- 
même; têtes de fuseaux de diverses grandeurs, etc. (tous ces ob- 
jets de la première catégorie); porte-épices à deux, trois, qua- 
tre, cinq ou six godets; bouilloires à bec de la forme de nos 
théières, mesures hémisphériques garnies d'anses; cuillers, en- 
tonnoirs, cruches, etc. (seconde catégorie). 



LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE 271 

Beaucoup de ces ustensiles (bocaux, bouteilles, fioles) sont 
pourvus d'anses ou de rudiments d'anses et même de simples 
boutons appliqués quelquefois sur la panse même de l'objet et 
percés à jour, sans doute pour permettre d'y passer des cordons 
de suspension. 

Ces vases, à cause de leur forme sphérique, ne pouvaient se 
tenir debout qu'au moyen de couronnes ou rondelles. Quelques- 
uns cependant, de formes bizarres, sont pourvus de pieds. 

Les premiers échantillons de ces poteries ont été découverts 
dans les collines au nord de Dali, à Hagios Nicolaos. On en a 
trouvé ensuite dans les tombeaux des vallées de Dali et d'Alam- 
bra, et, presque toujours, avec eux, des fers de lances et des dé- 
bris d'armes en bronze, mais jamais de poteries d'aucune autre 
sorte, ni de verreries, ni de bijoux, ni de médailles, ni de sta- 
tuettes. 

Les fouilles d'Hagîos Nicolaos ont fourni surtout les échan- 
tillons de la seconde catégorie; celles d'Alambra, les vases de la 
première. 

Dans sa livraison de décembre 1868, la Revue archéologique 
a donné les dessins de plusieurs vases analogues à ceux de cette 
classe (première catégorie principalement) et découverts dans 
des tumulus. Des poteries identiques ont été trouvées dans les 
fouilles de Sais en 1867, ce qui indiquerait qu'un commerce de 
céramique existait autrefois entre Chypre et l'Egypte, à l'époque 
peut-être où l'île appartenait aux Ptolémées. L'archaïsme de 
style de ces poteries s'expliquerait alors en supposant que l'on 
continua longtemps encore à Chypre à fabriquer d'après les an- 
ciens types et les anciens procédés. 

VASES DE TERRE GLAISE ROUGE-BRUN 
DE FABRIQUE ASSEZ PRIMITIVE MAIS BONNE. 

La plupart semblent n'avoir pas été travaillés au tour, et. 



272 APPENDICE 

bombés, ne peuvent conserver leur stabilité que placés sur une 
couronne. 

Ces poteries se caractérisent par des ornements consistant en 
de petits disques saillants appliqués près des orifices et sur les 
panses. Ces disques ou boutons, aplatis, sont eux-mêmes or- 
nés soit de trous (ordinairement au nombre de six, un entouré 
de cinq autres), soit de petites pastilles de terre disposées de 
même. Parfois même ces disques sont absents. 

Ces pièces, généralement de grandes dimensions, affectent le 
plus souvent la forme de bassines, évasées, en cônes renversés 
ou aux trois quarts sphériques et munis d'anses et de becs ou 
goulots, évasés, simples ou doubles (jumelés par le moyen de 
traits d'union). 

J'ai vu à Dali, en 1868, un vase de cette classe dans la cour 
d'une maison. Sa hauteur est de (»™,59, son plus grand dia- 
mètre de panse de 0^,445. L'aplatissement du fond en assure 
la stabilité. 

Les spécimens de ces poteries que j'ai vus viennent très pro- 
bablement de Dali ou des localités voisines. 

VASES NON TRAVAILLÉS AU TOUR 

DE TERRE BLANCHE PLUS DURE QUE CELLE DKS VASES DE LA 

CLASSE PRÉCÉDENTE. 

Presque toutes les poteries de ce genre sont des ustensiles de 
formes analogues ou identiques à celles déjà décrites. Leur or- 
nementation consiste en traits noirs ou rouges, tracés au pin- 
ceau, simples ou entre-croisés et formant hachures. Parfois les 
dessins sont rouges d*un côté et noirs de l'autre. 

Comme aux pièces mentionnées plus haut, des boutons ou 
appendices percés de trous (pour passer probablement des cor- 
dons de suspension ou fixer des ornements quelconques), se re- 
marquent aux anses, sur les panses, à la naissance des goulots 
ou cols de ces vases. 




LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE 273 

Sans rien affirmer de positif, on peut dire cependant que les 
premiers échantillons de cette classe ont été découverts à Dali 
ou aux environs. 

VASES EN TERRE BLANCHE ET ASSEZ DURE 

EN FORME d'animaux, d'uN ART 

TRÈS GROSSIER ET TRÈS PRIMITIF, ORNES DE DESSINS AU PINCEAU 

(traits ENTRE-CROISÉS El FORMANT HACHURES) 

Presque toutes ces poteries sont pourvues de bases ou de pieds 
qui assurent leur stabilité. La plupart ont des anses fixées près 
des goulots ou orifices qui servaient à introduire les liquide^^. 
Beaucoup ont des orifices de déversement pratiqués dans la 
bouche même des animaux qu'ils représentent : oiseaux, bé- 
liers, bœufs, poissons, toutes bêtes consacrées et destinées aux 
sacrifices dans le culte de Vénus. 

De pareils vases ne pouvaient guère servir pour l'usage cou- 
rant. Il est supposable que, remplis d'offrandes, soit sèches, soit 
liquides, ils étaient destinés à remplacer les bêtes vivantes que 
les pauvres gens notamment ne pouvaient guère présenter à la 
déesse, ou à donner simplement aux tributs apportés la figure 
des victimes les plus agréables à Vénus. 

Quelques pièces représentent des groupes de deux animaux 
(béliers surmontés d'un oiseau ou portant un oiseau attaché aux 
flancs). 

Parfois la forme du vase ne rappelle que d'une manière très 
approximative celle de l'animal, de Toiseau par exemple, et, 
dans ce cas, la tête est représentée par un bec de burette très 
allongé et légèrement courbé. 

Beaucoup de vases de cette classe sont pourvus de boutons 
saillants percés de trous et destinés vraisemblablement, en rai- 
son même de leur position, à servir de points d'attache à des 
ornements. 

Presque toutes les poteries de cette classe viennent d'Hagios 

18 



274 APPENDICE 

Nicolaos, au nord de Dali. On ne les a jamais rencontrées avec 
des verreries ni des lances de bronze, mais souvent avec les 
pièces grossières de la classe n** i et des vases d'offrandes, en 
forme de petits bœufs (d'une fabrique plus soignée que les ani- 
maux de terre blanche dont nous venons de parler) ; en un mot, 
ils proviennent de tombes qui, selon toute apparence, ont été 
des tombes de pauvres. 

Parfois la forme de l'animal disparaît pour ainsi dire com- 
plètement. On n'a plus alors qu'une cruche ordinaire avec sa 
base, une œnochoé avec une tête de bête (de bœuf le plus sou- 
vent) formant goulot ou encore issant en saillie sur la panse, à 
la base du col. 

Parfois aussi c'est une tête d'animal fixée à la courbure de 
l'anse et se rattachant au rebord du goulot. Un vase de la col- 
lection Cesnola représente une tète humaine, informe, coiffée 
d'un disque ou bouchon cannelé, simulant une couronne. Les 
oreilles sont remplacées par deux saillies percées chacune de 
deux trous où l'on fixait, je pense, des ornements comme aux 
vases déjà décrits. Cette tête surmonte un vase allongé en 
forme d'olive. Deux petits bras grêles et allongés, terminés en 
mains où les doigts sont visibles, partent du col, et, embrassant 
la panse du vase, se réunissent sous une anse saillante fixée à 
l'endroit qui figurerait le sternum. Un goulot, planté oblique- 
ment du côté gauche et taillé en sifflet, présente, du côté de 
l'anse, son ouverture béante. 

Ce petit monument est de même fabrique, de même matière 
que les animaux de terre blanche décrits plus haut. Symbolisait- 
il l'être humain que l'on offrait en quelque sorte à la divinité 
(en supposant, bien entendu, que ce vase eût la même destina- 
tion que nous avons attribuée aux animaux), ou était-il la simple 
effigie du donateur de Tollrande, qui se consacrait ainsi lui- 
même au dieu ? Quoi qu'il en soit, ce vase est le prototype de 
monuments céramiques de même espèce dont nous étudierons 



LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE 27$ 

les variétés plus loin et qui rappellent le type primitif d'une 
manière plus ou moins fidèle, selon que la tradition s'est plus 
ou moins bien conservée et que l'idée d'offrande religieuse s'est 
plus ou moins affaiblie dans l'ornement des poteries susdites. 
Nous verrons les figures modelées se transformer en vases à 
usage à une époque où la fabrication atteignit sa perfection ; 
puis les figures elles-mêmes complètement supprimées et rem- 
placées par des animaux peints (oiseaux notamment), ou même 
simplement par deux yeux dessinés de chaque côté du bec du 
goulot et rappelant vaguement une tête d'oiseau. L'idée reli- 
gieuse et consécrative s'était ainsi conservée pour ces pièces 
de céramique, qui, par leur ornementation caractéristique, sem- 
blent exclusivement indigènes. 

A la classe des bêtes votives appartiennent aussi des vases 
en terre blanche assez dure, aux parois minces et affectant gé- 
néralement des formes bizarres. Ils sont également garnis, sur 
leur pourtour et leurs anses, d'anneaux saillants où l'on fixait des 
ornements. Cette série se compose presque exclusivement de 
fioles jumelées dont le spécimen le plus remarquable, et intact, 
est une pièce de la collection Cesnola. 

Elle consiste en deux panses lenticulaires et de forme ovale 
très allongée, réunies latéralement et surmontées de deux cols, 
unis également, et taillés en becs de burettes. Une anse de sus- 
pension, très saillante et percée d'un petit trou, s'attache aux 
deux fioles un peu au-dessous de la naissance des goulots. Ceux- 
ci sont ornés de chaque côté de doubles anneaux ainsi que l'anse 
et le corps même des fioles ; ces anneaux sont réunis, sur les 
deux faces, par des filets saillants, partant de l'anneau supé- 
rieur latéral, et venant, après avoir formé guirlande, se réunir 
au point de jonction des deux vases. Le tout a 20 centimètres 
de hauteur '. — Cette double burette était-elle un ustensile 

• I. Voir plus loin> pi. XXXII, n© 34, une gravure de ce monument d'après un 
dessin retrouvé dans les papiers de Tauteur. 



276 APPENDICE 

de ménage ou un vase religieux? Cette dernière opinion semble 
la bonne si Ton voit dans ce monument Temblème des deux 
testicules. — Cette curieuse pièce vient de Dali, ainsi que toutes 
celles de même catégorie qui sont dans le même genre. 

VASES EN TERRE BLANCHE 
ASSEZ DURE ET PARAISSANT AVOIR ÉTÉ FAITS AU TOUR. 

Ces vases sont de formes irrégulières, mais indiquent de 
notables perfectionnements dans les procédés de fabrication. 

Leur caractère distinctif est dans leur ornementation, qui con- 
siste exclusivement en traits entre-croisés ou hachures, dessinés 
au pinceau en noir, très rarement en rouge, et formant des 
bandes, des zones, des figures géométriques distribuées d'une 
façon sobre et élégante sur la surface du vase. 

Les poteries de cette classe affectent généralement la forme de 
cratères pourvus d'anses. Quelques-uns portent un appendice, 
recourbé en arrière, saillant sur le bord de Torifice, au point 
d'attache de l'anse, et taillé en encoche à son extrémité. Cet 
appendice servait sans doute de point d'appui au pouce de la 
main qui tenait le vase. — D'autres cratères portent en outre, 
vers leur partie inférieure, et fixé antérieurement sur la panse, 
un autre appendice destiné peut-être à servir de pivot, d'appui 
au pot pour aider au déversement. 

Les premières pièces de cette classe ont été trouvées à Hagios 
Nicolaos. D'autres viennent d'Aradippo. A Verghi, on a trouve 
une coupe à fond plat, haute de 0^,05 et ovalaire (o",i45 sur 
o",i35)'. Le fond du vase, blanc d'argent, est appliqué à dessein 
pour faire mieux ressortir les ornements de couleur vermillon 
tirant sur le brun qu'on y a tracés au pinceau. — A cause de 
cette particularité, cette pièce est unique jusqu'à présent. — 
Elle fait partie de la collection Sandwith. 

I. Un petit trou placé près du bord servait à passer un cordon de suspension. 




LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE 277 

VASES AU TOUR 

BONNE FABRIQUE, TERRE ROUGE ORDINAIRE, DURE 

ET SONORE. 

Le caractère distînctif des pièces de cette classe consiste dans 
une ornementation bizarre, originale, dont on retrouve cepen- 
dant des analogues chez d'autres peuples et à d'autres époques, 
mais qui, par son style, tend à faire assigner à ces poteries une 
origine purement indigène. Elles sont, en effet, ornées soit de 
figures peintes, soit de figures en relief ou complètement déta- 
chées, et dont on retrouve les reproductions parmi les statuettes, 
hiératiques pour la plupart, de types chypriotes, découvertes 
sur tous les points de Tîle où on a fouillé. — Les figures peintes 
se ressentent de l'influence égyptienne : elles sont accompagnées 
d'ornements dont les uns sont chypriotes, les autres d'origine 
évidemment assyrienne. 

Les pièces de cette classe sont peu nombreuses, mais elles sont 
toutes remarquables. Nous décrirons chacune d'elles séparément 
et aussi brièvement que possible. 

I® Bardaque trouvée à Dali (?). Elle est sphérique. Le goulot 
est formé d'une tête de femme de même style que les figurines 
chypriotes découvertes dans l'île depuis quatre ans, et ayant, 
comme celles-ci, pour ornement caractéristique un bandeau à 
franges sur le front, et, tombant sur chaque épaule, deux dou- 
bles torsades. 

La figure est hideuse : les sourcils peints, les yeux à fleur de 
tête et remplis de blanc, le nez droit, aux narines ouvertes, la 
bouche large et béante; au cou pend un disque à rosace, retenu 
par un cordon dessiné au pinceau. 

Deux petites saillies figurant des mamelles sont fixées immé- 
diatement sous chaque tresse pendante, à gauche et à droite. Les 
oreilles sont saillantes et non protégées par des oreillères, comme 
on le voit sur les statuettes. Sur chaque tempe pend, un peu 



278 APPENDICE 

plus bas que le lobe des oreilles, une mèche tordue et raide. 

L'anse du vase, fixée à l'occiput de cette tête, s'attache un peu 
au-dessous de la naissance du goulot, sur la panse même. 

Sur cette panse est peint en couleur bistre un personnage 
qui paraît être une femme. Le stjle de ce dessin est très pri- 
mitif. La figure est vêtue d'une longue robe, sans plis. Au cou 
est un double collier de pendeloques. La tête, de profil, regarde 
à gauche. Les cheveux tombent sur le dos. Le personnage sem- 
ble flairer une fleur de lotus que tient la main gauche relevée à 
hauteur d'épaule; la main droite tombe le long du corps en s'é- 
cartant un peu. Une bande droite formée de dessins (ou de ca- 
raaères ? ) fort altérés tombe sur le devant de la robe, du sein 
aux pieds. Sous le coude gauche est une fleur de lotus épanouie, 
garnie de feuilles. Derrière le personnage, un peu plus bas que 
répaule est une autre fleur épanouie, d'où sortent deux cornes ou 
montants de lyre. L'artiste a rehaussé de blanc l'œil de la figure, 
la fleur qu'elle tient, les deux bras et toute la partie supérieure 
du corps jusqu'au-dessous du sein, ainsi qu'une partie de la traîne 
de la robe, les deux grandes fleurs épanouies, et deux zones en 
torsade double formant encadrement au su jet principal et le sépa- 
rant des deux calottes sphériques latérales du vase. Ces deux 
dernières portions sont elles-mêmes divisées en bandes concen- 
triques. La zone qui touche la torsade est ornée de fleurs de 
lotus dessinées au trait et retouchées en blanc. Une rosace, aux 
feuilles rehaussées de blanc, termine chaque calotte. 

Nous retrouvons sur les monuments d'origine assyrienne les 
fleurs de lotus du genre de celles de notre bardaque. Quant à 
la figure, elle paraît de style égyptien. Cette double influence 
de l'art égyptien et de l'art assyrien se remarque sur bon nombre 
de monuments chypriotes découverts aux grands centres reli- 
gieux de Dali, Golgos, Paphos, Amathonte, Pyla, etc. — Ce 
remarquable vase, qui faisait partie de la collection Cesnola, se 
trouve maintenant au musée de Berlin. C'est une terre ordinaire 




LA CÉRAMIQUE DE CHYPRE 279 

de couleur rouge clair tirant sur l'orange. Hauteur : o"*,4o. 
Était-ce un vase votif? Il serait assez difficile de le préciser. 
Les vases à usage ont des ornements bien moins riches, moins 
compliqués, moins soignés, et composés, pour la plupart, de 
simples figures géométriques, cercles ou zones concentriques, 
rapidement tracées. Ils sont généralement unis, sans saillies ni 
sculptures, et plus commodes que celui-ci, où le déversement des 
liquides, par la bouche et les narines, percées à jour, de la tête 
du goulot, ne devait pas être très facile. 

Les poteries à cercles concentriques paraissent avoir été en 
usage général à Chypre jusqu'à la domination romaine; à cette 
époque probablement la fabrication commença à se restreindre. 

Ces cercles concentriques se trouvent généralement sur des 
vases de fabrique très soignée, bien qu'on les rencontre aussi 
sur des poteries archaïques et de tout autre fabrique (vases 
rouges et noirs à traits gravés). Ce genre d'ornement, long et 
difficile à faire, relativement, devait avoir, comme la croix et la 
quadriquetra qui souvent l'accompagne, une signification hiéra- 
tique. Ils représentent à mon sens, en perspective, un sein de 
femme, et leur présence sur les vases serait un symbole de fécon- 
dité, d'abondance, qu'on n'aurait point, pour plus de commo- 
dité dans l'usage, mis en relief sur le flanc du vase comme dans 
certaines poteries d'où ces vases sont dérivés (vases à col étroit, 
vases de Corno modernes, vases à têtes de prêtresses et ma- 
melles saillantes percées pour déverser l'eau). 

Les vases à figures sculptées, ceux dont le goulot est formé 
d'une tête en relief, se retrouvent chez les Étrusques [Vulci^ 
p. 201, t. II, Birch), avec l'œil au goulot (/rf., p. 202). On les 
retrouve encore chez les Américains (poteries du Mexique 
et du Pérou). 



Analogie entre les parfumoirs du Louvre (maisons à per- 
sonnages) et les figurines étrusques de terre cuite (cabane 
de Romulus) d'Albano. 

Les poteries de terre fine de Samos ornées d'arabesques, 
qu'on trouve dans tout l'empire, sont classées par Birch 
dans la poterie romaine. 

A. de la Marmora avait dé)à remarqué l'analogie des or- 
nements phéniciens de Gozzo {Nonv. Annales des voyages^ 
p. 19) avec ceux des poteries mexicaines. — A consulter là- 
dessus, Franz Kryler, Handbuch der Kunstgeschichte (3* éd., 
p. l3). 

A Hagios Nicolaos, au nord de Dali, on a trouvé des po- 
teries blanches à traits noirs {canthares ou cratères), ainsi 
que des poteries en forme d'animaux, petits bœufs, etc.; des 
poteries grossières, non travaillées au tour, et dont plusieurs 
stfectent la forme de théières et d'ustensiles de cuisine. 

A Alambra, ce sont surtout les poteries noires et rouges, 
jt traits gravés, qu'on a trouvées dans les fouilles .... 



Layard, Nineveh and ils remains. On a trouvé à Ninive, 
entre autres poteries, des gourdes tout à fait analogues à celles 
d. Chypre (pi. XCII). 

Plusieurs vases chypriotes ont pour ornement des fleurs de 
lotus tout à fait analogues aux ornements assyriens de même 
fcnre, comme celles du pavage du seuil d'une porte du palais 
^Koyoundjik. 




II 



INSCRIPTIONS GRECQ.UES DU LYCUS 



PRES BEYROUTH* 



A MONSIEUR LE DIRECTEUR DE LA « REVUE ARCHEOLOGIQUE ». 

Monsieur, 

La revue périodique publiée par le Palestine Exploration 
Fitnd contenait, dans un de ses derniers numéros, la relation 
de la découverte, par un explorateur américain, de trois nou- 
velles inscriptions grecques au Nahr-el-Kelb ou Lycus, près 
de Beyrouth, en Syrie. Permettez-moi, Monsieur, de revendi- 
quer ici, pour mon compte personnel, la priorité des deux tiers 
de la trouvaille que le hasard me fit faire dans le courant de 
mars 1871. A cette époque, j'étais à demeure au couvent des 
PP. lazaristes d'Antoura, dans le Liban, et je descendais fré- 
quemment à Beyrouth, distant de quatre lieues. Un matin que 
j'étais parti de meilleure heure que de coutume, j'arrivai au 
Lycus au lever du soleil. Au lieu de traverser le gué, je mis pied 
à terre et dis au moukre ou muletier d'aller m'attendre sur la 

* I. Revue archéologique, t. XXVH, 1874, p. 273-274. 



^ 



28a APPENDICE 

route, à un kilomètre de là. Je fis à pied le détour par le pont, 
le traversai, passai devant l'inscription de Saladin et m'assis 
devant l'inscription d'Antonin, jusqu'alors dans l'ombre. Tout 
à coup le soleil s'éleva au fond de la vallée et l'éclaira, et ses 
rayons, rasant la surface des rochers sans pénétrer dans les creux 
des caractères de l'inscription, firent ressortir ceux-ci, qui m'ap- 
parurent se détachant nettement en noir et comme tracés à l'en- 
cre sur un fond éclatant. J'étais le premier voyageur témoin 
d'un pareil spectacle, car je pus, sur mon calepin, dessiner le 
monument, dont le cadre est surmonté d'un fleuron à six lobes 
omis, je crois, dans toutes les descriptions, et relever le texte, 
dont les lettres étaient d'une netteté parfaite et dont toutes les 
copies publiées jusqu'à présent sont plus ou moins fautives '• Je 
ne le donne point ici. Je dirai seulement qu'à la cinquième ligne 
il y a INMINENTIBVSpour IMMINENTIBVS. A la sixième 
ligne il y a LICO pour LYCO. A la huitième, ANTONINIA- 
NAM pour ANTONINIANVM. Je continuai ma route et j'ar- 
rivai au petit doukkan situé en face du gué et au bas de la mon- 
tée de la voie. Là se détachait de la même manière, et comme 
peinte, l'inscription que le général Ducrot a fait graver dans le 
champ d'une stèle égyptienne. Sur le cadre, dajis le coin à droite, 
se voit encore distinctement un cartouche, mais fruste et illisi- 
ble. Je montai le lacet que fait la voie à partir de là et que les 
Turcs, dans une réparation récente, ont pourvu de degrés. Je 
tournai à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis à droite, 
puis à gauche, et à deux pas de là, en levant la tête à gauche, 
j'aperçus à environ deux mètres de hauteur et se détachant éga- 
lement en noir une magnifique inscription grecque gravée sur 
la surface un peu déprimée du rocher. C'est cette inscription 
que le numéro de la revue du Palestine Exploration Fund a 
publiée d'une façon inexacte et fautive, car le milieu et la partie 

t. Voir le Corpus de Berlin. 




INSCRIPTIONS GRECQUES DU LYCUS 283 

inférieure de Tinscription ont souffert, mais qu'une étude plus 
approfondie sur estampage permettra de restituer sûrement. Je 
l'examinais attentivement et me disposais à la copier quand mon 
muletier m'appela. Je me levai pour rejoindre ma monture. J'a- 
vais fait à peine vingt mètres et j'étais arrivé au point où la voie 
tourne brusquement à gauche pour côtoyer la mer, lorsque sur 
la paroi du rocher qui fait le coude, à gauche, je vis sur une sur- 
face plane, un peu oblique, ménagée ad hoc^ une autre inscrip-r 
tion (encadrée cette fois) de dix lignes de caractères presque aussi 
grands que ceux de la première, mais frustes. Je ne vis pas d'au- 
tre inscription grecque que celle de la borne milliaire couchée à 
droite, à deux pas de là, et publiée dans le recueil de MM. Lé 
Bas et Waddington. 

Deux fois encore je repassai aux mêmes lieux à la même heure, 
deux fois je revis ces inscriptions, deux fois le temps me man- 
qua pour les copier. Je ne pus que prendre à la hâte les com- 
mencements des douze lignes du premier texte; pour déchiffrer 
le reste, il m'eût fallu arrêter le soleil qui, en s'élevant, finit par 
éclairer les creux des lettres et les fait disparaître avant de les 
replonger dans l'ombre; et en même temps il m'eût fallu une 
science du grec qui me manquait. Au mois d'octobre suivant, 
j'allai, accompagné d'un ouvrier et aidé du concours de M. Louis 
Laurella, agent du Lloyd autrichien, prendre les estampages 
de ces textes, inédits jusqu'alors, et qu'on ne peut bien réelle- 
ment apercevoir que pendant un quart d'heure environ chaque 
jour, au lever du soleil. Je suis le premier chercheur qui ait 
passé par là à pareille heure, rien d'étonnant à ce que le hasard 
m'ait favorisé. Je parlai de ma découverte à Beyrouth et je ne 
doute point que quelqu'une des personnes que je mis dans la 
confidence n'en ait fait part à l'explorateur américain, ou même 
peut-être le secret a-t-il été divulgué par les moukres qui me 
virent en extase devant ces lignes d'écriture. A mon retour en 
France, Monsieur, je vous parlai de ma trouvaille, j'en parlai à 



2H4 APPENDICE 

M. de Saulcy, et, il y a plus d'un an, je confiai le^ estampages 
à M. Waddington, à qui le temps manqua pour les étudier, et 
qui les a encore. 

Je ne veux point ici discuter sur le sens de la grande inscrip- 
tion, qui me paraît fort curieuse. Que dit l'autre ? Elle est fruste 
et je ne sais ce qu'on en pourra tirer. Je pense toutefois qu*il est 
intéressant de rapprocher et de citer ici la traduction d'un pas- 
sage de Nicolas de Damas, publié dans les Fragmenta historié 
corum grœcortim, éd. Didot (t. III, p. 414-74) : 

Cumque ille (Antiochus) in Parthos expeditionem faceret, eum 
comitatus est Hyrcanus* 

At Antiochus, erecto tropseo ad Lycum fluvium, cum Indaten 
Parthonim ducem superasset, illîc per biduum substitit ad preces 
Hyrcani Judaei, quod forte inciderat patrium quoddam festum in 
quo Judaeis non licebat iter facere. 

Qui sait si la seconde inscription n'est point relative soit à ce 
trophée d' Antiochus, soit au séjour des deux rois au Lycus ? 

En terminant, je dirai que les antiquités du Lycus n'ont jus- 
qu'à présent été vues qu'en passant et décrites incomplètement 
ou inexactement. Sans avoir la prétention de dire le dernier 
mot sur cette question, j'ajouterai, dans un article spécial, mes 
observations personnelles à ce qui a été déjà écrit là-dessus. 

Veuillez agréer. Monsieur, etc. 

G. COLONNA-CECCALDI. 




III 



NOTES BIBLIOGRAPHIQ.UES 



1 . — Cyprus, 1/5 historjTy its présent resources and future prospects^ by 
R. Hamilton Lang. London, Macmillan and Co., 18781. 

Les huit premiers chapitres du volume traitent de Thistoire 
de Chypre, depuis les premiers temps Jusqu'à nos jours. Comme 
Touvrage tout entier a un caractère plutôt agricole, commercial 
et administratif qu'historique, je crois que Tauteur eût pu re- 
trancher cent quatre-vingt-cinq pages de son livre et prendre 
l'histoire de l'île à la conquête turque. Un tableau de l'adminis- 
tration ottomane depuis 1571 eût servi de transition pour passer 
aux chapitres économiques qui font tout le prix de l'ouvrage. 

Les produits agricoles, les questions de la sécheresse et des 
sauterelles, les minerais, le sol, l'administration turque et celle 
qui lui succède, forment autant de sujets traités avec une rare 
compétence par M. Lang, qui met sous les yeux des lecteurs 
des faits nombreux et d'intéressantes données statistiques. Le 
dernier chapitre, intitulé : My fann in Cfpnis^ est un manuel 
du parfait métayer cypriote. 

Au chapitre xiv l'auteur raconte ses pérégrinations dans l'ile 
et montre dans ses remarques de tous genres l'esprit judicieux, 
critique, épris de la vérité et de l'exactitude, que j'ai personnel- 

• I. Revue archéologique^ t. XXX VIII, p. 324 et suiv. (1879). 



286 APPENDICE 

lement connu. Les chapitres xv, xvi, xvii, trop courts, forment 
la partie archéologique de Touvrage. L'auteur donne d'exacts 
et précieux renseignements (importants pour les questions de 
provenance) sur les fouilles faites de son temps, et spécialement 
sur les siennes. 

Ces chapitres, intéressants à lire, sont le résumé des articles 
publiés par l'auteur dans différents périodiques anglais. Dans 
ses notes, M. Lang mêle l'humour à la précision scientifique. 
Elles élucident et complètent tout ce qui a été dit sur les fouilles 
des années 1866-76. 

L'ouvrage contient quatre cartes : une de position, une de la 
Chypre agricole (frontispice), une de la Chypre géologique (ces 
deux cartes sont des réductions de celles de M. A. Gaudry), et 
une très bonne carte de l'île, réduite, pour les contours, de celle 
du capitaine Graves, R. N., et pour les détails intérieurs de 
celles de MM, de Mas-Latrie et Kiepert. L'auteur y a en outre 
mis l'identification des localités antiques avec leurs noms mo- 
dernes, et joint dans des cartons les plans de Larnaca, Limassol, 
Kyrénia, Nicosie, Famagouste, Salamine. Cette carte est la 
meilleure qu'on puisse consulter en attendant celle de l'état- 
major anglais. 

M. Lang n'a point perdu son temps pendant son séjour à 
Chypre. Il a étudié l'île d'une manière intelligente et fructueuse 
sous tous les rapports, et je ne serais pas étonné que le gouver- 
nement britannique lui offrît un jour une haute position offi- 
cielle à Nicosie. 



2. — Cyprus, its ancient citieSy tombs and temples. A narrative of resear- 
ches and excavations during ten years résidence in that island, by gêne- 
rai Louis Palma di Cesnola. New-York, 1878. Harpers and Brothers*. 

Après avoir retracé succinctement, dans une introduction, 

* 1. Revue arcltèologique, t. XXX VUI, p* 325 et auiv. (1879), 




NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 287 

l'histoire de Tîle, Fauteur raconte d'une manière humoristique 
et familière, fort intéressante ma foi, les péripéties de ses 
voyages dans Tintérieur de Chypre, et de ses recherches archéo- 
logiques. Aucun recoin de l'ancien royaume des Lusignan n'est 
resté ignoré du général, comme on peut s'en assurer sur une 
élégante petite carte où l'itinéraire du voyageur est marqué: 
et des descriptions consciencieuses font de ce volume un curieux 
guide, qui complète ceux qui ont été faits sur celte partie de 
l'Orient. 

Mais ce livre est surtout précieux pour les archéologues à 
cause des renseignements qu'il contient. On y trouve : 

Une carte générale de l'île (état moderne), dressée d'après les 
cartes du capitaine Graves, R. N., et de H. Kiepert; 

Une carte itinéraire; 

Des vues pittoresques de sites archéologiques ; 

Un grand nombre de bonnes gravures d'antiquités de tous 
genres et qui ont été faites soit d'après nature, soit d'après les 
photographies exécutées par l'auteur; 

La reproduction, en onze planches, de toutes les gemmes du 
musée Cesnola; 

Enfin toutes les inscriptions grecques, phéniciennes et cyprio- 
tes recueillies par l'auteur. 

Certes cet ouvrage n'est pas complet. Il ne donne qu'une idée 
approximative de l'ensemble de merveilles dont les unes ont 
passé dans les collections particulières, les autres sont allées 
enrichir le musée de New- York. Tel qu'il est, cependant, il sera 
consulté avec intérêt en attendant la grande publication, abso- 
lument complète pour ce qui regarde le Musée métropolitain^ 
que prépare le général de Cesnola. 

Dans de savants articles, parus dans la Revue des Deux Mon- 
des^ M. G. Pcrrot a raconté l'histoire des fouilles de Chypre où 
M. Lang et surtout M. de Cesnola ont trouvé gloire et fortune. 
J'ai personnellement pris un peu part à cette brillante odyssée, 




288 APPENDICE 

et puis témoigner ici que c'est bien plus à son activité surhu- 
maine et à son énorme capacité de travail qu'à sa chance seule 
que le général a dû ses trouvailles. Ce ne sont pas les antiquités 
qui sont seulement venues à lui, mais aussi lui qui est allé à 
elles. Il s'est, dès l'origine, improvisé photographe pour les 
faire connaître. Les produits des premières découvertes ont payé 
les fouilles suivantes, et permis de multiplier les recherches. Le 
général a pu ainsi subvenir aux frais énormes du déblayement 
de Golgos et conserver tous les objets qu'il y a trouvés. Le 
musée du consulat américain à Larnaca était accessible à tous. 
Pendant mes séjours chez mon frère, alors consul de France à 
Chypre, j'ai pu étudier à fond tous ces trésors. Avec une in- 
telligente et chevaleresque courtoisie, le général me confiait les 
clefs de ses vitrines et m'autorisait à en tout publier^ n'aimant 
point mettre, comme certains collectionneurs, la lumière sous 
le boisseau. Je renouvelle ici à Téminent directeur du jeune 
musée de New- York l'expression de mon affectueuse gratitude. 
Le succès de l'ouvrage dont je viens de parler a été très grand 
en Amérique, en Angleterre et en Allemagne. Il serait à désirer 
que, traduit en français, il devînt, conjointement avec les beaux 
ouvrages de M. Schliemann sur Mycènes et sur Troie, le point 
de départ, la base d'une bibliothèque archéologique populaire. 



3. — Sur le déchiffrement des inscriptions prétendues anariennes de 
l'île de Chypre, par Léon Rodct. Paris, Leroux^ 1876^ 

Sous ce titre, M. Léon Rodet vient de faire paraître une bro- 
chure destinée à initier le public français aux travaux anglais et 
allemands relatifs au déchiffrement de la langue cypriote. C'est 
d'après le plus récent de ces ouvrages, celui de MM. Wilhelm 
Dcecke et Justus Sicgismund [Die jvichtigsten Kyprischen In- 

• I. Rsvue archéologique^ t. XXXII, p. 280 (1876). 




NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 289 

schriften, dans les Siudien \iir griechischen und lateinischen 
Grammatik de Curtius, 1874), que M. Rodet a fait son résumé 
et dressé le tableau synoptique de Talphabet syllabique cy- 
priote. 

Les travaux de Brandis', Schmidt (Moriz), Euting, Smith, 
Deecke, Siegismund démontrent que le cypriote est du grec. 
Rien d'étonnant à cela : sauf un petit coin resté phénicien et un 
autre plus petit encore d'origine africaine, tout le reste de l'île 
est devenu grec après la guerre de Troie, et est resté grec. Si 
donc il y a eu en Chypre une langue anarienne, elle a du dispa- 
raître devant les idiomes des nouveaux colons, et on ne pourrait 
guère la retrouver que dans des inscriptions très anciennes qui 
restent encore à découvrir. 

MM. Deecke et Siegismund ont en général bien déterminé les 
signes alphabétiques cypriotes. Ils ont, bien entendu, donné 
seulement des fac-similés d'après les originaux ou copies qu'ils 
avaient entre les mains. Les cinquante inscriptions découvertes 
jusqu'à présent pourront, bien étudiées, servir de base à un 
travail de détermination définitive de l'alphabet cypriote. On 
trouvera que les signes qui la composent sont réguliers, géo- 
métriques, et peuvent se construire sur une grille de vingt car- 
rés (5X4). ïl sera alors possible de graver et fondre des carac- 
tères d'imprimerie dont le besoin se fait sentir. 

M. Rodet explique et étudie quelques inscriptions et monu- 
ments, d'après des copies, de mauvaises empreintes et des cop/e^ 
de copies, entre autres le tableau de Golgos dans le mémoire de 
M. Dumont. Le livre se termine par l'examen de quelques mon- 
naies du recueil du duc de Luynes. Je ne suivrai pas l'auteur 
dans ses commentaires, où il me semble avoir fait preuve 
d'érudition et de logique. Je terminerai en constatant Tutilité 
et l'opportunité de son travail, et en le recommandant aux 
philologues, chercheurs et curieux. 

'9 



IV 



DESSINS INEDITS 



DE DIVERS MONUMENTS 

RETROUVÉS 

DANS LES PAPIERS DE L'AUTEUR 



* L'on a cru utile d'extraire des papiers de l'auteur un certain 
nombre de dessins reproduisant des monuments destinés, dans 
son esprit, à être l'objet d'études ultérieures, et dont quelques- 
uns même sont visés incidemment dans les mémoires précé- 
dents. Ce sont des matériaux non encore mis en œuvre, mais qui 
ne sauraient manquer d'être accueillis avec intérêt. 

Ces dessins forment la série de planches XX à XXXIV. 
On leur a donné à chacun un numéro d'ordre, et, dans la liste 
ci-dessous, l'on s'est attaché, chaque fois que la chose a été pos- 
sible, à les accompagner d'indications établissant la provenance 
des monuments, leur nature ou leur matière, leurs dimensions 
et, dans certains cas, de références au texte quand ils y sont 
cités : 

1. Dali, 1866. Au pied de Li colline O. d'Ambelliri. Tombeau en 
pierres de taille (rescalier débouche au nord). 

2. Ibid. Même tombeau. Degrés de Tescalier. 




DESSINS INÉDITS DE DIVERS MONUMENTS 291 

3. Ibid. Même tombeau. Mur du fond. 

4 et 5. Dali. Paraissent être le détail, à plus grande échelle et plus 
complet, du Silo à conduit souterrain^ marqué. W sur le plan géné- 
ral (pi. I). 

6. Dali? Chapiteau, 

7, 8 et 9. Dali? 

10. Beyrouth, 1870. Cippe romain votif. Mur du jardin Pestalozza, 
derrière les ateliers de la compagnie Ottomane. Pierre froide* 

1 1 et 12. Râs-Beyrouih, 1868. Cippe votif grec : 4 faces. Maison d'Ab* 
dallah-bey près du cimetière français. Cf. p. 21 3 et suiv. 

i3, 14, i5, 16 et 17. Collines de Pyla, 1869. Tombeaux creusés dans le 
roc. Le n» 1 5 représente une dalle de fermeture. 

18, 19 et 19 bis. Collines de Pyla. Tombeau creusé dans le roc, 

20. Scarabée : dos et plat. Cf. p. i38, note i. Long., o",i35; haut., 
o",o35; larg., o™,io. 

2 1 . Chypre. Pomme de pin^ surmontant un cippe funéraire. Haut , 
o»,27. Cf. p. 84. 

22. Provenance incertaine. Couronnement de cippe funéraire? 

23. Item. 

24 et 2 5. Environs d'Athiénau, Hagios Photios, 1870. Objets en verre. 
Verre verdâtre *. 

26. Ibid. Verre blanc. 

27* Ibid. Verre blanc. 

28. Dali. Rhyton. Terre cuite rose. Haut., o»,26. 

29. Environs d'Audimou (Apollonie), 1868. 

30. Provenance inconnue, 1866. Granit noir* Probablement les cinq 
faces d'un cube gravé. Haut., o™,32. 

I. Les verrerie^ appartiennent à une époque relativement récente et sont 
toutes de fabrique phénicienne ou grecque. Deux verres avec l'inscription 
KATAIXAIP€KA!€r*PAINOr viennent d'Hagios Photios, près d'Athiénau, à 5oo 
mètres au nord du temple de Golgos, du terrain du S» Stavrachi Pereto. On 
a également trouvé avec eux un verre à cercle. D'autres verreries viennent de 
Pyla et les pièces de verre verdâtre épais, incrusté de lentilles de verre bleu, 
viennent du grand tombeau grec de Pyla et d'un tombeau double de la vallée de 
Lympia. — Les verreries n'ont jamais été trouvées avec les poteries à cercles 
concentriques ni avec les vases du genre de ceux d'Alambra ou d'Hagios Nice- 
lacs : poteries en forme d'animaux, poteries archaïques à traits gravés, rouges 
et noires. (* Note de Tauteur.) 



293 APPENDICE 

3k Item, i866. Granit noir. Probablement les cinq faces d'un cube 
gravé. Haut., o",o45. 

32. Vallée de Lympia, i868. 

32^5.? 

33. Pyla, 1870. 

34. Dali? Double burette en terre cuite blanche. Haut., o">,2o. Cf. p. ayS. 

35. Dali, 1869. Coupe de verre blanc d'opale^ trouvée dans un tombeau. 
Diam.^ o"*,i 19. Cf. p. 297. 

36. Ibid. Baguette de verre blanc irisé^ trouvée dans la coupe ci-dessus. 
Long.| o°*,i425, Cf. p. 297. 

37. Inscription bilingue de Dali, phénicienne et chypriote. 



COMMUNICATIONS 



DE M. LE COMTE TIBURCE COLONNA-CECCALDI 

SUR 

DIVERSES ANTIQ.UITÉS DE CHYPRE' 



§ I. — LETTRES 
AU DIRECTEUR DE LA C REVUE ARCHÉOLOGIQUE :d 



Monsieur, 

Je viens vous donner quelques nouvelles des découvertes 
archéologiques de Tile de Chypre. 

Bien que les débris antiques se rencontrent à peu près par- 
tout dans l'île, le champ des principales découvertes reste 
jusqu'à présent la plaine de Dali, où s'élevait l'ancienne ville 

* I. L'on a cru devoir joindre aux mémoires de M. G. Colon na-Ceccaldi di- 
verses communications de son frère M. le comte Tiburce Colonna-Ceccaldi, 
ancien consul de France à Larnaca, aujourd'hui ministre plénipotentiaire et 
conseiller d'État. Ces communications, contenant dMntéressants renseignements 
pour rhistoirc des antiquités chypriotes, sont extraites de la Revue archéoio» 
gique (t. XVIII, p. 367; t. XIX, p. aSy; t. XX, p. ao8). 



294 



APPENDICE 



d'Idalium et où se trouvaient les temples et les bois consacrés à 
Vénus. Je crois donc utile de vous en donner sommairement 
la topographie. 




A. Village d'Alambra. — B. Village de Limpia — C Tombeaux. — D. Tombeaux. 
— E. Village de Dali. — F. Emplacement d'un édifice sous les ruines duquel 
ont été trouvées récemment de grandes statues. 



La plaine de Dali, qui n'a guère plus d'une lieue carrée, est 
enfermée dans un cercle de collines peu élevées, sauf au nord- 
est où elle communique en terrain plat avec la plaine de Nicosie. 
Les collines situées au nord et au nord-ouest se terminent généra- 
lement vers la plaine d'une façon assez brusque, souvent même 
en falaises; celles qui sont situées au sud et au sud-ouest 
vont, au contraire, s'aplanissant en pentes douces ; de plus, c'est 
de ce côté qu'ont été trouvées les traces de construction, les dé- 
bris de statues, les nécropoles ; tout semble donc indiquer que 
la ville d'Idalium et les temples se trouvaient sur les pentes 
des hauteurs du sud et du sud-ouest. 

Parmi celles-ci, il est deux collines qui se relèvent à peu près 
par le sud-est du village actuel de Dali ; elles sont séparées par 
un espace de cent pas environ, où passe un chemin en contre- 
bas qui met la vallée de Dali en communication avec celles de 




DIVERSES ANTIQUITÉS DE CHYPRE 295 

Lîmpia et d'Alambra au sud et au sud-ouest; on nomme ces 
deux collines Ambelliri. Comme leurs flancs sont plantés de 
vignobles, il n'est pas improbable que ce nom soit une corrup- 
tion chypriote du mot grec a[jL7;e>.oç, la vigne. Ce lieu d' Ambel- 
liri renferme le gisement le plus considérable d'antiquités dé- 
couvert jusqu'ici. 

Celle des deux collines que l'on a à sa gauche, c'est-à-dire à 
l'ouest, quand on fait face au village de Dali, est comme aplanie 
de main d'homme à son sommet ; le côté qui regarde la plaine 
est en pente ménagée, et une arête assez étroite semble avoir été 
jadis un escalier ou un sentier aplani.par lequel on se rendait 
sur la hauteur. Du côté opposé, dans la vallée de Limpia, la 
colline finit brusquement à pic; à droite, à l'est, elle présente 
un flanc assez abrupt, qui longe le chemin en contre-bas ; à gau- 
che, à l'ouest, elle se relie au système de petites collines qui cn- 
ceîgnent toute la vallée de Dali. Sur le sommet aplati de cette 
première élévation, ont été trouvées, il y a plus de vingt ans, 
quatorze coupes en argent ciselé, dont les paysans ont fait fon- 
dre treize et dont la quatorzième, rachetée par M. Péretié, puis 
cédée par lui au duc de Luynes, se trouve, je crois, aujourd'hui 
à la Bibliothèque impériale. Les fouilles ont également mis au 
jour à cette époque des fers de lance, des ustensiles de ménage 
en cuivre; dans le voisinage (le lieu n'a pu m'être indiqué d'une 
manière précise) a été trouvée la fameuse plaque en bronze dite 
de Dali, avec inscription cypriote. 

La seconde des collines désignées sous le nom commun d'Am- 
belliri est un peu plus haute que celle que je viens de décrire; 
elle offre à l'œil deux pitons ; le moins élevé porte des traces de 
constructions anciennes, d'une citerne entre autres; on y a ra- 
massé des débris d'idoles en pierre calcaire et quelquefois, mais 
plus rarement, en terre cuite; le deuxième piton, qui domine le 
premier, est un peu aplati; on y a trouvé à moins d'un ou deux 
mètres de profondeur des statues en pierre calcaire, les unes de 



296 APPENDICE 

grandeur naturelle, comme celle que je viens de céder au musée 
du Louvre, d'autres moyennes, d'autres plus petites, de styles 
fort divers, depuis Tarchaïque jusqu'au grcco-romain. 

Cette seconde colline est en pente un peu inclinée à Touest 
vers le petit chemin qui la sépare de sa voisine ; elle se relie à 
l'est au système des autres élévations ; enfin elle communique à 
la plaine de Dali, comme la première, par une arête aplanie en 
escalier. 

Au point de rencontre de ces deux escaliers, à la naissance de 
la plaine de Dali et le long du petit chemin, on vient de décou- 
vrir, ces jours derniers, à un mètre à peine sous terre, un 
nombre considérable de fragments en pierre calcaire, les uns re- 
présentant des personnages de dimensions colossales dont les 
bras et la partie inférieure du corps sont brisés, d'un type qui 
rappelle le style assyrien, la tête ceinte d'une couronne de laurier, 
avec un bandeau à rosaces au-dessous, les cheveux et la barbe 
frisés, portant d'assez longues moustaches ' ; les autres de di- 
mensions moindres, paraissant être des prêtres et des prêtresses 
du culte de Vénus ; à côté de cela, des statues purement romai- 
nes, avec la toge ; tous les types s'y trouvent réunis, y compris 
le phénicien, et celui assez particulier qu'on peut, je crois, qua- 
lifier de cypriote : nez saillant et arrondi à l'extrémité, yeux à 
fleur de tête et tirés vers les tempes, menton proéminent. Une 
grande vasque en pierre, dans laquelle on a trouvé un grand 
nombre de têtes séparées, semble indiquer, ainsi que des débris 
de colonnes et un chapiteau ionique, la présence d'un temple en 
cet endroit. 

Je laisse à de plus compétents que moi le soin de tirer des con- 
clusions de l'exposé que je viens de faire ; mais de ce que l'on 
sait de Tusagc antique d'établir les temples sur les hauteurs, et 

I. Une de ces statues^ brisée à la ceinture et dont la tête est parfaitennent in- 
tacte, appartient, ainsi que la plupart des objets trouvés en cet endroit^ à M. Lang, 
directeur de la banque ottomane de Larnaca. 



DIVERSES ANTIQUITÉS DE CHYPRE 297 

de ce passage de Virgile qui nous montre la déesse parlant des 
lieux élevés et des bois qui lui sont consacrés à Idalie, enfin et 
surtoutdes découvertes faites, ne pourrait-on inférer que des édi- 
fices religieux s'élevaient sur les deux collines appelées aujour- 
d'hui Ambelliri, et qu'à la rencontre des sentiers descendant de 
cesdeuxhauteurs, dans la plaine, se trouvait un troisième temple ? 

Pour terminer la description du terrain et l'exposé sommaire 
des fouilles de Dali, il me reste, Monsieur, à vous parler de la 
nécropole. 

Les terrains qui sont situés au bas et à peu de distance des 
collines d'Ambelliri, et ceux qui les prolongent à l'est et à l'ouest, 
sont remplis de tombeaux anciens; on en a ouvert plusieurs cen- 
taines et on y a trouvé des poteries, grandes jarres avec des cer- 
cles peints, dont un des plus beaux spécimens figure dans la 
collection que j'ai cédée au Louvre, vases plus ou moins fins, 
bardaques à tête de femme avec des tresses noires et figures sur 
la panse, dont la plus curieuse appartient à mon collègue des 
États-Unis; représentations grossières en terre cuite qui parais- 
sent être des jouets d'enfants ; rarement des objets en bronze ; 
beaucoup de verreries, quelquefois admirablement irisées et de 
formes très diverses. Je citerai parmi ces dernières une timbale 
à cercles en relief, cédée par moi au Louvre, et un canthare de 
la plus pure forme, d'une parfaite conservation, avec sa baguette 
finement irisée. Je vous envoie le dessin exact de cette coupe, 
qui est en ma possession '. 

Enfin beaucoup de lampes, les unes grossières et évidemment 
d'une époque très reculée, d'autres romaines, chrétiennes même, 
ont été recueillies dans ces grottes sépulcrales, qui ont généra- 
lement la forme d'une voûte arrondie en four. Bien rarement on 
a rencontré des sarcophages en pierre, et quand cela est arrivé, 
ils étaient presque toujours vides. 

^ I. Cf. Appendice f IV, n«« 35 et 36 et pi. XXXIII, mêmes numéros. 



298 APPENDICE 

Ainsi dans la nécropole, comme dans les gisements de statues, 
se retrouvent confondus les objets de toutes les époques et de 
tous les styles, depuis le phénicien jusqu'au gréco-romain. 

Je remets à une autre fois à vous parler des découvertes qui 
ont eu lieu sur quelques autres points de Tîle. 

Veuillez agréer, etc. 

TiBURCE Colonna-Ceccaldi. 

Larnaca^ 22 avril i86g. 

P.'S. — On me remet à l'instant la photographie d'un des 
beaux morceaux de ma collection ; je vous en envoie une 
épreuve, malheureusement très médiocre, le photographe étant 
des plus novices. 

Cette tête, qui est, sans contredit (à mes yeux du moins), la 
plus belle terre cuite qu'aient produite jusqu'à ce jour les fouilles 
de Chypre, a été trouvée ici, à Larnaca, dans un tombeau ; elle 
est en ronde bosse, convexe par conséquent ; ce n'est pas un 
fragment, c'est un morceau complet, une sorte de portrait qu'on 
accrochait sans doute par les deux trous qui sont au sommet. 

T. C. 



Monsieur, 

Je continue à vous adresser quelques renseignements sur les 
fouilles de l'île de Chypre. 

Dans ma dernière lettre, je disais que jusqu'à ce jour Dali 
avait été le terrain des principales découvertes; toutefois il n'est 
guère de points de l'île où l'on ne trouve des poteries anciennes 
d'un genre plus ou moins commun, des jarres avec ou sans des- 
sins, des verreries, des fragments de statues ou de statuettes en 
pierre calcaire. Il s'en rencontre notamment aux environs de 
Baffa, d'Amathonte, de l'ancienne Trémithus, de Larnaca 
(Citium), et dans la presqu'île nord de l'île appelée le Carpas. 




DIVERSES ANTIQUITÉS DE CHYPRE 299 

Aux environs de Baffa, d'Amathonte et de Trémithus il n'a 
jusqu'ici, à ma connaissance, été découvert aucun objet de grand 
intérêt. 

A Larnaca, l'ancienne Citium, sur de petites hauteurs qui 
dominent les salines, on a trouvé principalement, je crois vous 
l'avoir dit, des débris de figurines en terre cuite, des têtes d'une 
rare finesse d'exécution et de la plus pure élégance ; à côté de 
cela, d'informes représentations rappelant le style le plus pri- 
mitif phénico-égyptien . 

Ces débris se trouvaient presque à fleur de terre et comme si 
on eût jeté les objets pêle-mêle dansune sorte degémonies, après 
les avoir brisés. Sur le même emplacement de Citium, un cer- 
tain nombre de tombeaux de la même forme que ceux de Dali 
(une grotte souterraine fermée par une simple pierre) ont donné 
des poteries de diverses sortes, parfois avec des inscriptions phé- 
niciennes à l'encre noire (le médaillon dont je vous ai envoyé la 
photographie en provient) et des verreries plutôt communes. 

Les découvertes les plus intéressantes de ces derniers temps, 
en dehors de celles de Dali, ont eu lieu du côté du Carpas, à 
l'extrémité nord-est de l'île. Vous trouverez, Monsieur, sous 
ce pli, les photographies de deux statues trouvées dans le voisi- 
nage de Tricomo, à l'entrée du Carpas, et qui sont, je crois, de 
quelque intérêt. 

La première représente de face et de profil un personnage 
très archaïque^ de grandeur naturelle, une prêtresse de Vénus 
selon toute probabilité; les ornements de la tête, du cou, de la 
poitrine sont prodigues avec une profusion qui me paraît un des 
signes caractéristiques du style que j'appelle (peut-être à tort) du 
nom de cypriote. C'est, je crois, le plus curieux des monuments 
de ce style qui ait été découvert jusqu'à présent dans l'île; la 
partie inférieure de la statue manque, il est vrai, mais c'est de 
beaucoup la moins importante, et la partie supérieure est admi- 
rablement conservée. 



3o2 APPENDICE 

grandeur (pi. XVII, 2). — Les statuettes tiennent des fleurs 
de lotus, des disques, des palmes; la dernière, la plus petite, 
est une joueuse de cithare. 

5. — Sept têtes. — Quatre femmes assises dans une sorte de 
fauteuil, tenant un enfant sur leurs genoux. — Trois sta- 
tuettes, dont celle de droite fort mutilée. — Ces objets au 
6 1/2 de leur dimension réelle (pi. XVII, i). 
Ces objets, tous en pierre calcaire, ont été trouvés au village 
de Dali, qu'on suppose voisin de l'ancien Idalium, célèbre sanc- 
tuaire de Vénus dans Tîle de Chypre. — On les a découverts 
sur deux collines dénudées, situées à cinq ou six cents mètres 
du village et dont Tune porte le nom d'Ambelliri (probablement 
d'a[jLire>.oç, vigne ; il s'en trouve des plants dans le voisinage). 
Des masses de cailloux roulés et de galets parsèment les champs, 
au bas de ces collines, et indiquent que le torrent qui coule au- 
jourd'hui à un kilomètre devait passer jadis au pied de ces élé- 
vations. Les statues, statuettes et objets découverts dans ces 
fouilles ont été jusqu'ici trouvés à un mètre ou deux de profon- 
deur. 

TiBURCE Colonna-Ceccaldi. 



§ 3. — COMPTE RENDU 
DE L ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES 

(Extrait de la séance du i6 octobre 1868). 

M. T. Colonna-Ceccaldi , consul de France à Larnaca, dans 
l'île de Chypre, fait à l'Académie une communication verbale 
au sujet de fouilles récemment exécutées sur divers points de 
l'île dans les années 18G6-1868. 

Les résultats les plus importants de ces fouilles ont été obte- 




DIVERSES ANTIQUITÉS DE CHYPRE 3o3 

nus à Larnaca^ ville située sur la côte est de Tîle, qui est consi- 
dérée comme occupant l'emplacement de l'ancienne Citium, 
et à Dali, village de l'intérieur, voisin de l'ancien sanauaire 
d'Idalium, consacré à Vénus. 

A Larnaca, sur un monticule au S.-E. de la ville, dominant 
les Salines^ qui furent peut-être l'ancien port de Citium, on a 
trouvé sur la déclivité occidentale de la hauteur, souvent à fleur 
de terre, ou à de petites profondeurs, une grande quantité de 
débris de figurines en terre cuite. Presque pas une n'est intaae; 
généralement les têtes sont brisées au ras du col, le nez endom- 
magé, les jambes et les bras rompus ou mutilés. Les fragments 
indiquent que les représentations variaient des dimensions de 
grandeur naturelle aux plus petites. Il n'y a pas moins de va- 
riété dans l'espèce des objets trouvés : certains sont le produit 
de l'art le plus grossier et le plus primitif; ils sont faits à coups 
de pouce, tandis que des têtes travaillées avec la plus exquise 
finesse, des fragments, des jambes, des bras et des draperies 
traitées avec une rare élégance indiquent au contraire un art 
arrivé à la perfection et une civilisation des plus avancées. 

Parmi ces terres cuites, il y a à signaler les représentations sui- 
vantes : Des femmes à orçilles de chat, le corps en forme de four- 
reau, tenant dans leurs bras un enfant ou soutenant leurs seins 
dans leurs mains ; elles sont assez informes, sans être grossières, 
et on en a trouvé un certain nombre d'intactes. — Des déesses 
assises ayant, comme bras de siège, deux femmes tenant des 
boîtes à parfums; toujours brisées. — Des têtes séparées, 
d'un beau type grec, dont les unes portent la couronne haute, 
souvent avec de grands sphinx ailés sur le pourtour, dont les 
autres portent d'autres ornements ou sont simplement coiffées 
de leurs cheveux arrangés de la manière la plus variée et la plus 
élégante ; quelques-unes enfin sont voilées, comme les femmes 
de l'Orient de nos jours. 

Il est à remarquer que les figurines brisées sont celles dont le col 



3o4 APPENDICE 



! était mince, bien détaché du reste du corps, tandis que les quel- 

.' ques objets que Ton rencontre entiers représentent des person- 

j nages au coi enfoncé dans les épaules, sans saillies dans les 

I membres et n'offrant pas par conséquent ces points faibles qui 

I permettent de casser si facilement une statuette. Cette observa- 

tion pourrait confirmer Tidée d'une destruction volontaire, faîte 
: en quelque sorte objet par objet, peut-être lors de l'établissc- 

! ment du christianisme dans l'île. 

j De la grande diversité de style des objets dont il vient d'être 

I parlé et de ce fait qu'il a été trouvé, conjointement avec les ter- 

res cuites, des statuettes (en petit nombre) en pierre calcaire, de 
style phénicien ou égyptien, on peut inférer que ces objets étaient 
des ex-voto rassemblés dans les temples depuis des siècles. 

Un second genre de découvertes a été fait à Larnaca, dans des 
tombeaux; mais, comme elles sont identiques à d'autres qui ont 
eu lieu à Dali, il en sera parlé à l'occasion de ces dernières. 

Les fouilles faites à Dali peuvent être rangées dans deux caté- 
gories : celle des statues, statuettes ou fragments en pierre cal- 
caire, et celle des poteries, verreries, bronzes trouvés dans les 
tombeaux. 

Les premières ont eu lieu sur une colline située au S.-E. de 
Dali et nommée Ambelliri, nom dérivé de celui d'ampelos 
vigne) ; il y a en effet des vignobles aux alentours. Elles ont 
amené la découverte d'un certain nombre de statuettes en pierre 
calcaire, quelquefois coloriées en rouge en certaines de leurs 
parties, dont les dimensions varient de [5 centimètres à i mètre 
et qui représentent généralement des femmes tenant sur la poi- 
trine une jBeur de lotus, ou un disque. Un certain nombre de 
ces figures sont complètement intactes. Leur type participe de 
l'assyrien et de l'égyptien, mais il y a moins de raideur dans les 
attitudes; les lignes des vêtements, les traits du visage sont plus 
arrondis, plus moelleux. Doit-on voir là une sorte d'art 
chypriote, résultat de l'influence du milieu indigène sur les arts 







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B Mur eu jùe^rre dr taillf ' IVri-c caiiv»* 

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IVUVÏ^ lONGINV» AVRELIVS- 
ANroNIVj- ANTl0(HIANVi- tlAVBl^V 
t'MgHKiVJ- VIFAIIVS' Af Llvj- 
AVREIIVS- ISlpOnVi AVRFllvî. 




MfBAdiDijl;- 

AûBlppAJ. 

HADKlANVS^ 

MïMlJlANV) ^e- 




INSCRIPTION DU CAMP DECESAR A NiCOPOlliS 



r 



DIVERSES ANTIQUITÉS DE CHYPRE 3o5 

des peuples conquérants? Ce qui est certain, c'est qu'en mtm^ 
temps que ces représentations en pierre calcaire, on a trouvé des 
têtes en terre cuite de grandeur naturelle, coloriées, au nez 
allongé et un peu arrondi par le bout, aux lèvres bien accentuées, 
dont les traits généraux enfin rappellent tout à fait le type 
chypriote de nos jours. Ces têtes, qui faisaient partie de statues 
de grandeur naturelle, sont bien conservées; quelques-unes sont 
ornées de lauriers ou de casques, ou de sortes de coiffures ron- 
des avec ornements en forme de perles. 

Enfin, il a été trouvé sur la même colline d'Ambelliri par 
M. Ceccaldi, à une profondeur d'environ un mètre, une statue 
de femme, en pierre calcaire, de grandeur naturelle (j "^64), d'une 
magnifique conservation. Le type est grec, la physionomie est 
belle et austère ; la main gauche tient un oiseau ; au côté gauche 
pendent des attributs qui semblent être un disque ou un miroir 
et une équerre. 

Tels étaient les résultats obtenus par les fouilles de Chypre 
quand, au mois de janvier dernier, les ouvriers employés par 
le consul de France découvrirent une autre veine. A mi-côte 
d'une hauteur près de Dali, ils trouvèrent des tombeaux grossiers 
creusés dans le sens horizontal et contenant les objets suivants : 
de grandes écuelles en terre blanchâtre, ayant la forme d'une 
moitié de noix de coco ; des plats très communs, des vases en 
terre cuite et autres ustensiles de ménage, paraissant avoir été 
à l'usage de pauvres gens. 

En continuant les fouilles pendant les mois suivants dans la 
plaine de Dali, on découvrit nombre d'autres sépultures conte- 
nant des objets de plus en plus variés, dont voici l'énumération 
succincte : 

Des vases de moyenne grandeur (lo à i5 centimètres), repré- 
sentant des animaux bizarres, des boeufs avec des ramures de 
cerf ou d^élan, des oiseaux en forme de bateau, des gourdes ter-^ 
minées par des têtes de lièvre ou de chauve-souris, etc., etc.; 

20 



3oô APPENDICE 

une vingtaine au moins de ces objets ont été recueillis intacts; 

De grandes jarres atteignant dans leurs dimensions jusqu'à 
65 et 70 centimètres, de couleur jaunâtre ou rougeâtre avec des 
raies rouges et noires et des cercles concentriques, d'autres fois 
avec des hachures diagonales ou rectangulaires sur leur pour- 
tour: beaucoup dintactes; 

Des vases de toute forme, coupes, aiguières, flacons, la- 
cn^matoires, etc., dont quelques-uns sont ornés de fleurs, d'au- 
tres, mais rarement, de représentations d'animaux, et dont cer- 
tains, d*une poterie roiige extrêmement fine, ont les formes les 
plus élégantes ; 

Des bardaques ou sortes de vases à panse ronde, à col et à 
goulot sortant de la panse; le col est une tête de femme coiffée 
de grandes tresses coloriées en noir retombant des deux côtés de 
la figure ; le type paraît phénicien ; 

Deux maisons carrées, à jour intérieurement, de 35 centi- 
mètres environ sur 3o; Tune a des fenêtres et une grande porte 
dont rentablemcnt est supporté par deux colonnes terminées 
par la fleur de lotus, la seconde n'a que des fenêtres; à ces 
ouvertures sont fixées des figures à mi-corps au type phénicien, 
assez grossières : 

De petits chariots, des guerriers, des chevaux avec un harna- 
chement complet, des chevaux à roulettes, qui paraissent être 
des jouets d'enfant; 

Des verreries : coupes, plats, gobelets, pots, lacr3'ma- 
toires, etc.; 

Des lampes, dont quelques-unes fort primitives et grossiè- 
res, dont d'autres, de fabrication romaine, portent, avec divers 
dessins d'hommes et d'animaux, quelquefois le nom du fabri- 
cant (FAVSTI, par exemple, sur plusieurs) ; 

Des bronzes généralement très oxydés, parmi lesquels des 
fers de lance, des poignards, des javelines, des bracelets, des 
miroirs, des marmites, des anses terminées par la fleur de lotus; 



DIVERSKS ANTIQUITÉS DE CHYPRE 307 

Des bijoux en or : boucles d'oreilles, bagues élégamment 
montées; quelques cachets bizarres en pierre ou composition 
verdàtre, des cylindres avec des figures hiéroglyphiques, un pe- 
tit vase couvert d'hiéroglyphes ; 

Une spatule d'argent avec inscription de treize lettres, pu- 
bliée dans le numéro de juin de la Revue asiatique; 

Enfin, quatre à cinq vases ou amphores de forme mince et 
allongée, mesurant lo à 1 5 centimètres de diamètre sur 40 à 
5o de longueur, terminés en pointe et portant soit une, soit deux 
et trois lignes d'inscriptions à l'encre noire, les lignes n'ayant 
guère plus de quatre lettres (un de ces vases a été présenté à 
l'Académie dans la présente séance : les caractères ont paru être 
phéniciens). 

Tel est l'ensemble des découvertes faites dans ces tombeaux. 

Voici maintenant quelques circonstances particulières des 
fouilles. 

Les tombeaux ont été découverts tantôt à mi-côte de petites 
hauteurs ou tumuli assez nombreux dans le territoire de Dali, 
tantôt dans la plaine même; les mêmes tombeaux et les mêmes 
objets ont été trouvés à Larnaca, sur un terrain uni, dans des 
jardins et des cours de maisons particulières ; mais ces objets 
sont moins variés et, jusqu'ici, moins fins que ceux de Dali. Il 
est à croire que l'on trouverait des sépultures semblables sur 
toute la surface de l'île, car M. Ceccaldi en a découvert dans dif- 
férents endroits, à- Go'schi, à Mospiloti, à Taouti. 

Voici comment les choses se sont généralement présentées sur 
ces divers points. On creuse le sol et l'on arrive assez promp- 
tcment à une ouverture demi-circulaire, quelquefois fermée par 
une pierre plate, d'autres fois obstruée seulement par delà terre. 
Après avoir doblayé l'entrée, on se trouve dans une sorte de 
grotte sépulcrale, dont la voûte s'est parfois éboulée en divers 
endroits, probablement par l'action des eaux qui filtrent dans le 
sol : alors les poteries sont brisées ; dans d'autres grottes où le 



3o8 APPENDICE 

terrain est d'une nature rocailleuse et résistante, la voûte ne s*est 
point affaissée et les objets sont trouvés intacts. Ces sépultures 
renferment assez rarement des sarcophages en pierre commune, 
sans inscriptions et toujours vides jusqu'ici ; des ossements se 
rencontrent très fréquemment dans les chambres sépulcrales. 
D'après une autre remarque, les lampes de fabrication ro- 
maine paraissent jusqu'à présent ne se trouver qu'avec des ver- 
reries et jamais avec les jarres et les poteries qui affectent un 
caraaère phénicien. Avec celles-là, au contraire, on trouve de 
ces lampes grossières sans dessins, dont le bec semble avoir été 
façonné par la simple pression du pouce et de l'index. 




TABLE DES PLANCHES 



CHYPRE 

I. Plan des fouilles de Dali (dessin inédit). 

II. Colosse du grand sanctuaire de Golgos. 

III. Tètes de colosses. 

9 

IV. Golgos. Premier temple. Epoques égyptienne, assyrienne, anato- 

lienne. 

V. Golgos. Second temple. Bas-relief d'Hercule; tcte de colosse, etc. 

VI. Sarcophage d'Athicnau. 
VI ï. Patère d'Idalie. 

VIII. Patère d*Amathonie. 

IX. Rondacbe d*Amathontc. 

X. Patère de Curium. 

XI. Bases et stèles rondes de Chypre. 



SYRIE 



XII. Monument de Sarba. 

XIII. Astartc sur le pavois. 



EGYPTE 



XIV. Inscription du camp de Ccsar à Nicopolis. 

XV. Vue et plan du temple de Venus Arsinoé. 



3in TABLE DKS PLANCHES 

APPENDICE 

XVI. Figures trouvées dans Tile de Chypre, i" série. 

XVII. Figures trouvées dans Hle de Chypre, 2* série. 

XVIII. Statues trouvées à Chypre. 

XIX. Miroir trouvé dans un tombeau à Chypre (dessin inédit). 

XX h XXXIV. Dessins inédits de divers monuments, retrouvés dans les 
papiers de l'aUteur (décrits p. 290 et suiv.).- 




TABLE DES MATIÈRES 



Avertissement 3 



PREMIERE PARTIE 

CHYPRE 

CHAPITRE I. — DÉCOUVERTES EN CHYPRE 
Coup d*œil générûl 1 5 

CHAPITRE II. — GOLGOS 

I. — Les sanctuaires chypriotes 35 

1. Remarques générales. 

3. Les sanctuaires de Golgos. 
}. Conclusions. 

4. Note additionnelle. 

II. — Un sarcophage d*Athiénau 65 

m. — Bas-relief votif à Apollon 75 

CHAPITRE III. — IDALIE 

I. — La patère d'Idalie 83 

I. Découverte de la patère. 
3. Description. 

3. Explication. 

4. Destination. 

3. Date approximative de la patcre. 

II. — Notice sur la sigync et le verutum des anciens et sur deux 

armes provenant d'Idalie 116 

I. Eléments de la question. 
3. Conclurions. 



ï^ TABLE DES MATIÈRES 
ni. — Une panie de campagne à Idalic dans rantiquité 1 3 1 

CHAPITRE IV. - AMATHOXTE 

l'atcrc et rondnche trouvées dans nn tombeau de la nécropole 
d'Amathonte 157 

t. Lm patcre. 

3. l^ roniache. 

3. Pcmârque» et conc osîorif. 

CHAPITRE V. — CURIUM 
Les fouiltcs de Curium i53 

I. Curium. 

s. I^ foujJle et le trésor. 

3. lx% paicrct. 

|. I.'nc pattre de Carium. 

CHAPITRE VL - ÉPIGRAPHIE 
Nouvelles inscripticns grecques de Chypre . i83 

1. înMriptioot pobliécs en 1S74. 

2. Inscriptions publiées en iH'b. 

DEUXIÈME PARTIE 
SYRIE 

L — Stèle inédite de Beyrouth 2i3 

IL — Sépulture des environs de Beyrouth 218 

IIL — Lcontopolis de Syrie 220 

IV. — Le monument de Sarba (Djouni de Phénicie) et le site de 

PaUcbyblos 225 

TROISIÈME PARTIE 

EGYPTE 

I. — Inscription du camp de César à Nicopolis 2 55 

IL — Le temple de Vénus Arsinoé 259 

APPENDICE 

L — La céramique de Chypre (étude inédite) 269 




TABLE DES MATIÈRES 3i3 

II. — Les inscriptions grecques du Lycus 281 

1 1 F. — Notes bibliographiques 285 

1. Cypnis, \tn history, its présent resources and future prospects, by 

R. Hamilton Lang. 

2. Cyprus, its ancient citics, tombs and temples. A narrative of resear- 

ches and excavations during ten years résidence in that island, by 
gênerai Louis Pal ma di Cesnola. 

3. Sur le déchiffrement des inscriptions prétendues anariennes de 

l'Ile de Chypre, par Léon Rodet. 

IV. — Dessins inédits de divers monuments retrouvés dans les pa- 

piers de Fauteur 290 

V. — Communications de M. Tiburce Colonna-Ceccaldi, sur di- 

verses antiquités de Chypre 293 

I. Lettres au Directeur de la « Revue archéologique ». 

3. Fouilles faites dans l'ile de Chypre. 

3. Extrait des Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles- 
lettres. 

Table des planches 309 



FIN 



Paris. — Imp. Pillkt et uumjulin, 9, rue des Grands-Augustins. 



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PLANCHES 



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STATUES TROUVEES A CHYPRE 




MIROIR TROUVE DANS UN TOMBEAU 

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11. M,ini!i. Alf. M;-.;i:i. Miil;;!-. i-.rn. Dcsii^r.iii.», V.-^iiv. K. .u-rarl. f;>:ilr..v, 

tU-ii/tv. I:J'ii. [,l- !H,i;il, l.jri..ini.i,îl. [( nai-s-v. Km. Kuiian. 1.. lU-Hur. 

Ch. Kohcrt. .1. .1.; \Vi;:c. i!ii;-til':vs J^ l'insi^ii::: i:li.il-.,.,i[Lt. o.k.-.«, vauur .!» 

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(ijriiuMi', ^-.imtc .II- \ .i.;'i>;.( i. Schliim--.re>:r. .lArb..!- .k- JiiK.iiivilli:. R. M.)«ai. 

MarnrJ. lU., et l-.-« i''-i:i---îpi"ï Ar,.:ii.-.l.f;iiL> tran.ais ^l ûlraniicrii. 

\.a Revue .nrli,..l..f.-Ljt,.' l'a:.,;-. l...is l.s :;i..is i:l l-.rniL- di.i.iuc .inn..-.; ,leut 

\..liim,-^..iii,;> de rl.i:i,:hi:s i;r.iv<:.-s s:ir iiok-r m Je cr.i. lires sur Mis inwrLMlJos 

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■rRKS<Jlt [)i-: N'U.MISMATIQUE KT DK GLVPTIQUK 

Fle-iiel! yê!iev.il Jes i-ie.i.nlk-. iii..tinajes, l'LiL-eA Cravées. bas-relitfr\, -.rne- 
riii;iil«. ele.. liii; ..v.iei!- .[iie m..,feints, les i-lii-. iiiléreïS.ints si'us le r.i['poil 
,:.■ Turl e! .!e rhisl.nr^, -■-..le : .u" liS |.r.i.-ê.lé> Je M. Aeliille C-.I[a>. sous I;; 
.Ih-e.-'ii.r .k .MM. I'..^;l iie!.i!..^lie. i'..i:iire: llciiriqud Duponl, pr.ivcur; Cli. 

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K O M E SOUTERRAINE 
KKiiMi: in:.- i)i:(:oi:vi;Hi i:s dl m. ni: ko^m 

l.,\\s 1 1 s t: VI M.UMIM > |.M\iAIMN 
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Pur M. PAUL ALLABD 



HËHOIRES D ARCHËOLOBIE. OÉPIGRAFBIE ET D HISTOIRE, pni (). l>KRitiiT. 

Je riiiMimi. I V..1. in .'(avej i-liin.l.es .S fr. 

ARCHÉOLOGIE CELTIQUE ET GAULOISE. Me ires ei J'.jiiineni-. lelaiifsnuN 

1 \.,\. i:.-s ace....iv,.i:iiJ >lc (-lai.die,. ^' e.liii.ii. >.US ^^e^^e>. 

BAS-BELIEFS DU PARTHENOM ET OU TEMPLE DE FHIGALIE. .lisr'>ses »ui- 
va.n r..rdie de la .■..:r.p.sili..n ..ripnale cl firaiés dapv^ le- yvcéMi ,r.\n). 
i;oLL.\s. I ji'li alSuni in-4 obl-.nc, soutenant io planelies el un te\ie de 
jij piBes, j-arCn. Li.n-.rm.^st, de ritia-.init, inn. à l'a:.f!l4Îse 1? Ir. 

LE MORO DE L'AFRIQUE DANS L'ANTIQUITÉ (;ree.]ue ei ruiiuine. Ktiide l,h- 
Uir.mie et pedprarliiijue (-ar \ ivik\ UK Saint-.VI.MUIN. Dinnipe l'uurunné jir 
rAêailêniie des Insvrij-lii'iis. i vul. pr, in-'<, oartes 1 j ft. 

LES JEUX DES ANCIEHS. Leur de^^riplion. leur •niuine, leurs rapports avcv- U 
relifiioii. les arts et les inceurs. par Hk- y i,t l-""-,-.jru:i(i.s. .' édiiitm illustrée de 
gravures sur b.is d'apr-ù» i'aini.)ui:. 1 \ol. tjr. ir.-N « fr. 



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